Chapitre 13

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Je fais un bond en arrière.

Beaucoup trop surprise pour pouvoir faire quoi que ce soit d’autre à part rester assise et le regarder, incrédule, les yeux écarquillés et mes poumons mécaniques qui semblent avoir été déréglés, avoir oublié comment respirer, comment évacuer l’oxygène qu’ils gardent prisonnier. La bouche entrouverte, les lèvres en suspens, je continue de ne rien faire, de tout simplement être assise, perdue dans ma surprise, incapable de réfléchir, de parler, de laisser mes mots sortir.

Je me pince les lèvres.

Ferme les yeux, me plongeant ainsi dans l’obscurité.
Écoute cette voix, sa voix, qui ne cesse de résonner dans ma tête en écho, disant encore et encore la même chose, prononçant encore ces mêmes et uniques mots :

«Je prévois de faire un coup d’État».

Je la reçois telle une gifle, une gifle douloureuse et inaudible qui me fait rouvrir mes yeux, plonger mon regard sur cet homme à la chevelure étrangement rose, cet homme qui se mettait tout d’un coup à dire des choses insensées, illogiques, des choses que je ne pouvais accepter sans broncher. Faire un coup d’état, c’est aller contre la royauté, contre la monarchie, contre ce pouvoir absolu que les dieux nous ont imposés ! Comment peut-il seulement songer à se rebeller contre son roi, contre sa reine, contre tout ce que ces monarques ont fait pour leur peuple, contre leur sacrifice et leur bonté ! C’était tout bonnement ridicule, tout simplement impensable.

Le souffle court, je sentis mes sourcils se froncer, mes yeux se plisser et mes membres se mettre à bouger, comme s’ils avaient soudainement décidé de prendre vie ou comme guidés par une force invisible. Mes pieds se tendirent et je me levais, m’approchais de ce demi-dragon et le regardais, ainsi, debout devant lui avec mon cœur débordant d’une soudaine colère, une colère froide et amère, dévastatrice, je le regardais avec ma bouche ouverte et tous ces mots qui bouillonnaient dans ma tête, toutes ces phrases qui me brûlaient, tant elles souhaitaient sortir, toutes ces choses que je voulais lui dire mais que je n’arrivais pas à aligner, pas à formuler, pas à laisser sortir.

Ne sachant comment les laisser sortir.
Je poussais un tendre et long soupir.

-Nous sommes venus voir la sorcière parce que je savais que les deux derniers dragons seraient avec elle, souffla Natsu en me toisant, le visage fermé, le regard dur. J’ai besoin d’eux, j’ai besoin de leur puissance pour reprendre le trône, pour reprendre cette place qui me revient de droit. Pour reprendre ce royaume qui m’était destiné et réparer tous les torts que mes imbéciles de parents ont causés à sa population.

-Vos imbéciles de parents, je répétais, médusée, mon vague sentiment de colère s’étant totalement dissipé.

Le souffle court, bloqué, retenu par des liens solides et invisibles dans le fin fond de ma gorge, les doigts subitement glacés, les membres frigorifiés, je me mis à trembler, je me mis à trembler en écarquillant les yeux et en continuant de le fixer, de le jauger, en ayant le plus grand mal du monde à supporter le silence, qui semblait avoir pris forme physique et était déterminé à m’asphyxier.

«Mes imbéciles de parents. »

Ces mots, pourtant si simples, pourtant si courts, ces mots que n’importe qui pouvait comprendre m’échappaient, leur sens glissait entre mes doigts frigorifiés et il disparaissait, perdait toute forme, perdait toute couleur, toute apparence.

-Natsu… vous êtes un … prince ?, demandais-je en m’étranglant.

Ayant du mal à supporter le supplice causé par l’attente.
Cette attente de la réponse si désirée, une réponse qui ne changerait pourtant rien, qui ne me ferait pas dévier de mon chemin, cette réponse si anodine et pourtant si importante, tellement convoitée.

Embrasse-moi princesseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant