LONDRES | De changement et de surprises.

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L O N D R E S 


Stuart avait besoin de changement. Et quoi de mieux que Londres pour se changer les idées. Il s'était toujours dit qu'il avait un mode de fonctionnement un peu particulier : il avait ce système d'auto-défense qui lui avait tant posé problème par le passé. Ce qu'il ne contrôlait pas l'effrayait. Alors, dès qu'il était déçu, meurtri, blessé, son système d'auto-défense prenait immédiatement le relais. On pouvait lire dans ses yeux la froideur, la distance. Il se protégeait. Il s'était une fois de plus fait des films, imaginé l'impossible. Ces quelques heures d'avion lui avaient fait un bien fou. Sa protection activée, il voulait changer, être lui-même aux yeux de tous. Stuart n'était pas du genre à se morfondre, bien au contraire : il faisait tout pour avancer, qu'il soit seul ou accompagné. Pour lui, les autres ne devaient pas être un frein, car dès qu'ils auraient l'occasion d'avancer, eux aussi, ils ne penseront plus à lui.

De l'autre côté de la cabine, Axel se morfondait depuis le siège 39A de la classe éco. Les yeux rivés sur le hublot, la musique se diffusait dans ses oreilles. Mais il n'entendant rien. Ses propres battements de cœur martelaient sa tête, si bien qu'il commençait à en avoir la migraine. Il ne savait pas ce qu'il s'était passé la nuit dernière. Réalité indubitable ou simple rêverie ? Et s'il avait tout abandonné avec son ami des étoiles pour rien ? Ses questions tournaient en boucle dans sa tête, sans qu'il ne sache réellement pourquoi. Après tout, il n'avait jamais été attiré par les garçons, alors la question ne devrait pas se poser !

Sur le sol anglais, les pas de Stuart étaient assurés. Il n'était peut-être pas prêt à opérer sa transformation instantanément, mais il était prêt à la manier tel un chef d'orchestre a le contrôle sur ses musiciens. Il ne prêtait plus attention à Axel, qu'il soit devant, derrière, ou dans un second avion, cela lui importait peu. Il n'en avait plus rien à faire du règlement, de rentrer dans les bonnes grâces de Monsieur Davis, le directeur du show. Il souhaitait tout simplement vivre et, pourquoi pas, s'amuser un peu. 

Le soir tombait sur Londres. On avait longuement parlé à Stuart de la ville durant ses cours de géographie. On la qualifiait de ville-monde, de géante européenne, oscillant avec une élégance sans préalable entre l'architecture baroque et les buildings de verre. Il était subjugué par ce caméléon qui lui mettait des étoiles plein les yeux. La production avait demandé aux journalistes de laisser se reposer les candidats, le décalage horaire étant réellement déstabilisant.

Mais Stuart n'était pas fatigué. Il avait toujours été réglé avec la nuit, avec la finesse d'un métronome se posant dans l'espace du temps. Avec sa seule connaissance, Alice, ils sortirent en passant par la fenêtre de sa chambre. L'hôtel était l'un de ces vieux bâtiments victoriens, pas très hauts, mais dont l'enchevêtrement de pièce est impressionnant.

Les rues étaient presque désertes à cette heure-ci. Mais Alice, la Française, avait vécu à Londres durant presque dix ans. Son nom avait commencé à se propager chez les disquaires indépendants, puis dans les drugstores de Camden, avant de s'étendre secrètement dans toute la ville. Elle connaissait du monde, du monde qui auraient bien voulu aider Stuart.

La nuit enivre, enlace, embrasser les esprits. La nuit agit sur les consciences comme personne n'est capable de le faire. La nuit est à la fois magicienne et psychopathe, rendant certains être inconscients. C'était sûrement pour ça que Stuart en était si follement amoureux. La nuit sera son amour d'un jour, son amour de toujours. Et, sous son emprise, les deux jeunes gens rentrèrent dans une petite boutique, moitié échoppe moitié atelier, coincée entre deux piliers du pont ferroviaire.

- Salut Josh !

- Oh Alice ! Ça fait tellement longtemps qu'on ne t'a pas vu ! Parfois, tu passes à la télé, je pensais que l'émission était en direct ! Et ce ne serait pas...

- Elle l'est, mais on est ici incognito, clignait de l'œil Alice, aussitôt imité par le gros Josh. J'aurais un service à te demander...

- Tout ce que tu veux ma belle !

- Je sais qu'il est tard, mais tu pourrais tatouer mon pote ?

- À une heure du matin ?! J'ai les yeux qui se ferment, mais bon, c'est bien parce que c'est toi !

Le Josh en question était assez patibulaire. Plutôt grand et trapu, sa barbe lui donnait davantage l'air sale que hipster. Ses grands écarteurs pendants sur ses lobes, ses tatouages remontaient jusque dans son cou et sur ses avant-bras découverts. Une casquette sur la tête, le mélange était assez original.

- Bon, il veut quoi ? C'est cadeau de la maison, me dit-il.

En vérité, Stuart ne savait pas ce qu'il voulait. Il sortit quelques instants pendant qu'Alice s'accoudait au bar. Elle le connaissait, elle savait qu'il était... spécial. Josh, lui, avait l'air un peu déboussolé. Alors, dehors, Stuart leva la tête. Il questionna le ciel dans l'attente d'une réponse providentiel. Mais il n'eut, pour seule réponse, que la rumeur d'un train au loin. Il retourna dans la boutique, la moue contrariée. Et puis finalement, il trouva. Il y avait juste un délai d'attente, le temps du traitement de la demande sûrement.

« Ailleurs »

Il s'était fait tatouer "ailleurs", en majuscule, avec à la place du A un triangle. Il ne savait pas trop comment ni pourquoi, mais ce mot lui parlait. Un peu comme cette fille qu'il avait rencontré par hasard quelques années plus tôt et à qui les mots parlaient. Mais c'était une bien longue histoire, ça aussi. Il avait choisi le bras droit, dans son intérieur, car il est directement relié au cœur. Et pour lui, ce mot représentait beaucoup. Beaucoup trop.

En rentrant à l'hôtel, son bras enroulé dans un sparadrap, il laissa une note à l'attention de Monsieur Davis qu'il glissa sous la porte de chambre : 

« Après-demain, soit mercredi, je veux une conférence de presse. Une vraie conférence de presse. Avec le plus de journalistes possible. Une envie de bavarder, sûrement.

S. Lemair, P0714137721 »

Chaque candidat avait un numéro, pour l'authentification des notes telles que celles-ci. Et Stuart savait d'ores et déjà que ce mot ferait un grand bruit. Qu'elle sonnerait une grande clameur, une grande nouveauté. 


Pour que les étoiles brillent toujours (BL)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant