Pour que les étoiles brillent toujours (BL)

SHANGHAI | De rencontre et de clopes.

S H A N G H A I 

La fraîcheur de la nuit s'était emparée des rues de Shanghai. Doucement, les lumières des buildings s'éteignaient une à une quand d'autres grésillaient sur les lampadaires des trottoirs. Un épais brouillard, tel un nuage incandescent venant de l'océan, pointait le bout de son nez entre les tours du Central Business District.

Les yeux de Stuart regardaient la scène d'un air intrigué. D'un vert foncé, ils avaient tendance, avec la fatigue, à virer au gris foncé. Ses paupières, quant à elles, vacillaient fébrilement. Il était tard, peut-être trois ou quatre heures du matin. Mais Stuart n'arrivait pas à dormir. Il était assis contre le mur vitré de sa chambre d'hôtel, au vingt-troisième étage d'un immeuble à l'architecture impersonnelle.

Le jeune homme ne pouvait s'arrêter de penser. Il aurait aimé arrêter ses tourments, ces idées qui lui polluaient l'esprit. Il aurait aimé comme tous ces jeunes de son âge : un lycée ordinaire, un vélo pour rentrer chez lui après les cours, les parties de jeux-vidéos jusqu'à minuit avant de s'apercevoir qu'il n'avait toujours pas fait ses devoirs pour le lendemain. Secrètement, il en rêvait. Mais il ne pouvait pas le montrer. Il ne devait pas le montrer. Tout ce mal-être, toutes ces cernes étaient apparemment déjà de trop. Comment réussir à jouer la comédie quand on se sent creux, à l'intérieur ?

La climatisation s'arrêta. Il se souvint qu'elle était programmée pour se stopper tous les quarts d'heures. Et c'était la cinquième ou sixième fois qu'elle s'arrêtait. Alors, Stuart poussa un profond soupir, passa la main dans ses cheveux, sur la moquette brossée, et se leva pour rejoindre son lit. En passant devant la porte, il entendit du bruit depuis le couloir. Comme si quelque chose était tombée. Une femme de ménage, ou un gardien sûrement...

" - Ah merde ! "

Sa curiosité prit le dessus. Il enfila le premier t-shirt qui était resté sur sa valise défaite et sorti en caleçon. La lumière vive du couloir, contrastant avec la pénombre chaleureuse et rassurante de sa chambre, lui ébloui les yeux. Il lui fallut quelques secondes pour que ses pupilles s'habituent.

- Oh, je vous prie de m'excuser, Stuart, si je vous ai réveillé. Je voulais monter sur le toit mais je n'ai pas encore trouvé l'escalier... En plus, mon colocataire de chambre ronfle, c'est une horreur !

Le jeune homme avait l'air de dire la vérité. Un peu plus petit que Stuart, ses cheveux en bataille compensaient nettement la différence. D'un châtain très clair, presque blond, la gêne qui traduisait le rouge sur ses joues ne contrastait que d'autant plus. Stuart le prit, presque, en affection ; lui qui avait la réputation d'être aussi froid que la glace, était autant gêné que ce jeune homme en face de lui.

- Et vous êtes...?

- Oh, pardonnez-moi ! Je suis Axel, je suis l'apprenti ingénieur son du show. Je suis arrivé avant-hier, mon prédécesseur serait parti à ce qu'on dit...

Stuart se souvenait très bien de la personne qui l'avait précédée : un homme patibulaire, mal rasé, qui tentait de se donner un air d'homme à femme mais qui s'était toujours révélé vieux garçon. Ses habitudes avaient dérangé Stuart, si bien qu'un jour une dispute avait éclaté hors antenne. Heureusement, d'ailleurs. En plus d'avoir le verbe haut, il s'était révélé violent à l'égard de Stuart. La production l'avait immédiatement renvoyé : la violence n'était pas envisageable, et il fallait trouver un alibi pour expliquer le coquard aux médias. Un pugilat sans nom qui, pourtant, avait enfin donné quelque chose de distrayant pour Stuart.