Chapitre trois : Sur la flexibilité judiciaire

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Nous approchions de la ville, et la forme distante devenait clair. Le palais impérial se tenait au centre de la cité, sa grande coupole garnie d'or dominant le lieu. Les tours blanches entourant ce toit particulier s'étirait en hauteur, doigts tendus tentant d'atteindre le ciel. Elles auraient été impressionnantes, si l'île volante ne les surpassait pas. Autour du palace, l'on trouvait de grandes maisonnées de riches propriétaires, et des bâtisses d'institutions consacrées. Le tout formait un large cercle surplombant le reste de la cité. En bas des murailles soutenant ces édifices, l'on trouvait les faubourgs. Construits pêle-mêle, par de nombreux architectes aux goûts variés et souvent contradictoires, cette périphérie semblait grotesque à première vue. Néanmoins, l'œil qui s'attardait un peu pouvait voir un semblant d'ordre dans ce fatras. En effet, malgré, parfois, un ou deux bâtiments qui juraient, l'on remarquait une certaine cohérence architecturale. Les constructions formaient, par la manière dont elles étaient agencées, des districts naturels, qui témoignaient des mouvements de population historique.

Le quartier royal, au pied même du chemin menant au palais, rappelait que les premiers bâtisseurs étaient les hommes, qui s'étaient installés là. Les maisons étaient faites de colonnes de marbres, enjolivés de fioritures esthétiques rajoutées au fil des ans. Leurs places dallées à courbes arrondies faisaient la part belle aux fontaines et autres décorations somptueuses.

Venait ensuite de grands blocs de pierres entassées, gris, carrés, tirant vers le haut. Ils étaient tous alignés, chacun étant l'exacte réplique de l'autre. Les rues allaient en parallèles et en perpendiculaires, dans un agencement efficace. Un tel soucis mathématique dans la construction ne pouvait venir que des elfes noirs. C'était eux qui avaient rejoints en premier le royaume humain. D'abord comme esclaves, puis comme travailleurs « libres », si une telle chose pouvait exister.

Devant les grandes tours, l'on trouvait de très petites maisonnées, à un voire pas d'étage. Certaines n'étaient que des dômes de pierre bleue, présentant juste une porte menant dans les profondeurs. C'était les constructions naines. Ils ne se souciaient guère de l'apparence extérieure de leurs habitations, préférant investir dans leurs tunnels, caves, et autres travaux souterrains. Leurs artisans avaient toutefois fait le choix de bâtir leur atelier à la surface. Un compromis nécessaire, dans une ville où tous n'était pas habitué à parcourir les tréfonds.

Enfin, à l'extrême périphérie, dans des taudis misérables, on trouvait les elfes. Bouts de métaux et de vieux bois cloués à la va-vite, leurs baraques semblaient sur le point de s'effondrer. Ça ne les gênait pas. Ils ne construisaient pas sur la durée. Ils n'en avaient pas le temps.

Stivassian, son canasson et moi passâmes la porte ouest. C'était la fin de la matinée, à l'heure du changement de gardes. Occupées à s'échanger les principaux événements, les sentinelles ne prêtaient pas attention aux voyageurs passant sous les herses. Après un court tunnel de roches polies, nous débouchâmes sur une place, où des étals à la sauvette proposaient de multiples biens.

— Voila, Flatton, fit Stivassian. Tu es en lieu sûr, tu peux arrêter de me coller au train.
— Je vous délivre de votre tâche, maître-lame, répondis-je, solennel.
— C'est ça. Je te dirais bien adieu pour de bon, mais je sais que nous nous reverrons. Sache juste que la prochaine fois, j'ai l'intention d'être le premier sur ta prime, voleur.
— Je ne suis pas un voleur ...

Je m'interrompis. Je venais de réaliser que la place s'était tout d'un coup vidée. Je jetai un coup d'œil aux rues adjacentes, et vis que des gardes organisaient l'évacuation furtive des citoyens. De toute évidence, quelque chose de fameux se préparait, et ça ne me rassurait pas.

Les histoires au coin du feu du marchand hobbitWhere stories live. Discover now