Chapitre un : Gravité et concepts connexes

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L'histoire débute avec votre humble narrateur, qui se trouvait alors dans une situation plus que précaire. En effet, avant de me ranger et de me lancer dans le commerce, j'étais un jeune hobbit plein d'entrain et d'énergie. J'allais dans le monde, à la recherche de trésors enfouis et d'artéfacts mythiques. Cette quête m'amena, un beau matin, à me retrouver pendu par les pieds au-dessus d'un précipice. Loin en-dessous, ou plutôt, selon mon point de vue, au-dessus, une rivière glougloutante tourbillonnait de remous funestes. Les bras attachés dans le dos, je n'avais que le loisir de me balancer. Chose que j'évitais, l'arbre malingre qui me maintenait émettant des grincements au moindre souffle. Ma légendaire débrouillardise me faisait défaut, à cet instant, et je ne voyais aucune solution au problème que présentait la gravité. Heureusement, après ce qui me sembla être les dix minutes les plus longues de ma vie, un bruit de sabots s'éleva dans l'air. Un destrier à la robe brune jaillit des fourrés, pour venir se planter au bord du précipice. Le cavalier pencha sa tête, contempla la longue paroi rocheuse s'étendant vers le vide, et tourna son regard vers ma pauvre personne.

— Un coup de main, l'ami, quémandai-je ?

Il ne répondit pas, mettant pied dans les herbes hautes pour l'occasion. Il s'approcha du frêle arbrisseau qui me gardait de la chute, et s'y adossa. Le bois émit un nouveau grincement, et je lançai un regard paniqué à mon interlocuteur.

— Ce n'est pas exactement la méthode que j'aurais imaginer pour me libérer, fis-je.
— Dis-moi, hobbit, m'interrompit l'homme, peux-tu m'expliquer comment tu t'es retrouvé dans cette situation ?
— Des pillards, mon bon seigneur ! Vils brigands ! Racistes, en plus. Ils ont dit que, comme j'avais les grands pieds de ma noble espèce, il n'était que justice qu'ils me pendent par ces mêmes grands pieds.
— Vraiment ? Ils ont dit ça ?
— Oui... Enfin, pas exactement, mais leur sinistre vocabulaire me ferait souffrir, si je devais le reprendre mot-à-mot !

Perplexe, l'individu resta les bras croisés, à contempler mon faible moi-même. Enfin, il porta la main à sa ceinture, ou plutôt, à son épée. L'acier jaillit en un léger chuintement qui me fit reprendre espoir... jusqu'à ce que le fil de la lame se pose sur le chanvre. Je compris alors que j'étais à un coup d'épée d'aller inspecter le fond de la rivière.

— Je n'aime pas les menteurs, menaça l'homme. Dis-moi la vérité, ou tu plonges.
— Je n'ai pas menti, m'écriai-je !
— Ces « vils brigands »... Portaient-ils un signe distinctif ?
— Hormis leur horrible faciès ?
— Je parle de l'écusson sur leur tunique.
— Ah, ça. Oui, effectivement, ils avaient un symbole.

L'homme me poussa du bout de sa lame. La corde, sous l'impulsion, commença à se tordre. Je me trouvai à effectuer une rotation sur moi-même, alors que l'arbre grinçait de plus belle.

— Puis-je vous suggérer un autre moyen pour me faire goûter la délivrance ?
— Ce symbole, continua l'épéiste sans prendre en compte mon intervention, est le sigle du seigneur local. Ces « vils brigands » étaient des gardes.
— De vils brigands déguisés en garde, vous voulez dire !
— Non, de vrais gardes. Des garants de la paix locale. Maintenant, hobbit, dis-moi : qu'as-tu fait pour t'attirer l'attention des autorités ?
— Je n'en ai aucune idée, mon bon seigneur !

Il tendit le bras et me saisit par la ceinture. Arrêté dans mon élan tournoyant, une envie de vomir aux bords des lèvres, je me retins de tout commentaire. La face grave de mon interlocuteur coupait mon exquise répartie.

— Voila l'affaire, continua-t-il. Je suis passé ce matin dans le bourg du seigneur local. Là, j'ai entendu d'étranges rumeurs. On dit qu'un homme de petite taille, aux grands pieds poilus, serait entré dans les ruines sacrées. Après son passage, on s'est rendu compte que l'individu n'était pas parti les mains vides. Il aurait embarqué une relique avec lui. Par conséquent, le seigneur a placé une prime, qui récompenserait quiconque ramènerait l'objet en question.
— Quelle histoire ! Merci de me prévenir. Lorsque je serai à nouveau sur la route, allant tranquillement mon chemin, je ferai attention, si jamais je croise un homme de petite taille aux grands pieds poilus.

Les histoires au coin du feu du marchand hobbitWhere stories live. Discover now