Chapitre deux : Verticalité absconse

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Stivassian allait à grandes enjambées, sans doute pour tenter de me semer. Néanmoins, son canasson ne suivait pas ces mouvements rapides, allant au pas. Pour finir de le contredire, la végétation se transforma en fourrés épais et parsemés de ronces. Ralenti, l'homme sortit son arme, et entama la taille. Je pus, durant l'opération, aller à ses côtés, marchant simplement, sans me presser. J'eus tout le temps nécessaire pour détailler l'individu.

Son visage froid et quasi-inexpressif arborait des traits doux, anguleux, proches de ceux des elfes. Néanmoins, une cicatrice en étoile sur le coin du front durcissait son apparence. Elle se voyait à peine, une mèche de ses cheveux courts la couvrant en partie. Je voyais, à travers sa légère toison blonde, quelques endroits d'un blanc immaculé, de la racine à la pointe. À la manière dont il maniait l'épée, même si ses opposants n'étaient que des plantes folles, je devinais qu'il avait une sérieuse expérience en matière d'escrime. Mon intuition fut confirmée lorsqu'il releva les manches de sa simple chemise : des cicatrices couvraient ses avant-bras, des anciennes marques de griffes larges comme mes pieds. À notre conversation précédente, j'avais déjà découvert que l'homme était mercenaire, un nomade cherchant des contrats dangereux pour gagner sa pitance. Néanmoins, ce n'était pas le fin mot de l'histoire. J'avais une certaine connaissance des us et coutumes des cultures étrangères, et, en observant l'homme, un terme issu de ces études avait surgi. Je ne pouvais regarder le mercenaire sans que le mot ne résonne dans mon esprit, plaqué sur mes pensées. Pour être sûr, je choisis d'interroger mon sauveur.

— Mon seigneur !

— Stivassian.

— Pardon ?

— Mon nom est Stivassian. Et je ne suis pas seigneur.

— Mille excuses. Je m'appelle Flatton.

— Flatton, le voleur.

— Et je ne suis pas voleur, fit ma voix grinçante. Stivassian, un doute s'empare de moi... Seriez-vous, par hasard, un maître-lame ?

Stivassian ne répondit pas. Nous étions arrivés à un dénivelé retors, une corniche s'élevant à deux mètres de vide sous nos pieds. Il examina les alentours, et choisi de passer par une pente abrupte qu'il dégagea d'obstacles de quelques coups d'épée. Il avança prudemment, tenant bien son canasson. Une fois en bas, le cavalier à pied s'arrêta. Une source coulait le long de la paroi calcaire, cascadant de plateau en plateau, formant de petits lacs sur plusieurs étages. Enfin, l'eau tombait une dernière fois, pour partir en un ruisseau où batifolait quelques têtards. Stivassian laissa sa monture s'abreuver, tandis que lui-même se rafraichissait le visage.

— Hé bien, dis-je, voyant qu'il ne répondait pas ?

— Qu'est-ce qui te fait penser que je suis un maître-lame, répondit-il ?

— Je ne saurais le dire. Votre attitude, votre épée, votre présence, d'une certaine façon... Disons que c'est une intuition.

Il ricana, comme si ça l'amusait.

— La plupart des gens que je croise m'appelle maître-lame. Pas parce qu'ils pensent que je suis un maître-lame, mais parce qu'ils pensent savoir ce que ça veut dire. Ils ont oublié la vraie signification du mot, et se contente d'appeler ainsi toute personne avec un minimum de compétences à l'épée. C'est tout ce qu'ils ont retenu. Autrefois, ce titre avait du sens. Plus maintenant.

— Je vous remercie pour cette leçon, mais vous n'avez pas répondu à ma question. Êtes-vous un maître-lame ?

Son visage était tendu, et l'aveu fut difficile, précédé d'une déglutition anxieuse :

Les histoires au coin du feu du marchand hobbitWhere stories live. Discover now