IX

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Je me reveillais parmi le chant des oiseaux et le bruit du vent dans les arbres. L'air était pur et frais; une odeur d'herbe flottait autour de mon lit.
L'explosion de vie en moi continuait. Je pensais à tout ce que j'avais lu sur la compréhension de la nature: tous les scientifiques qui faisaient des recherches extraordinaires pour tenter de comprendre les mystères naturels. Et moi. Je connaissais tout, je comprenais tout, je me nourrissais de tout.
En parlant de nourriture, mon esprit avait beau être au comble de la jouissance, mon corps émettait des grognements dont le sens était facilement reconnaissable. J'avais faim !
Je fermais les yeux et me concentrais sur ma vision vive. Chaque animal m'apparaissait comme une flamme plus ou moins importante selon la taille de la bête. Le discernement des espèces semblait avoir toujours fait parti de moi. J'arrivai à distinguer le lièvre du raton laveur, la biche du cerf, la colombe de la pie. Chacun m'apparaissait pleinement.
Je concentrais mon esprit sur une "flamme" choisi presque au hasard. La sérénité et le bien-être que m'inspirait cette ombre, malgré sa petitesse, avait joués dans ma sélection. Je m'accrochais à elle, lui envoyais mon état d'esprit et mes pensées. Une accroche. Peut-être.
La petite bête levait la tête, étonnée. Elle se croyait pourtant bien seule. Personne ne l'accompagnait. Personne ne l'épiait; il y avait bien cet humain dans la clairière voisine, mais il ne bougeait pas.

- Je suis l'humain. Envoyais-je.

S'ensuivit un moment de flou total. Le cerveau de la petite chose semblait prête à surchauffer. Je réessayais encore.

- Vois-tu l'humain à côté ? C'est moi qui te parle. Tu me comprends ?

- Pas facile. Cerveau toi plein. Inutile.

- J'ai le cerveau trop plein pour toi ?

- Esprit toi énorme ! Répondit-il. Toi faim ?

- Oui. J'ai très très faim.

- Toi pas manger moi. Moi pas bon toi ! S'écria-t-il très vite et avec agitement. Pas manger moi !

- Je ne te mangerai pas. Je veux juste quelque chose de bon. Quelque chose que tu aimes.

- Humain pas aimer noisettes. Pas pour humain.

- Si, ne t'inquiètes pas. Je vais te montrer que j'aime ça.

- Toi attendre. Moi chercher.

Je sentis le petit écureuil s'éloigner, grimper à un arbre. Un instant je crus être devenu l'animal. Je sentis un court instant le pelage de mon corps, ma queue touffue, mes griffes se plantant dans le bois tendre d'un grand noisetier, mes muscles se tendres lors de mes bonds. Tout ça le temps d'une seconde.

- Pas bien toi entré tête moi ! Pas bien ! S'écria-t-il.

Je me retirais de suite et réintégrais mon corps d'homme. Je me levais et rangeais mes affaires. Couverture pliée, sac fermé. Puis je m'assis à côté et me mis à contempler le sol. L'attouchement des esprits animaux continuait. Bêtes de toutes sortes me frôlaient, intriguées par cette nouvelle imposition.
Peu après l'écureuil revint, un paquet de célèbres noisettes aux bras, sautillant dans l'herbe presque aussi grande que lui.
Il possédait un pelage roux et des yeux vifs, toujours à l'affût de mes mouvements. À quelques pas de moi, il déposa son précieux trésor et s'éloigna de moi. Debout sur ses pattes postérieures, il me regardait d'un air inquisiteur, observant. Je m'approchais tout en restant assis, et tendis le bras pour prendre la nourriture tant attendue. Une belle petite coquille, bientôt écrasée par mes mâchoires, et avalée en quelques secondes. Le tout en supportant les oeillades du petit bout d'animal.

- Toi avoir dents fortes. Dit-il.

- Oui. Je suis habitué aux choses dures à manger.

- Toi faire quoi ici ? Pas place toi ? Toi vivre pas ici ?

- Non, je pars de ma maison et je marche.

- Ah !

Petit à petit, le tas avait été fini. J'en profitais pour me redresser et remercier mon hôte.

- Merci beaucoup petit écureuil. Je n'oublierai pas ce que tu as fait pour moi.

Mon interlocution terminée, il me tourna le dos et s'enfuit à plein rebond.

- Il ne doit même pas savoir ce que cela veut dire.

J'avais parlé tout haut mais j'eu la vive sensation que quelqu'un m'avait entendu et essayait de me contacter. Il venait du ciel. Battait des ailes sans bruit et avançait vers moi. J'ouvris mon esprit au sien et me retrouvais plongé dans un cerveau en ébullition. Pas celui de l'écureuil, qui était plein de petites choses et vide en même temps, mais celui d'un faucon, net, parfaitement organisé, stratégique. Je sentais en celui-ci le tempérament d'un prédateur inconditionnel.

- Il est trop bête pour comprendre ça. Dit-il avec ce qui semblait être une "voix" tranchante.

- Mais toi non peut-être ?

- Moins que lui. C'est moi le chasseur, lui le gibier. Mais toi qui es-tu ? Comment se fait-il que tu puisses nous parler ?

- Je suis un être humain banal. Juste que j'ai quitté les miens. Pour le don de pouvoir te parler c'est l'esprit des ancêtres qui me l'a offert.

- C'est pas souvent qu'un humain reçoit ce don. Le vrai dernier s'était l'homme marron et s'était dans une autre époque.

- Je vois de qui tu parles. Nous on l'appelait Saint François d'Assise. C'était un très grand homme.

- Tu ne sais pas bien utiliser ton don. Chaque fois que tu me réponds, c'est comme si tu le criais sur toute la plaine.

- Et que puis-je faire contre ca ?

- Viens avec moi, je te présenterai à la vieille chouette qui habite la tour détruite.

- Emmène moi là-bas, veux-tu ?

- Suis moi.

Histoires InachevéesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant