A 18h, Drago quitta son poste au service du Recensement et claqua la porte sans un regard en arrière. Cela faisait six semaines que ses nouveaux horaires surprenaient ses collègues, mais personne n'avait osé lui en toucher un mot. Drago découvrait un nouvel avantage à sa condition de paria de la société, un avantage qu'il n'avait jamais soupçonné. Il faisait ce qu'il voulait. Il pouvait quitter plus tôt, on préférait le laisser faire plutôt que de se frotter à lui. La joie des pestiférés...
Son cynisme le fit sourire, avec moins d'amertume que d'habitude. Ces derniers temps, l'amertume avait tendance à disparaître. Il enfila son manteau et, malgré la pluie battante, se dirigea vers le café où Granger l'attendait.
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A 18h30, Hermione poussa la porte du café Moldu où elle avait traîné Malefoy lors de leur première prise de contact. Elle accueillit la chaleur avec un frisson de bien-être après l'humidité de la rue. Un frisson d'anticipation ?
Elle s'était préparée à partir du bureau depuis 17h30 déjà. Elle avait soigneusement empilé ses dossiers, contemplé l'aiguille des minutes rattraper lentement celle des heures. Sa secrétaire avait continué de lui transmettre des dossiers sans relever son air absent. Les notes s'étaient posées devant elle sans qu'elle ne les ouvre, car elles ne portaient pas l'écriture de Malefoy. Son esprit et son corps étaient monopolisés par la soirée à venir, par ce qui venait après, comme si elle y était déjà. Elle se projetait, et le monde autour d'elle ne comptait plus.
Lorsqu'enfin elle le vit, toutes ces rêveries n'eurent plus d'importance. La réalité était là, elle l'avait rattrapée. Il était là avec son sourire et ses cheveux trempés. Des milliers de mots se pressaient déjà contre ses lèvres, alors Hermione s'assit et lui rendit son sourire, espérant lui transmettre ces émotions, cette chaleur, cette intimité rayonnante qu'elle ressentait. Malefoy émanait la même chose, et elle le percevait, comme un frémissement délicieux et tout juste perceptible, jusqu'au bout de ses doigts.
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A 22h15, Drago rentra chez lui. Il poussa la porte du grand hall de marbre vide, écouta l'écho de ses pas se réverbérer sur ce monde froid qui voulait l'emprisonner. Aujourd'hui, il ne l'emprisonnait plus. Il n'en avait plus le pouvoir. Drago distinguait son emprise autour de lui comme une étreinte fantomatique, un univers de caresses glacées et d'étreintes inextricables, qui ne parvenait plus à l'atteindre. Drago s'était dépouillé de ce poids qui pesait sur lui, de cette maison, de cette vie, comme on retire avec difficulté et dégoût les couches d'un vêtement trempé par la pluie. Il évoluait à présent, différent et indifférent, dans une demeure où il ne faisait que passer en attendant la lumière du jour. Le retour du monde. Le retour à sa véritable vie, à la vie. Le retour à elle.
Une forme enveloppée de blanc descendit les marches à sa rencontre. Encore un fantôme, un de plus. Astoria leva sur lui son regard transparent, deux perles nacrées qui cherchaient désespérément à le saisir, mais qui n'avaient plus la moindre emprise sur lui. Elles ne suscitaient plus rien. Ni douleur, ni haine, ni dégoût.
– Vous avez une maîtresse ? demanda-t-elle de sa voix de poupée.
– Oui, répondit-il.
Et il gravit les marches, sans plus se soucier d'elle, la laissant seule avec ce qui est peut-être le pire de tous les châtiments.
L'indifférence.
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A 22h30, Hermione rentra chez elle. Elle fut accueillie par la voix de Ron quelque part au bout de la maison, et par les sanglots discrets d'un enfant refusant de s'endormir.
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A Coeurs Perdus (Dramione)
FanfictionDouze ans après la guerre, Drago Malefoy rencontre Hermione Weasley dans le métro de Londres, et lui demande pardon.