Partie 6 - Tu m'aimes, moi je t'ignore !

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Le reste de la nuit a été moins mouvementée. La chambre est éclairée par la lumière du soleil qui se lève et la fenêtre grande ouverte de notre appartement perché au sixième étage laisse un doux courant d'air. Je me redresse et pose un pied sur le sol. Je pose le second dans un élan. Une fois, debout je m'étire. C'est à ce moment que je remarque que je suis encore nu. J'enfile un caleçon propre et me dirige vers la cuisine en continuant mes exercices gymnastiques. Plus je m'approche, plus j'entends les voix graves qui proviennent du salon un peu plus loin. Puis la porte s'ouvre et se referme, je fais alors mon entrée. Mathiew est en costard. Les températures ne sont pas trop élevées, je ne pense pas qu'il mourra de chaud. Pourtant, il retire sa veste, et dénoue sa cravate. Il s'approche de moi qui ai déjà attrapé le pot de nutella et une tasse de café froid. Corsé. J'en avale une gorgée et il enlace ses bras, placé derrière mon corps. La pression de ses cuisses me fait cambrer mon corps vers le sien. Alors je me retourne. Il parcoure mon cou, mes lèvres, je le laisse faire. Mais je sais que ça ne durera pas. Il veut ses explications même si je n'ai pas envie d'en parler, de lui dire tout ce que j'ai rêvé. Je sais qu'il mettra ça sur la boite de médicaments et ce n'est pas vrai. Justement je devrais en prendre davantage.


- Mon amour ... peux-tu m'expliquer cette si mauvaise nuit ?

Il est sadique puisqu'il continue de recouvrir ma peau de ses doux baisers. Alors je me montre joueur, et le pousse contre le frigidaire :

- Et si au lieu de discuter on s'embrassait et on allait plus loin, enfin... si tu le souhaites.

Je suis plus entreprenant que d'habitude et je ne suis même pas sûr de gagner face à sa détermination de savoir. Je ne lui dirai pas. Rien. L'heure avance et j'ai de toute façon rendez-vous au "Metropolitan Correctional Center" . Alors soit j'arrive avec un peu de retard, soit j'arrive en avance. A lui de voir, pas à moi. Ma main est collée directement sur la peau de son sexe. La ceinture tape sur les extrémités de ses hanches. Nos lèvres ne se détachent que lorsque je vais à la naissance de son torse. Mais il se redresse, reboutonne sa chemise, referme son pantalon et me lance, les mains sur mes épaules : "Explique-moi Mat'. Et arrête de prendre ces foutus médocs." Il me demande une explication en me balançant la sienne. J'attrape la tasse de café froid abandonnée sur le plan de travail et l'avale d'une traite. Je passe devant lui en souriant, serrant les dents pour ne pas m'énerver. Une vie privée, c'est possible non ?! J'ai la réponse à cette question, il la déduira facilement.

En dix minutes je suis prêt, un short en jean, une chemise blanche à manches courtes et un nœud papillon rouge très classe. Il me lance, un poil agacée, "Tu prends ta voiture ou Tracy ?" Tracy est sa BMW, il l'aime tellement qu'il a donné ce surnom. D'habitude je l'adore aujourd'hui il m'agace. Je m'approche de la petite table à côté de la gigantesque porte en bois après avoir enfilé mes chaussures et je fouille pour trouver les clés de ma voiture. Je ne les trouve pas et je ne peux pas lui demander. Je sais qu'il sait que je sais qu'il sait où elles sont. Alors je cherche par moi-même. Le dos posé sur la porte j'observe le salon : le canapé gris et la table basse, non, les fauteuils en cuir marron, non plus. Je les retrouve posées à côté du grille-pain de la cuisine. Echec et... Mat' ! Je les prends, dépose un léger baiser sur les lèvres du mâle et part mon cartable en cuir dans la main.

J'arrive dans les garages de la cour intérieur. J'ouvre la porte qui coulisse difficilement. Ici repose ma ford anglia de 1963, noire avec capote étanche blanche. Un petit bijou automobile que m'a offert mon père. Mais je n'aime pas conduire, je déteste ça. Il n'y a qu'avec cette voiture où je ne ressens pas cette peur aussi forte. Mon père me l'a acheté pour ça à une foire de vieilles voitures italiennes non loin de Rome. Dès que je rentre et me cale sur les sièges en cuir noir, une odeur de café chatouille délicieusement mes narines. Selon la légende (du vendeur) un sac de grain de café s'est déversé dans la voiture. Quelques grains seraient coincés. J'ai ouvert la capote blanche juste avant de monter, je règle alors facilement les rétroviseurs. Je m'attache. J'enfonce la clé. Je la tourne. Le moteur est allumé. Je souffle un bon coup et j'accélère doucement.

L'étape s'est bien passée, on va pouvoir s'engager dans les rues New-yorkaises et se rendre au "Metropolitan Correctional Center" Je caresse le volant vieilli et j'arrive à garder mon calme parmi les automobilistes pressés. Je passe devant l'université de New York et m'arrête à un Starbucks. Je referme ma voiture et commande un café. Je ne fais que repenser à ce rêve étrange. Il faut que je me calme. J'attrape ma boite d'anxiolytiques et en avale deux. Je respire et finis ma boisson.

J'arrive à l'heure à mon rendez-vous, je pénètre dans la salle d'interrogatoire après avoir subi une fouille. Ce n'est pas habituel que je sois dans cette salle, les murs sont gris, la table en inox est  fixement attachée au sol. Je serre la main moite de mon client. Il me regarde, ses cheveux bouclés sont gras, ses lunettes cassées et sa barbe très mal taillée. Il tente maladroitement de cacher les coups de lame qu'il s'est infligées sur son bras. Il se force à sourire et me lance avec une voix qui déraille, me touchant en plein cœur par sa détresse évidente.

- J'ai lu votre livre bravo monsieur ... Bravo ... ça m'a aidé à tenir. Mais mon codétenu ne m'a pas laissé finir de lire. Je n'ai pas eu la fin. 
- Merci. Je vais vous faire un cadeau dans ce cas. 

Je sors un exemplaire, j'en ai toujours sur moi. Je lui signe la première page "Bonne  lecture John. Mathias Benjamin. " et lui donne en me levant, les genoux pliés. Je sors son dossier et lis ce que j'ai pu noté. Je dois trouver la preuve qu'il avait un alibi à la vraie heure du crime et non pas sur celle où se sont basée les policiers.

- Vous avez eu mon message ?
- Oui, mais je n'ai pas pu le lire...
- Pourquoi ?
- Mon codétenu l'a bouffé. Je suis désolé. Il brise mes lunettes, troue mes vêtements. Je dois prendre une ancienne paire qui n'est même pas adaptée à ma vue...

-Mangé ?

- Oui c'est la guerre entre lui et moi...

Ses larmes recouvrent son visage, il pose les paumes de ses mains pour le cacher. Il respire et me lance :

- Ce n'est pas facile ici, je comprendrais si j'avais été l'auteur de ce crime. Mais je vous assure, maître Benjamin, je suis innocent.

Alors je lui explique, le fait qu'il soit droitier, et surtout qu'il doit trouver cet alibi. Il plisse les yeux et repense à tous ces gestes. Euréka, son regard s'illumine il hurle de joie :

- La facture ! A dix-huit heures j'étais chez un client. Je m'en souviens, il avait son pot d'échappement qui était percé. Je l'ai changé, j'ai aussi nettoyé sa gouttière. Récupérer mon boîtier électronique et vous verrez que vers 17h30, j'ai signé la facture. C'est ma signature.

- Je vais contacter votre client alors pour qu'il puisse rapidement venir témoigner au poste. Pour le boîtier, il me semble avoir les relevés. J'ai regardé mais je comprenais pas tous ses noms... 

Je lui tends la feuille. Il se lève, se penche vers moi. C'est marrant parce que je retrouve la douce odeur du café de ma voiture. Il m'explique les différentes colonnes et je prends en notes : "Client, nom, heure, quotas, tva et la date de signature qui correspond à la clôture du contrat... Vous avez été à la hauteur de votre réputation maître."



Il se rassoit et je lui promets de lui trouver un nécessaire de toilettes complets, de nouvelles lunettes et des vêtements dans la journée. Le procès est samedi. Nous sommes mercredi. Je crois en moi. Je le salue et sors de cette salle soulagée mais stressée. J'attrape ma boîte de médicaments mais je me fais accoster par un collègue qui se charge de la partie adverse. Julian Frackwell : "Courage, je t'offrirai des mouchoirs après le procès." N'allez pas croire qu'il est méchant c'est un jeu entre nous. On a été à la fac ensemble, alors on se croise sur plusieurs affaires. Je dis rien de ce que j'ai en ma possession et me contente de le saluer de la main en riant. Il s'éloigne et je peux enfin respirer. Je repars chez moi, deux médicaments dans ma bouche. Je les avale au carrefour.

***

Le Paradoxe des étoiles.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant