|| Transit ||

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Axel ouvrit un œil. La chambre était baignée de lumière, le jour s'était déjà levé depuis bien des heures. Il reprit connaissance, peu à peu. Il sentit son bras sur celui de son compagnon de mésaventure, ses jambes emmêlées aux siennes.

- Que s'est-il passé... chuchota-t-il, à lui même.

En essayant de se lever, une violente douleur le prit à la tête. Il avait l'impression qu'elle allait exploser, ou quelque chose comme ça. Comme si on lui insérait des aiguilles dans le crâne. Bref, abominable.

Il sentit Stuart remuer, se réveiller à son tour. Il ne savait pas ce qu'il c'était passé. Ou si, il ne le savait que trop bien. Mais il ne voyait pas comment aborder la question, alors il préféra l'éviter.

- J'ai la tête en compote, marmonna-t-il, dans l'air, comme pour briser le silence qui l'oppressait.

- Mieux vaut ne pas parler de ce qu'il c'est passé...

Les yeux de Stuart étaient sombres, fixés dans le vide. Il ne savait pas trop comment réagir, lui non plus. La nuit passée avait été intense en émotions et en expériences. Machinalement, il regarda l'heure sur sa montre : 

        >> 13h44.

- Merde ! jura-t-il. Axel, c'est pas contre toi, mais il est bientôt quatorze heures. La production quitte l'hôtel à quinze heures et... Bref, t'es à la bourre !

Axel ramassa ses affaires, se rhabilla et sortit en trompe, sans un bruit. Il devait aider la production à ranger, et s'employer à faire comme s'il ne venait pas de vivre la nuit la plus plaisante de son existence, malgré sa gueule de bois incommensurable. Mais dans la précipitation, il avait enfilé le pull noir de Stuart. Dessus y était imprégné son odeur, son parfum, un bout de lui. Et ce n'était absolument pas pour déplaire au jeune garçon.

Il arriva dans les quartiers de la production, en retard sur l'emballage de l'équipement. Son sourire rayonnait dans la salle.

May, la singapourienne qui s'occupait du graphisme, accourue vers lui, une veste à la main. Son regard était désapprobateur.

- Tiens, mets-ça, aboya-t-elle, sèche. On voit bien que c'est le pull de Stuart Lemair. Et cache moi ce suçon, c'est suspect. Non mais t'es malade ou juste débile ?! T'imagines si ma production apprend ça ? T'es foutu, et lui aussi. De toute façon il est inaccessible, c'est une star !

Le sourire d'Axel s'effaça aussitôt. May venait de gâcher les derniers instants de bonheur dont il essayait de se remémorer, le goût des lèvres de Stuart encore sur les siennes. Il baissa les yeux, réalisant son erreur...

- J'étais bourré, et... je le pensais différent... Je suis stupide ...

- Oh Axel, allez, arrête. Mets toi au travail, on parle plus tard. 

La singapourienne avait la réputation d'être franche. Pendant toute la durée du rangement, elle lui asséna de multiples regards noirs, comme si Axel n'avait pas déjà assez honte de ce qu'il avait fait. Ils filèrent au dernier moment vers les bus alloués par le show, en direction de l'aéroport de Pudong. L'aérogare était immense, la zone de duty free s'étendant sur des mètres et des mètres. Les global-shoppers pouvaient facilement y passer des heures, oubliant parfois leur avion. Mais Axel ne regardait pas les produits joliment disposés, là où des équipes avaient hésité pendant des jours pour savoir s'il n'était pas préférable de les présenter devant un fond rose-framboise ou rose-groseille.

Axel le regardait, lui. Avant de passer la douane, les médias se déchaînaient pour avoir un mot, un son sortant de sa bouche. Mais Stuart incarnait son rôle à merveille. Sous ses lunettes de soleil, l'expression de son visage était fermée, dure, presque hautaine. Il ignorait les paparazzis qui n'avaient d'yeux que pour lui. Puis, soudainement, plus rien. Dans la zone d'embarquement, seule la production était présente. Stuart avait auparavant une attachée de communication, comme tous les autres candidats, mais les représentants du show s'étaient rapidement aperçus que Stuart n'en avait pas besoin : il ne communiquait tout simplement pas. Le monde le laissait tranquille, dans son coin, avec ses lunettes, son chapeau en feutre, son perfecto et ses écouteurs. Axel savait que s'il s'asseyait à ses côtés, tout le monde le remarquerait. Alors, quand Stuart se leva, et alla aux toilettes, Axel en profita pour lui parler. C'était une zone neutre, bien qu'originale.

- Stuart je... Je suis sincèrement désolé, j'étais ivre hier soir, je ne sais pas ce qu'il c'est passé...

Le jeune chanteur voulu lui couper la parole, tout avouer, tout sortir. Mais Axel, les yeux bas, ne le remarqua pas. Il continua son monologue. 

- Je ne veux pas me faire des films, ou imaginer quoi que ce soit... Alors tu as raison, mieux vaut ne pas en parler, faire comme si de rien n'était, parce qu'il n'y a jamais rien eut... J'ai toujours préféré les filles moi, alors il n'y a rien eut... Hein ?

Stuart bouillait. Quand il a dit dans sa chambre d'hôtel qu'il valait mieux faire comme si de rien n'était, il voulait dire à l'extérieur, face au monde. Pas entre eux. Axel n'avait décidément rien compris. Ce dernier sorti, sans dire un mot, pour ne pas éveillé les soupçons. Quand à Stuart, il continuait de se laver les mains, comme si de rien n'était. Il maniait à merveille cette façade. Pourtant, derrière ses lunettes de soleil vissés sur son nez, quelques fragments d'eau salée parvinrent jusqu'au sol, d'autres sur le lavabo. Il les essuya dignement et sorti, sans sourire, reprendre sa place dans la salle d'embarquement. 

Après tout, jamais personne ne lui avait demandé de sourire. Jamais personne ne lui avait demandé d'être heureux.

Pour que les étoiles brillent toujours (BL)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant