D'encéphalogramme et de portes qui claquent

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Je me suis réveillé au son du moniteur cardiaque. Ses bruits aigües, monotones et monocordes, comme immuables, berçaient mes yeux s'éveillant doucement. Je fus ébloui par ces hautes lumières blanches, éparses et indistinctes. J'avais l'impression d'avoir dormi pendant des siècles, si bien que tous mes membres étaient engourdis.

- Vous êtes à l'Hôpital français de Londres Monsieur Lemair, vous vous êtes évanouis.

En tournant la tête vers la gauche, j'aperçus la personne d'où émanait la voix. Une infirmière s'affairait sur les machines qui encadraient mon lit, certaines reliées à mon torse, d'autres à mes veines. Je ne distinguais ses traits que quelques secondes après. Son visage était incroyablement doux, malgré une peau marquée par la vie. Son sourire était rayonnant. On pouvait lire dans ses yeux qu'elle semblait vraie, qu'elle semblait avoir de réelles valeurs, et ça, ça n'avait pas de prix.

Malgré les câbles, j'essayais de relever mon buste. L'infirmière se précipita vers moi, m'indiquant qu'il était préférable de relever le dossier plutôt que de bouger mon corps endolori.

- Combien de temps ai-je dormi, questionnais-je, inquiet.

- Trois jours Monsieur. C'est normal, avec votre anémie... Les patients perdent la notion du temps. Quand le médecin sera passé, vous pourrez sûrement recevoir des visites, mais pas avant !

- Certaines personnes souhaitent me voir ?

La femme sourit doucement. Un rictus innocent passa sur le coin de ses lèvres, ses yeux me dévisagèrent du coin de leur paupière. Elle me répondit aussi doucement qu'avant :

- Oui, il y a un jeune homme qui fait le pied de grue depuis votre admission. La sécurité à d'abord cru à un journaliste trop curieux, mais il avait une carte de l'émission... Il est très impatient de vous voir. Je lui dis que vous êtes réveillé ?

Mon sang ne fit qu'un tour. Je restai figé. J'avais honte de moi, honte de ce que j'avais pu faire : malgré m'être servi de lui, de l'avoir rejeté, de lui avoir envoyé du chaud, du froid et du n'importe quoi, il était resté ici jusqu'à mon réveil. Il avait dû déserter la production malgré les contre-indications, et pour cela, je lui portais secrètement une forme de fierté.

Le médecin est venu, mais je n'avais aucune envie de l'écouter. Je ne rêvais que de revoir Axel, de le serrer dans mes bras, apercevoir son si large sourire timide et ses yeux rêveurs. Mais tout s'est passé différemment. La grave voix du médecin lui indiqua qu'il pouvait entrer. Il ferma la porte, et s'assit dans la chaise juste en face de mon lit. Ses yeux noirs, pleins de cernes, de colère et de larmes, semblaient dire "distance de sécurité, navré". J'ai voulu soutenir son regard, n'imprégner de chacune de ses expressions. Il a rapidement tourné la tête vers la haute fenêtre, comme s'il craignait de pleurer à nouveau.

- T'es vraiment un con...

Ce serait mentir de dire que je ne m'attendais pas à cette phrase. Axel avait beau vouloir se montrer mystérieux, il restait un indéniable prévisible.

- Je sais Axel...

- Non, tu ne sais pas. C'était une des phrases que j'ai dite il y a de cela trois jours. Une des dernières phrases que j'ai prononcée avant d'avoir peur de te perdre. J'ai eu peur de ne pas pouvoir m'expliquer.

- Il n'y a rien à expliquer, tu as eu raison, et c'est ainsi.

En entendant mes mots, le jeune homme s'était relevé. Ses membres paraissaient endoloris, par la fatigue, par l'angoisse. Il semblait si frêle, si chétif, que j'avais envie de le prendre dans mes bras. Mais sa voix se fit plus fort, plus rauque, plus éraillée.

- Décidément, tu ne comprends rien ! Il y a tant de facteurs à prendre en compte, mais toi, tu ne penses qu'à ton intérêt. As-tu songé à mes ressentis, mes envies, mes aspirations, mes peurs ? J'en sais rien, car personne ne te connaît vraiment Stuart !

Ses mots ont été criés, mâchés, broyés. Il était en colère, infiniment meurtri. Je me sentais impuissant sur mon faible lit d'hôpital, allongé comme un malade.

- Je sors dans trois heures d'après le médecin. On en reparle à l'extérieur.

- On ne pourra pas en reparler à l'extérieur. Tu n'es pas comme tout le monde Stuart. Et devant moi, je n'ai pas le Stuart qui m'a fait aimer la vie, sur ce toit de Chine. J'ai devant moi un Stuart fuyant. Tu n'es pas comme tous les autres garçons, mais pour autant, tu as les mêmes obligations. 

Il partit en claquant violemment la porte. Il avait poignardé mon regard, sans flancher. Jamais il n'avait donné une telle ferveur que j'en avais perdu les mots, que mon souffle en était coupé. Je mis du temps pour comprendre ses phrases et leur sens. Je n'étais pas un simple garçon, car dès que je sortirai, des dizaines de caméras seront braquées sur moi, chaque reporter souhaitaient une exclusivité sur mes cernes. Mais Axel avait raison : j'avais les mêmes devoirs que les autres, dans le sens où cette médiatisation ne me donnait pas le droit de jouer avec les sentiments des personnes, voire même de me jouer des personnes.

C'était ça que j'aimais chez Axel. C'était ses valeurs que jamais il n'abandonnerait, ses principes qui faisaient que mes visions du monde devenaient erronées. Il provoquait en moi un maelström d'émotions qui m'envoyaient voguer sur des eaux inconnues jusqu'à présent. J'étais encore jeune et insouciant. Jamais je n'avais eut l'impression d'être cette jeune fille effarouchée qui pensait avoir trouvé « l'amour de sa vie ». J'avais toujours trouvé ça risible, voire ridicule. Mais aujourd'hui, j'étais fier de dire :

« C'est le bon ».

Pour que les étoiles brillent toujours (BL)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant