Après avoir mangé le dernier morceau de lapin, nous nous remîmes en route. Une forêt s'étirait devant l'horizon. Des collines donnaient une pointe d'irrégularité au terrain. L'air était frais, le ciel splendide. Nous nous engagions dans le bois et suivîmes tout d'abord une chemin sinueux. Kirikick était perché sur mon épaule. Ses griffes avaient beau m'écorcher l'épaule, je ne pouvais que m'en sentir plus rassuré de sa présence. La pente s'accentua, les arbres de rapprochèrent de chaque côté. À un moment donné l'épervier me demanda d'obliquer sur ma droite, vers le sommet de la colline. Il prit son envol dans la direction indiquée. Je trouvais un morceau de bois bien épais et m'en servais pour battre les ronces m'entourant.
La forêt semblait former une barrière intraversable comme si elle devait cacher un trésor aux yeux du monde qui l'aurait abîmé. Rien ne se montrait et pourtant mon bâton battait toujours les plantes.
Enfin, au bout de mille efforts, je parvint enfin à traverser le feuillage touffus des derniers arbres. Et quel spectacle s'offrit à mes yeux ! Un magnifique châtelet en ruine occupait la clairière. Le lierre avait pris possession des murs et s'introduisait par toutes les ouvertures, déchassant les pierres taillées. Un bâtiment d'habitation, flanqué d'une haute tour carrée, formait le côté nord. Cette dernière ne laissait voir que des ruines. Je m'engageais sur le pont de pierre qui menait à l'entrée de la place. Une fontaine ornait son centre et le jardin s'étendait à toute la surface. Mes pas m'emmenèrent vers les ruines de cette défense. Je poussais le reste de la porte, battant sur un gond et rongée par les termites, et montais un escalier. De la première salle ne restaient que des vestiges anciens. Mais au centre de dressait un foyer, épargné par le temps. Je m'en approchait et dépoussiérais le manteaux. Des lettres d'or devaient signifier une ordonnance ou une devise. Sauf que ces lettres donnaient l'impression d'être vivantes.
Mes doigts passèrent dessus. Elles semblèrent s'animer après mon passage. Et soudain une bribe de mémoire me revint: ces mots, je les savais prononcer. Une langue si vieille et tombée dans l'oubli ! Quel gâchis !Je prononçais les phrases dans leur première nature et m'en faisait mentalement la traduction:
Toi qui passe, si tu es digne,
Allume le feu de la Terre,
Mais garde-t-en de te brûler !La langue de la Nature. Seule la Vie pouvait la prononcer dans sa pureté. Et moi qu'étais-je ? Un rejeton de cette Vie ou son rejet ?
Je dégageais le foyer et retournais les charbons. Malgré l'éternité qu'ils avaient du vivre, ils restaient à mes doigts pleins de chaleur. Je clamais les paroles tout haut. Et à l'instant où j'eu fini, un grand feu jaillit du centre. Non, ce n'était pas un feu, ce n'était qu'une grande flamme bleuté, d'une chaleur étouffante.
L
a Vie a libéré le feu de notre Mère !
Est-ce Elle ou l'un de ces enfants ?C'est un Homme, un Homme-Animal, le dernier de son nom !
S'exclamèrent des voix autour de moi. Mais soudain une autre pris le dessus et imposa sa parole.
IL NOUS A RÉVEILLÉ ! EST-IL DIGNE ! OU EST-CE UN TÉMÉRAIRE ? PEUT-IL NOUS DOMPTER ?
Oui, nous le pensons Seigneur. Il a une mission et la Nature est avec lui.
NOUS ALLONS LE VOIR, S'IL EST DIGNE FILS DE NATURE.
Sur ce la flamme sortit de son foyer et m'entourant, grillant tout autour d'elle. Je me retrouvais dans un cocon de feu bleu. Elle m'enveloppa et me demanda:
- EST-TU FILS DE LA NATURE ?
- Tu l'a dis je le suis.
- ES-TU DIGNE FILS D'ELLE ?
- Je le crois.
- ES-TU AUSSI PUR QUE LA LUEUR DE LA LUNE, QUE LA BLANCHEUR DE LA NEIGE, QUE LA LUEUR ÉCLATANTE DU SOLEIL ?
- Il ne me reste que les passions d'une vie humaine.
- POUR NOUS POSSÉDER TU DOIS NOUS GARDER EN TOI JUSQU'À CE QUE NOUS SOYONS SATISFAIT. EN ES-TU CAPABLE ?
- Oui, je m'en crois capable.
Tout à coup des pointes de feu se formèrent en quelques secondes et s'enfoncèrent à la place de mon sternum pour ressortir de l'autre côté.
- HAAAAAAAAAAAAAAAAA !!!
Je sentais ma chair brûler, mon sang bouillonner, mon cœur défaillir. Mon cri continua jusqu'à ce que les flammes se retirent de moi.
Quand tout fut fini, je m'écroulais sur le sol, inconscient mais souffrant le martyr.