✖ Chapitre 5 : Mamie Danielle est mon ange gardien ✖

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(Radioactive - Marina And The Diamonds)

Je n'avais pas hésité une seule seconde avant de décrocher. Il fallait dire que ma grand-mère était une des seules personnes de ma famille à accepter que je fasse ma vie comme je le souhaitais, et pas comme la société le désirait.

Elle aimait me raconter comment s'était passée son enfance. Elle avait toujours plein d'anedoctes sur son enfance et son adolescence „rebelle". Bien entendu, elle précisait toujours qu'il ne fallait surtout pas que je l'imite, et que j'évite d'approcher des vaches avec un briquet. Ce en quoi je la rassurais en lui rappelant que la ville n'est pas habituée aux bovins, et, dans le silence du combiné, je la voyais presque hausser les épaules.

Ma grand-mère faisait partie du cliché de la grand-mère „gâteau", bien qu'elle le fusse plus avec ma soeur que moi. Il fallait dire qu'elle débordait d'amour envers les autres. Où qu'elle aille, elle donnait le sourire aux gens, et c'était elle qui m'avait donné envie d'en faire de même. A vrai dire, je n'étais pas très douée, parce que je n'avais pas confiance en moi. Ma grand-mère, elle, n'avait pas peur du regard des autres et ne craignait pas le ridicule - ou plutôt les ratages, dans mon cas. Je ne saurais compter le nombre de vents et de recals que je m'étais prise durant ma vie, aussi bien directs qu'indirects. Je ne savais lesquels étaient les plus durs à vivre, mais je dirais les indirects. Parce qu'ils te donnent le sentiment que l'on t'aime alors que tu sais que c'est faux. Mais tu espère quand même que l'on t'aimera, même si tout apparaît comme déjà écrit à l'encre indélébile sur le papier.

Voilà bien une de mes rares qualités. Bien que timide, réservée, distante, j'étais persévérante. Lorsque je me donnais un objectif, je voulais le réussir, aussi stupide soit-il. C'est pour ça que j'avais créé un projet dans ma tête, dont j'étais fière, mais dont je ne parlais à personne, pas même à ma grand-mère. Personne n'était au courant dans ma famille et c'était mieux ainsi. Ils auraient ri, et j'aurais vraiment eu l'impression que personne ne croyait en moi. Mamie n'aurait jamais ri, je le savais, mais je ne voulais pas lui dire. Elle était ma confidente, mais il y a des choses que l'on garde pour soi et que l'on n'avoue à personne, c'est notre intimité.

-Allô Sarah?

Sa voix était énergique, comme à son habitude, ce qui signifiait que Papy allait bien. Parfois, il se mettait à avoir des problèmes de tensions sérieux, ce qui, additionnés à ces problèmes de digestion, de respiration et de cholestérol n'arrangeaient rien. Sans parler du cancer des poumons dont il avait réchappé mais qui menaçait de revenir, comme une épée de Damoclès. Ça me rassurait de savoir que tout allait bien.

-Oui. C'est bien moi. Tout va bien chez toi?

-Oh oui, même très bien! Ton grand-père dort actuellement, mais il ne tardera pas à se réveiller je pense. On a prévu d'enfin faire le ménage dans nos vinyles. Tu voudras que je t'en mettes de côté ?

Ma grand-mère et mon grand-père avaient tenus une boutique de vinyles dans leur jeunesse et s'étaient ainsi rencontrés. Elle avait fait faillite, mais ils s'étaient refusés à se débarrasser des 33 et 45 tours, à mon plus grand bonheur. Le fait qu'ils décidaient d'en faire aujourd'hui le tri était pour moi une occasion d'en récupérer - et, en même temps, cela signifiait qu'ils se rendaient compte qu'ils ne tarderaient pas à nous quitter, à mon plus grand désespoir.

-Avec joie! Je pourrais t'aider dès demain si tu veux, je ne reprends que jeudi!

-Mais Sarah, tu ne peux plus venir à la maison à vélo, tu es à Paris, tu sais? D'ailleurs, vous êtes bien installés?

Je me frappais mentalement le front. Parfois, il fallait vraiment que je réfléchisse avant de parler ou d'agir - même souvent, je dirais.

Du coup, je n'avais pas pensé au fait que je ne puisse pas aller chez mes grands-parents de demain. Habituellement, j'avais l'habitude de les rejoindre lorsque je finissais tôt mes cours, car il était rapide d'aller jusque chez eux à vélo. Mais vu qu'ils étaient désormais à plusieurs centaines de kilomètres, cette solution était inenvisageable. Foutue mémoire aléatoire.

-Oui, très bien. Ils nous restent un ou deux cartons à défaire, et on sera finalement parisiens ! Enfin, des parisiens campagnards, on oublie pas d'où on vient.

Je voyais presque son sourire de l'autre côté du combiné. C'était bête, mais nous nous considérions comme des vrais normands, et non comme français. Un peu comme nos voisins bretons, bien qu'eux ne connaissaient pas la définition du mot „discrétion".

-Sarah?

Je n'avais pas remarqué le silence soudain de notre conversation. J'avais tendance à me perdre trop facilement dans mes pensées, au grand dam de mes parents - et de mon entourage en général.

-Oui?

-Tu peux me promettre une chose ?

-Ce que tu veux.

-Ne change pas qui tu es, jamais. Ne deviens pas celle que tu n'es pas pour satisfaire autrui, sinon ce sera toi qui n'aura jamais satisfaction. Tu es dans une période où tout change, on grandit, on s'épanouit, on fait tout pour plaire et se faire remarquer, même en restant discrète. Ne sois pas influencée par ceux qui te semblent mieux que toi. Personne n'est mieux que personne, et chacun possède ses propres qualités. Il y aura toujours quelqu'un pour les reconnaître en toi. Sarah, si jamais cela t'arrive, n'abandonne jamais ce ou ces personnes, promets-le moi. Jamais...Sarah?

-Oui. Oui, mamie.

Je méditais sur ses paroles me demandant ce qu'elle voulait me dire par là. Attendait elle de moi que je trouve moi aussi l'amour cette année ? Ma grand-mère baissait dans mon estime si c'était le cas.

-Merci Sarah. N'oublie jamais qui tu es, et ce qui t'as construit, même si ces souvenirs sont douloureux.

J'ai eu le sentiment qu'elle pointait du doigt les événements qui avaient suivis mon entrée au collège, et mon envie de mettre fin à mes jours à la fin de l'année 2012. Pourtant, personne n'était au courant, si ce n'est deux ou trois amis que je ne verrais plus avant longtemps. Alors pourquoi avais-je cette impression qu'elle savait?

On entendit un éternuement derrière elle, et la voix rauque de mon grand-père, qui m'empècherent de lui demander ce qu'elle savait au juste. Ma grand-mère raccrocha, et je reposais le téléphone sur son socle, encore un peu perturbée par les propos de ma grand-mère.

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Ce chapitre est un peu plus court que les autres, et un peu moins "action", mais je vous promets que l'action démarre réellement dès le suivant

Rock It (Inachevée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant