⁂
Paige Wells.
Vous auriez dû voir la tête de ma famille d'accueil quand enfin je descends avec mes bagages et mes cartons portés avec l'aide de Jason.
"Cette coupe, c'est... Original." a dit Madame Wagner en me touchant les cheveux d'un geste hésitant.
Ils m'arrivent au dessus des épaules et sont coupés avec une certaine maladresse, je l'avoue. Ça me donne pourtant un air désordonné que j'aime finalement plutôt bien.
"Tu aurais pu me dire que tu voulais aller chez le coiffeur tu sais, il y a ça et puis ta couleur de cheveux... Je me demande toujours comment tu as fais pour te les teindre sans que personne ne le sache."
Je ris jaune et je lui réponds;
"Moi aussi je me demande comment j'ai fais."
Elle me regarde sans comprendre pendant un long moment alors que je lui tourne le dos avec une certaine arrogance. Alors que Melinda s'attendait apparement à des adieux forts en émotions, je rabats ma capuche sur ma tête en enfonçant mes écouteurs dans mes oreilles et suis le chauffeur qui m'aide à prendre mes affaires jusqu'au taxi qui m'attend devant la porte. Un simple au revoir, une vulgaire bise, comme si je partais seulement dormir chez une amie le temps d'un week-end et que dans deux jours nous nous retrouverons, que tout reprendra son cours comme si de rien était.
Mais non, au contraire.
Me voilà partie du jour au lendemain pour New-York sans savoir ce qu'il adviendra de ce que je suis, sans même savoir où je logerai et avec qui. Pas même quelle école je fréquenterai.
***
Je suis actuellement à l'aéroport alors que le chauffeur me laisse après avoir envoyé mes affaires à l'adresse de ma soit-disante grand-mère. Contrairement à ce que j'aurais pensé, je me sens étrangement calme. Alors qu'il est encore temps de fuire et de ne pas prendre cet avion, je resserre ma poigne sur la poignée de ma valise avec confiance. Une sensation étrange nait en moi. D'un côté, je veux partir. Je veux partir et voir d'autres choses, d'autres horizons. Changer d'air, voir, changer de vie. Alors je supprime et bloque mes anciens contacts sur mon téléphone portable pour empêcher la bande avec laquelle je trainais de me recontacter, autant couper les ponts pour de bon, je ne tiens pas à cette amitié par intérêt. L'appel pour mon vol se fait entendre et je me dirige vers les portes d'embarquement après avoir pris le temps de m'acheter un café, ce qui semble être une tradition des aéroports. Hors de question de m'embarquer dans cette folie sans une bonne dose de caféine! Je regarde aux alentour et suis la file qui prend le même vol que moi en ce jour pour finalement m'engouffrer dans l'engin volant après une dernière vérification des papiers par la sécurité.
Il m'en faut peu avant d'augmenter le volume de la musique dans mes oreilles et de m'endormir dans mon siège après le décollage. Et aussi, après les conseils de sécurité absolument rassurants des hôtesses qui vous préviennent que vous risquez de mourrir à chaque instant lors d'un vol; ça donne envie de continuer le voyage, non? Je regarde d'abord la vue, bercée par une douce mélodie qui résonne dans ma tête. Du ciel, la terre ressemble à un immense patchwork fait main, une grande couverture recomposée de plusieurs tissus choisis de façon complètement aléatoire. Une fois que nous commençons à survoler l'océan, je ne peux m'empêcher de remarquer qu'il trace comme une limite entre deux mondes. Le bleu de la mer se fondant dans la couleur pétillante du ciel, c'est comme si l'avion quittait l'univers pour aller voler dans un grand vide bleuâtre et éternel. C'est seulement quand l'océan est traversé que je retrouve cette connexion subite avec la terre, une sensation de liaison comme entre deux fils que l'on noue ensemble. Je m'endors, toujours bercée par une playlist musicale apaisante et me réveille seulement quand mon estomac commence à crier famine, alors je n'hésite pas à me commander un plat de nourriture fade que je mange malgré tout en observant le couché de soleil vu d'en haut; le ciel se teint d'orange, de jaune, de rose et de mauve dans un dégradé harmonieux qui me fait penser au tableau que les Wagner avaient dans leur salon. Depuis leur annonce ce matin, je me sens dans un état second, comme en transe, comme si je n'étais plus moi. C'est un sentiment qui m'était inconnu jusqu'à ce jour, et c'est très perturbant, je dois dire. Peut-être est-ce un état de choc? En tout cas j'ai cette impression d'avoir raté une étape et de ne pas encore être passée à la réalisation des faits. Et j'ai peur, j'appréhende le moment où j'y passerai.
Il risque d'être explosif.***
"Qu'est-ce que..."
Je regarde droit devant moi alors que je descends l'escalier automatique de l'aéroport de New York, le JFK Kennedy, en tenant à ma main encore et toujours ma valise dont je me hâte de me débarrasser. Sauf que là... Dites, je m'appelle bien Paige n'est-ce pas? Et... Je suppose qu'il n'y a pas énormément de Paige qui sont attendues dans cet aéroport? Bien. Alors c'est sûrement elle, ma grand-mère qui agite une pancarte avec mon nom inscrit dessus. Celle qui a les cheveux coupés courts, bleus et qui porte un pantalon rose vif avec un t-shirt multicolore, celle qui cri mon nom dans la foule en sautillant à gauche et à droite. J'ai envie de rire, de hurler de rire, mais je n'y arrive pas. Je suis partagée entre l'idée du;
"Oh mon dieu, je vais vivre chez une tarée."
Et du;
"Ce n'est pas plus mal que ça."
Alors je me contente de hausser les épaules pour me convaincre moi-même que c'est une bonne chose d'avoir une grand-mère un peu spécial et non une grand-mère sénile qui vous tappe sur les doigts quand vous tenez mal vos couverts.
J'arrive à la dernière marche et me dirige vers elle avec prudence, de peur qu'elle ne m'assène un coup involontaire sur la tête avec sa pancarte.
"Hm, Madame Grimmey?" dis-je d'une voix mal assurée en essayant de lui tapoter sur l'épaule sans grand succès tant elle gigote dans tous les sens.
Je me sens gênée de devoir la suivre ainsi parmis la masse de gens qui se plaignent de son comportements, elle me cherche alors que je suis à côté d'elle.
"Madame Grimmey!" dis-je plus fort pour enfin me faire entendre.
Elle se retourne vers moi avec un air stupéfait; enfin.
Son expression figée qui avait l'air de dire "Oh non, pas encore la sécurité!" -du moins je l'imagine ainsi- laisse lentement place à un immense sourir blanc étincelant. Je soupçonne alors la magie du dentier."Appelle moi grand-mère ma petite chérie!" dit-elle me me soulevant du sol.
Attendez, c'est bien ma grand-mère, non? Et pourtant je peux vous jurer qu'elle vient de me soulever en l'air comme personne ne l'a fait auparavant! Le temps n'a peut-être pas tenu compte du fait qu'il était en son devoir de lui fragiliser les vertèbres du dos. Enfin, bon, si ma grand-mère est plus forte que mes parents l'ont jamais été, alors c'est que sa santé va très bien et qu'il n'y a pas de soucis à se faire sur ce sujet. Je décide de lâcher un rire pour avoir l'air sympathique et non renfrognée comme je suis réellement alors qu'elle ébouriffes mes cheveux avec ardeur.
"Ou-oui... grand-mère." dis-je quand elle me repose au sol.
"Bien! Paige, c'est ça?"
Je m'abstiens de lui faire remarquer qu'elle tient dans sa main droite une pancarte avec mon nom dessus et hoche la tête.
"Tu es prête à faire la fête avec Mamie Jody?"
Je fronce légèrement les sourcils contre mon gré, je ne sais pas si j'arriverai à supporter une dame aussi pleine de vie que... Que "Mamie Jody". Et ce durant une période de temps indéterminée. Bien, bien, bien. Il va falloir y aller, je suppose.
"Mh, je dirais que oui." dis-je en regardant ailleurs.
Elle entoure mes épaules comme si elle me connaissait depuis toujours et commence à déblatérer sur des choses insolites auxquelles je ne prête pas attention. Je hoche simplement la tête en regardant tout ce qui m'entoure alors que nous prenons sa voiture pour aller jusqu'à la ville de New-York, là ou habite cette femme complément on ne peut plus spéciale.
"Tu préfères manger ça dans une assiette en porcelaine ou en carton?" dit-elle au volant en me tirant de mes pensées et me faisant sursauter par la même occasion.
"Hein?"
"Tu as entendu? Je te parlais des tacos. Dans quelle assiette?"
Pardon? Assiette? Je la regarde fixement d'un air neutre sans vraiment savoir où elle veut en venir.
"Carton ou porcelaine?" insiste-t-elle.
Ah. Bien.
"Ben... Je m'en fiche tant qu'on peut manger ce qu'il y a dedans." dis-je en arquant un sourcil.
"Bonne réponse. Je t'aime déjà bien. C'est absolument fantastique d'avoir une petite fille aussi brillante!"
Elle dit ces mots en sautillant sur le siège conducteur alors que je soupire. Je ne suis pas sauvée en fin de compte, avec une grand-mère qui débat sur les différentes assiettes.
Elle continue de me parler ainsi de choses aussi étranges les unes des autres avec un entrain effrayant durant le reste du trajet.Dans quoi me suis-je embarquée, bon sang?
♔
VOUS LISEZ
Double Jeu | EN CORRECTION
Fanfic❝Je pensais que nous étions peu à posséder ces étranges capacités. Il faut croire que je me suis trompée; on les appelle les mutations génétiques. New-York a dans le passé connu des temps sombres dont la population ne peut que trop bien se souvenir...