❝Je pensais que nous étions peu à posséder ces étranges capacités. Il faut croire que je me suis trompée; on les appelle les mutations génétiques. New-York a dans le passé connu des temps sombres dont la population ne peut que trop bien se souvenir...
Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.
⁂
Paige Wells.
Je cours sur les dalles du trottoir détrempé, il pleut si fort que j'ai l'impression de sentir chaque gouttelettes d'eau percer ma peau avec violence. En m'abritant sous une pile de fardes, je cours, ne voyant pas s'envoler mes feuilles d'études et disparaître à jamais, noyées par ce temps horrible. Enfin, j'arrive sur le pas de ma porte et je peux ôter ma capuche ainsi que poser mes affaires sur le banc devant la maison. Ici, je suis protégée par un petit toit, ma main se pose d'elle-même sur la poignée de la porte mais je ne me résous pas à la tourner. Non, je n'y arrive pas. Mon menton se froisse lentement et commence à trembler alors que mes yeux s'humidifient. Rapidement, je me sens à nouveau flancher alors que mes genoux se dérobent sous moi. Je me laisse tomber sur le sol en m'adossant à la porte en bois, laissant mon visage se perdre entre mes mains, secouée par d'incontrôlables sanglots. De toute évidence, personne ne me verra, cette fichue rue est déserte et mon père est certainement encore enfermé dans son laboratoire. Non, aujourd'hui comme hier je ne supporterai pas de rentrer et de trouver le salon vide, la cuisine calme et aucun bruit mis à part mes pas dans les escaliers alors que je rejoindrai ma chambre. Je ne supporterai pas de rentrer et de réaliser encore une fois que ma mère n'est plus là, que je ne la reverrai plus jamais. Je maudirai toujours la science, elle qui m'a arrachée ma mère et qui est montée à la tête de mon père.
C'était il y a neuf mois, nous étions tous les trois une famille unie et aimante, ma mère se rendait au travail et mon père me conduisait à l'école comme tous les jours. Sauf que cette fois-ci, quand je suis rentrée en bus, mon père m'attendait devant la porte et s'est jeté dans mes bras. Le laboratoire pour lequel ma mère travaillait avait pris feu et une bonne partie de son équipe n'avait pas survécu. Un mélange de substances ayant mal tourné... Ce sont les risques d'un métier passionné, m'a dit mon père. Je n'arrivais pas à y croire, je me voyais lui dire au revoir et lui souhaiter une bonne journée le matin même, c'était impossible, irréaliste. C'est pour cette raison que j'ai mis du temps à comprendre qu'elle était belle et bien partie, je m'en suis rendue compte un soir alors que j'attendais dans mon lit qu'elle vienne me souhaiter de faire de beaux rêves en embrassant tendrement mon front. Elle n'est jamais venue. C'est là que je suis tombée de haut, non, ce n'était pas une mascarade, je n'avais plus de mère.
Je relève la tête, les yeux brillants en scrutant la rue, la pluie s'est calmée et mes larmes ont séchées, je peux enfin me relever et aller affronter une nouvelle prise de conscience dont je me passerais bien. Si certaines personnes acceptent rapidement le décès d'un proche, je ne m'y ferais certainement jamais. Jamais. Comme prévu, aucune trace de mon père. Que voulez-vous que je vous dise? Depuis le départ de ma mère il s'est jeté corps et âme dans ses recherches scientifiques, ça en devient obsessionnel. Quand il en parle, il y a cette lueur de folie dans ses yeux qui me terrifie... Mon père n'est plus le même depuis ce terrible accident. La cuisine est déserte comme si personne n'était venu y préparer à manger depuis un bon moment, ce qui est certainement le cas; ces dernières semaine, je n'ai plus vu mon père des journées entières. Il ne sort même pas pour manger ou pour préparer le diner. Ou juste pour me voir. Il se trouve que j'habite seule et ça me fait mal, car j'aime mon père plus que tout au monde, il est la seule personne qui me reste. Je soupire, tout ça me coupe l'appétit. Alors je répète le même schéma que tous les jours depuis neuf mois, je monte dans ma chambre et prends un bouquin dans le but d'oublier tout ça.