VI

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Je ne peux m'empêcher d'être étonné en voyant l'immensité de la gare dans laquelle je suis arrivé. Les trains défilent, des personnes crient ou s'interpellent, des sifflets se font entendre. Un joyeux b***** ! Enfin, il va falloir que je trouve la partie marchandises et un train. Je vois la direction à prendre, reste plus que le train.
Je sors de la gare et avance sur les voies sans me faire voir. L'attente commence.

Il est maintenant 14 heures. J'ai réussi à attraper au vol un train qui partait. Quelle est sa destination ? Je ne le sais pas. À vrai dire, je sais simplement qu'il va vers le sud et c'est tout. Ça me suffit. Le wagon sens le grain moisi. Une ou deux lucarnes permettent d'aérer cet espace restreint. Je ne sais pas s'il s'arrêtera un jour et où, mais je surveille. Ça fait un bien fou de ne plus entendre le bruit infernal de la population humaine. Seul le tac-tac caractéristique du train m'inspire. Il me berce, m'entraîne dans des endroits inconnus, au plus profond de mes pensées. Dehors le ciel se couvre de nuages gris et une odeur de pluie se forme. Je crois que ce serait mieux qu'elle tombe, les types de la SNCF ne sortiraient pas. Moins de risque.

Le train a ralenti. Je me suis endormi sur un vieux sac de grain, rare détritus qui jonche mon première classe. J'entrouve la porte pour voir ce qui ce passe. Rien. Pas grave, je la laisse mi-ouverte, ça fera de l'air. Dehors il pleut. On dirai même depuis longtemps, vu la terre détrempée. Bon je me recouche. Le convoi va toujours à son allure lente. On m'a expliqué que le mauvais entretien des rails en ai la cause. Pas étonnant qu'il y ai du retard. Je m'assois sur mon sac et replonge dans mes pensées. J'attends.

J'entends des voix. Le wagon est a l'arrêt. La porte s'ouvre. Deux hurluberlus montent et fixent leurs regards sur moi.

- 'jours, on peut monter ? Demande un petit courtaud.

- Bien sûr !

- Ent'e typ' faut ben s'der. Reprends l'autre tige en montant à son tour.

Une fois monté, le poivrot ferme la porte.

-Prenez un de ces magnifiques matelas mes seigneurs ! Ironisais-je.

- Pas d'r'fus. J'f'rai ben p'tit som' ! Déclara l'hippy. Sur ce, joignant les gestes à la parole, il s'allongea et s'endormit en moins d'un ouf.

- Et vous ?

-Ho ! J'suis qu'un gars normal. Enfin j'parle pour moi. L'autre j'lai déniché dans un abri bus, il voulait voir des trains, alors j'l'ai emmené. Sinon merci de nous avoir accepté ici.

- Y a pas d'quoi. C'est normal. Sinon moi c'est Karl. Mentis-je sans regret. Et toi ?

- Wenceslas. C'est pas courant mais ça existe.

- Et tu vas où sinon ?

- J'vais près Lourdes pour visiter un peu. Mais toi t'as l'air ben jeune pour voyager comme ça.

- Oui, c'est étonnant, je sais. Je quitte la France, pour l'Espagne.

- Ça a même pas quarante ans et ça en a déjà marre. C'est quoi qui te faisait chier ? Ton boulot ? Ta femme ?

- Non, ma famille.

- À bon, si c'est ça. Enfin j'vais m'coucher. Tu surveilles pour nous. Ça te dérange pas ? On changera.

Il prit une pile de sac, l'étala sur le sol, s'allongea et s'endormit. Je m'assis sur mon sac à dos et me mis à observer mes nouveaux compagnons de route.

Wenceslas n'est pas très grand contrairement à son camarade. Des cheveux châtains recouvrent sa tête rondelette. Un nez aquilin et des yeux vairons le caractérisent le plus.

Son camarade lui est grand et maigre. On voit rien qu'à sa tête que c'est un habitué de l'alcool. Ses vêtements sont en lambeaux mais ça n'a pas l'air de le déranger. Vu comme il dors, il a sûrement encore quelques grammes dans le sang. J'espère qu'il ne posera pas de soucis.

Ça fait deux heures que je surveille. On a eu trois ou quatre arrêts pendant lesquels j'ai verrouillé la porte. Personne ne nous a dérangé. Je vais changer avec Wenceslas.
Je me couche et m'endors sur le coup. J'espère qu'on arrivera sain et sauf à Lourdes.

Histoires InachevéesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant