Chapitre 3

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Tout en marchant, je me repasse cette discussion dans ma tête. Maman ne sera jamais d'accord de me laisser entamer ce genre d'études. Mon rêve vient de partir en fumée.

Enfin le pire aussi, c'est qu'il faut passer des auditions dans ce genre de truc, ils n'acceptent pas n'importe qui. C'est pas dit qu'ils m'accepteront.

Papa n'a trop rien dit. Il est toujours entre maman et moi. Mais je sais que si elle n'était pas là, il m'encouragerait dans cette voie. Il me dirait d'au moins essayer.

Mais je n'ai plus envie d'essayer. J'en ai marre de me battre. Je dois déjà me battre pour être moi-même, pour qu'on m'accepte pour ce que je suis. Je n'aurais pas la force de me battre pour un rêve inatteignable. Papa n'a peut-être pas tort. Je devrais peut-être bien me reconvertir en professeur de sport.

Une fois arrivée au mini terrain de basket, j'ai pris la balle que je cachais dans les buissons. Je sais que j'en ai déjà fait avant de souper comme j'ai eu entraînement mais je dois me défouler. Danser ne m'aidera pas, je dois laisser ce rêve derrière moi.

Étant énervée, mon côté impulsif vient de prendre le dessus. Je dribble violemment. Je manque mes paniers, ce qui m'énerve encore plus. Puis je me jette sur ce dernier et je laisse pendre.

— Attention, tu vas finir par le casser ! me crie une voix masculine.

Je sursaute et me laisse tomber. M'a-t-on suivie ? Lucas a-t-il envoyé ses sbires contre moi une fois de plus ? Sur mes gardes, je suis prête à prendre la fuite.

— Désolée, je ne le ferai plus, je m'excuse en commençant à m'éloigner.

— Attends ! Tu ne veux pas qu'on fasse une partie ?

Je retourne pour mieux voir qui me parle. Il s'agit d'un garçon qui doit être dix centimètres plus grand que moi. Il est mince, mais a des bras musclés. Je ne le connais pas du tout.

— D'accord, dis-je. Mais ne te plains pas si tu perds.

— Oh là là ! On est prétentieuse ?

Sa remarque me fige sur place. Il a remarqué que je suis une fille ? La plupart des gens ne savent pas comment m'aborder parce qu'ils n'arrivent pas à déterminer mon sexe. Lui, il l'a vite compris et il ne se moque pas. Suis-je tombée sur un phénomène rare ?

— Comment sais-tu que je suis une fille ? demandé-je.

— Ta morphologie. Ta voix. Et maintenant que je te vois de près, y'a quelque chose sur ton visage qui trahit le masque que tu portes.

— Waw ! Philosophe ?

Il rit. C'est vrai qu'il parle bien. Je suis quand même déçue d'être encore trahie par cette féminité en moi.

— Non, pas du tout, répond-il. Pour tout te dire, je fais des études d'histoire de l'art !

— Ah oui, c'est pas vraiment la même chose.

— Et toi ? Tu étudies la physique ou un truc comme ça ? Tu testais la solidité du panier ?

C'est à mon tour de rire. Je suis quand même décontenancée. À part Nathan, personne n'a jamais été gentil avec moi.

— Non, je suis en rhéto. J'suis juste énervée, ça passera.

— Et qu'est-ce qui t'a énervée ?

Il ne doit pas savoir que l'indiscrétion c'est malpoli... Je contente de regarder mes pieds en me demandant si je vais lui répondre.

— Désolé, c'était indiscret, dit-il quand il comprend que je ne répondrais pas. Tu fais du basket ?

Je me demande comment il a pu le deviner et puis je me souviens que je n'ai pas pris le temps de me laver et de me changer après l'entraînement tellement j'étais affamée.

— Bravo, Sherlock, je réponds.

— C'est sûr que j'ai perdu d'avance alors, fait-il remarquer.

— Qu'est-ce que t'en sais ? Peut-être que je joue comme une merde. En tout cas, avant que t'arrives, j'ai pas arrêté de manquer le panier. C'est peut-être ton jour de chance.

— Ok !

Juste après avoir prononcé ce mot, il fait un mouvement avec la balle et mes réflexes de basketteuse se mettent directement en marche. Il se défend comme il a peut mais je réussis à lui prendre la balle et à viser le panier. 1-0.

— Le premier arrivé à dix ? je propose.

— Ça marche.

On reprend le match. Il a de bons réflexes mais il manque d'entraînement. Je gagne avec 10-6.

— À part ça c'était mon jour de chance ? ironise-t-il.

— Désolée, réponds-je. Faut croire que j'avais besoin d'un petit match pour me remettre d'aplomb.

— Haha. Quand tu veux !

Cette réponse me surprend. Tout en lui me surprend en fait. Il ne m'a pas encore insultée, il n'a pas encore essayé de vérifier que je suis bien un mec en me cognant ou... ou en me tripotant. Il s'est juste contenté de plaisanter avec moi, de me parler et de jouer au basket.

Je ne sais pas trop quoi répondre à sa proposition. Je préfère rester sur mes gardes. Fuir la situation.

— C'était sympa, dis-je en me dirigeant vers le sentier. Merci pour cette partie !

Je veux retourner dans mon univers, dans ce que je connais. Sa gentillesse me fait peur. Durant tout ce temps, je me suis attendue à ce qu'il sorte un poignard pour me l'enfoncer quelque part dans mon corps mais ce moment n'arrive pas, et ça me déstabilise.

— Tu t'en vas déjà ? s'étonne-t-il.

Ce mini terrain de basket, c'est mon chez moi, c'est ma maison. C'est là que je viens me ressourcer. Je ne veux pas qu'il devienne source de malheur. J'en bave déjà assez comme ça. Et je ne veux pas partager cet endroit.

— Bah... J'ai l'air de rester, là ? lui fais-je remarquer.

— Non, répond-il en riant. Mais tu vas partir sans me dire comment tu t'appelles ?

— Ça va t'avancer à quoi de le savoir ?

Je ne comprends pas où il veut en venir. Il parait surpris par ma question.

— Au cas où tu ne le saurais pas, en général quand on rencontre quelqu'un on lui donne son prénom. Ça m'aidera à savoir comment je peux t'appeler.

— Merci mais je sais déjà tout ça.

— Bien. Je m'appelle Timmy, m'apprend-il en me tendant sa main.

Timmy. Je n'ai jamais entendu un prénom pareil ! C'est plutôt mignon.

Je regarde sa main tendue vers moi et je n'esquisse aucun geste. Il prend mon bras, met ma main dans la sienne et la serre.

— Et tu es... ?

— Am...

Bon Dieu, Ambre ! Réveille-toi ! Il finira par te faire du mal un jour ou l'autre ! Reprends-toi !

— Je... Désolée, les amis c'est pas mon fort, dis-je après avoir repris mes esprits.

Et je rentre chez moi en le laissant planté là.

TomBoy [en cours de correction]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant