Partie 2 - Affaires Complexes

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Je ne porte qu'un simple tee-shirt gris délavé que je dois avoir depuis au moins 6 ans, un boxer gris et seulement ça. Les cheveux en bataille, les lunettes noires à la monture très épaisse sur le nez que je m'efforce de ne pas montrer en public, assis sur une chaise de mon petit bureau en bois. J'écris. Sur mon lit repose mon nouveau macbook. La maison d'édition qui me publie m'en a passé deux, tous les deux identiques pour être sûr qu'aucun ne tombe en panne. J'ai filé le premier à Mathiew mais il n'a pas voulu du deuxième. Je m'en sers pour regarder mes séries du coup. Pour écrire, je garde Joy. C'est le surnom de mon ordinateur portable. Il commence à se faire vieux mais je l'aime tellement, c'est un bijou pour moi. Il a une histoire particulière, je le fais souvent réparer, réviser mais il tient. C'est sûrement excessif pour un homme normal mais c'est comme mon fils. J'avance vite dans l'écriture de ce tome 2, j'ai envoyé plein de questions à Clémentine mais elle ne m'a pas répondu. Bon, en même temps, il est deux heures du matin. 

Cette nuit, on a fait l'amour torridement. Les couvertures ont volé et je n'ai pas réussi à garder en moi, les cris de plaisir. On a donné un véritable concert aux voisins mais tant pis, le final était si beau. Il m'a embrassé, il a repris son souffle et s'est endormi. Je l'ai observé tel un psychopathe et je suis parti écrire, il y a maintenant une heure. J'ai écrit la préface, le prologue j'ai déjà donné mes indications à l'illustratrice pour la couverture, j'avance vite. Étonnamment il m'aura suffit d'une rencontre d'une lectrice pour tout débloquer : Clémentine. Ce prénom a une consonance d'ange. Je suis sûr qu'elle a des ailes cachées dans son dos.

Je souris et prends une photo en veillant à retirer mes lunettes. A peine postée sur Instagram, 35 personnes aiment la photo. La magie d'internet ! Un certain "mat.sanderson" vient d'ailleurs d'aimer la photo. Couverture grillée mon chéri. Je sais qu'il va tenter de me faire peur. Je ris doucement et l'attends jouant le type concentré. Puis finalement, à la dernière seconde je me cache contre l'armoire. Le mâle arrive s'attend à me faire peur ... et je bondis ! Sa tête me plie en deux, j'en pleure de rire. Echec et mat, mon ange. Il boude, il baisse la tête. Ce n'est qu'un jeu et je le sais. Je m'avance vers lui et l'enlace de mes bras, le sourire idiot collé à mes lèvres. Il craque quelques secondes plus tard et se fond en moi. On ne forme plus qu'un quand nous sommes liés. La chaleur de son corps se lit à la mienne et on fusionne. Je soupire et je lâche "Mon bonheur". Il a dû l'entendre puisqu'il ressert son étreinte. Le temps se suspend, mon cœur devient fou et bat à tout rompre résonnant avec le sien, mes lèvres se posent sur son épaule et il casse le silence : "Je t'aime".


Je me détache de lui et comme à chaque fois, je ressens ce pincement au cœur douloureux. Je m'assois à nouveau face à mon ordi, place mes lunettes que je glisse sur mon nez et je continue d'écrire.

Deux heures plus tard, Mathiew retire son casque et ferme son ordinateur.  Il le pose sur le lit provisoire qui se trouve dans mon bureau. Il file hors de la pièce et je l'entends prendre sa douche. Un quart d'heure plus tard il apparaît, vêtu d'un short en jeans, d'une chemise longue bleu clair ouverte sur son torse. Il a rejeté ses cheveux châtains en arrière et me tend une tasse de café que j'attrape avec envie. Je ferme mon ordinateur, pose mon téléphone portable sur le bureau et le rejoins sur le lit. Nous reprenons la même position que celle à Central Park : j'ai le dos plaqué au mur, les jambes autour de ses hanches, la tête posée sur son épaule. Nous regardons The Big Bang Theory, riant à chaque vanne des deux colocataires.

C'est ainsi que l'on a commencé lui et moi. Il y a cinq ans, nous avions 18 ans et on faisait notre entrée à l'Université. Licence de droit tous les deux. On s'est trouvé parce que je cherchais un coloc' pour partager les frais de l'appartement. Il m'a alors confié qu'il voulait bien. C'était à l'époque où je pensais encore être hétérosexuel (en réalité, je repoussais mes désirs pour les garçons alors que je bavais clairement pour Zac Effron). A la fin de notre première année scolaire, il y a donc quatre ans, il a posé ses lèvres quelques secondes sur les miennes et il est parti. Je l'ai retenu, je l'ai plaqué contre le mur, me surprenant moi-même dans la manœuvre et j'ai partagé avec lui un baiser passionné. Notre premier.

Depuis on ne se quitte plus, il m'a donné suffisamment de force pour que j'assume être en couple avec lui et ça s'est très bien passé. Il a su battre sa leucémie doucement mais sûrement et j'espère avoir été pour lui un soutien de force. J'ai écrit en me basant sur son histoire, sur son combat, d'abord en me cachant puis en lui avouant et il a adoré l'idée. Il m'a raconté ce qu'il ressentait et m'a poussé ensuite à le publier. Il m'a permis de me découvrir moi-même, je l'aime comme un fou. On a tous les deux réussi notre licence de droit et on peut exercer. Officiellement je ne travaille pas, quelques rares dossiers mais depuis la publication de mon livre, il y six mois ce n'est plus ma priorité.

Mathiew se donne à fond. Il protège les femmes et les hommes divorcés, les enfants, tout ce qui touche aux droits des familles. Et parfois quand l'occasion se présente il écrit une plaidoirie et réussit à condamner les plus grandes entreprises américaines pour la protection de l'environnement. Deux des quatre qu'il a rédigées puis prononcées sont passées sur de grandes chaînes de télévision. Il a beaucoup de propositions, je suis tellement fier de lui même s'il les refuse pratiquement toutes. Il veut travailler à son compte et il a maintenant la liberté de choisir ses dossiers. C'est un travailleur acharné.

En tant qu'avocat, je n'ai pas sa notoriété et tant mieux. J'aime l'exercice des plaidoiries mais je travaille sur des dossiers de criminels. Souvent du côté des victimes. C'est très dur à défendre, il faut tout éplucher, les moindres détails, les moindres potentielles fautes dans l'enquête. Et au final trouver l'erreur, celle qui permet de démonter tout le raisonnement de l'adversaire. C'est un travail épuisant. Je ne sais pas si je le reprendrai aussi activement si j'arrive à vivre de mes écrits maintenant. 

Les heures avancent je continue de regarder la série alors qu'il est assis sur la chaise de mon bureau pour éplucher un dossier. Il est tellement sexy quand il est concentré, ce devrait être un crime contre l'humanité le fait de ne pas pouvoir le déranger. J'essaie de me concentrer sur la série mais réussir est une autre mission. Je vois son expression se figer. Dans deux secondes, il hurlera de joie. 1 ... 2 ..." Yes !" Bingo. Il prend son surligneur jaune, passe un coup sur la feuille et passe au second dossier. Efficace.

Et le revoilà concentré, encore plus sexy. Inhumain ! Je pose l'ordinateur et file prendre ma douche. Un filet d'eau glaciale coule sur ma colonne vertébrale, je gémis. L'eau se réchauffe, je me détends. Je repense à ses mains sur mon corps, à ses doigts qui courent sur ma peau. L'effet est radical, je pense rapidement à autre chose pour me calmer. Les pensées affluent, la douche est le meilleur endroit pour se poser des questions philosophiques et faire une rétrospective de nos vies.

Puis un prénom revient dans mon esprit : Clémentine. Je ne sais pas pourquoi cette fille me tourmente tant, ni pourquoi un éclair d'imagination est tombé sur elle, il doit y avoir une explication qui m'a échappé. En sortant de la douche, je sèche mon corps et sort nu de la salle de bain. Je ne suis que très peu complexé par mon corps, si peu qu'une fois j'ai failli ouvrir la porte au facteur en tenue d'Adam. J'avais oublié que je ne portais rien heureusement mon honneur a été sauvé par Mathiew qui s'est jeté sur moi. Littéralement. Quand il a ouvert, j'étais encore derrière la porte allongé au sol en train de rire. Depuis, je ne dois plus ouvrir la porte, le monsieur qui me sert de copain s'en charge. Je m'habille rapidement, pantalon beige et chemise à manches courtes noires et je file rejoindre mon bureau. J'attrape mon téléphone, réponds à quelques clients et conviens d'un rendez-vous avec Clémentine qui m'a répondu.


Il est temps de mettre sur ma tête, ma casquette d'avocat. Des dossiers traînent. J'attrape le plus haut sur ma pile et regarde avec attention les feuilles. Mes yeux virevoltent sur les pièces du dossier, mon index pointent des éléments, je me mords la lèvre, avale des litres de café. 

Et rapidement, un détail me trouble : L'heure. L'heure du meurtre est estimée dans la soirée et on a inculpé mon client parce qu'il ne travaillait pas ce jour là. Or les enquêteurs n'ont pas pris en compte le bon horaire, ils se sont basés plus tôt, à un horaire où mon client n'avait pas d'alibi. Et puis si je regarde avec davantage d'attention le dossier, la blessure est certes pas belle et très maladroite, comme hésitante, cependant il est stipulé qu'elle a été faite de la main gauche alors que mon client est droitier. J'écris donc ma plaidoirie, renvoie un message au service de la prison pour qu'il le transmette à mon client. Il doit prendre le temps de trouver une preuve : un ticket, une occupation dans un lieu filmé et son innocence sera validée. J'y passe à peine une demi-heure sur celui-ci, Mathiew qui est sorti de son bureau pour récupérer son ordinateur dans le mien jette un coup d'œil sur mon travail et me félicite. Il est sexy et adorable ce mec, parfait quoi. Mais beaucoup plus doué que moi dans le monde des affaires. Il a un rictus qui fait le mien, il me pique un stylo et fait une croix sur sa main. J'avance dans mes quelques dossiers que j'ai acceptés de traiter, mon rendez-vous n'étant que pour le déjeuner, j'ai encore un peu de temps.


Celui-ci est beaucoup plus complexe puisqu'il s'agit d'un viol d'une femme et un meurtre de son petit copain qui seraient liés. Et qui dois-je défendre dans l'histoire ? La fille ? Non. Le présumé coupable. Pendant deux heures, j'épluche le large dossier, je regarde, commente, prends des notes. Je dois faire face à deux stratégies : prouver qu'il est innocent comme il le soutient depuis le début ou le considérer comme coupable et chercher des éléments pour minimiser sa peine. Demander la peine juste, que mon client ne soit pas l'exemple de la justice américaine et des médias. Ce dossier est d'autant plus difficile que la jeune fille m'a clairement menacé. J'ai compris sa détresse, je ne me servirai pas de ces menaces dans ma plaidoirie. Je suis un ours en guimauve dans le fond mais je deviens agressif face à une justice qui a tendance à vouloir condamner trop vite. Je dois découvrir cette faille, mon client ne peut pas être si horrible, sans remords. Ecrire et plaider ont quelques similarités, seulement rien n'est fictionnel ici et je dois étudier une histoire que je n'ai pas rédigée. 

Puis au bout de la seconde heure, je trouve. La preuve évidente qu'il n'est pas l'auteur du viol et du crime comme le semble prétendre la jeune fille victime. Je surligne et finie de rédiger ma plaidoirie, épuisé. J'ai plus l'impression d'être un flic parfois, ce qui change c'est la partie défense. Je file me reposer un peu avant de filer au déjeuner avec Clémentine. Ah, Clémentine !


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Le Paradoxe des étoiles.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant