Elle me fixe comme si quelque chose était écrit sur mon front. Elle essaie de reprendre ses émotions, ça me touche énormément. Je lui dis de commander ce qu'elle veut et lui dis que je prendrai la même chose qu'elle. Ses yeux clairs contrastent avec ses cheveux bruns. Clémentine est magnifique, je la comparerai presque avec un soleil, on a envie de l'admirer mais elle nous éblouit tellement qu'on doit baisser le regard et se dire : "Je ne suis que ça, moi". Après tout, elle va me confier son histoire si le tome 2 ne lui plaît pas, je serais forcément déçu. Mais la présence de la jeune fille me rassure aussi, me réchauffe, je me sens à l'aise avec elle.
Elle rigole à cette proposition et semble avoir un regard joueur, je sens que mon ventre va exploser : "Un triple bacon supplément cheddar et emmental, boissons moyennes coca cola et ice-tea, frites et cookies avec boules de glace à la vanille." Le regard du serveur se tourne vers moi, j'avale ma salive et lui confirme : "la même chose s'il vous plaît". Elle se met alors à rire en voyant ma tête d'homme surpris , j'avale à nouveau ma salive pour me préparer à ce qui arrive. Elle paraît détendue, elle porte une chemise rouge à carreaux, un collier en or. Ses longs cheveux bruns frôlent ses épaules. Elle a un sourire très charmeur, je pense que finalement son visage serait parfait pour la couverture que j'ai en tête. Mais nous n'en sommes pas encore là. L'essentiel est que je la découvre pour pouvoir l'écrire parfaitement, pour que tous les mots la représentent fidèlement. Mais il est vrai, c'est une certitude maintenant, Clémentine sera mon tome deux à elle toute seule. Je ne peux pas comprendre qu'une maladie comme la leucémie peut toucher des personnes aussi extraordinaires. On a échangé seulement quelques sms, m'a partagé des écrits très personnels, elle doit m'en raconter beaucoup encore et j'ai hâte. Hâte d'entendre sa voix vibrer, son doux sourire et ce regard si profond. Une connexion est établie entre nous. Je l'écoute parler de quelques souvenirs d'enfance et lui raconte les miens en échange.
- Une fois j'ai pris la voiture de mes parents pour faire simplement cent mètres dans la rue. Ma mère est arrivée en courant, à hurler mon prénom dans toute la rue. Elle m'a prise dans ses bras et doucement elle a ri. "Tu fais ça encore une fois Clem' et je te mets en pension ! " J'ai tellement ri ce jour là ...
- Délinquante, mademoiselle ! Perso' je me suis juste contenté d'allumer la moto de mon père et sans monter dessus, sans rien comprendre non plus, elle est allée s'encastrer dans le mur du voisin. Il a eu ce regard très noir, et m'a pris dans ses bras, rassuré de savoir que je n'avais rien. Ma mère ne l'a jamais su, et ne le saura jamais. J'en rigole encore, tu vois !
- Mais tu avais quel âge quand tu as fait ça ? Sept ans ?
- 15 ans ...
Le serveur arrive, dans nos éclats de rire, regarde autour de lui et sors un stylo et son carnet de la poche de son tablier. Il griffonne quelques mots, plie le papier et le tend à Clémentine avant de partir en souriant. Elle l'ouvre et se mord la lèvre en souriant. Annoncer à une enfant de six ans qu'elle va à Disney et elle fera la même tête qu'elle à l'instant. Je suis trop curieux "Allez dis-moi ! Il a écrit quoi !". Elle semble hésiter à me le dire, la garce ! Je joue le regard menaçant avant d'éclater de rire. Bravo la crédibilité Mathias, bravo. Elle finit par craquer : " Salut, je veux coucher avec le mec en face de toi." Tentative ratée. Je la fixe à nouveau. Elle me donne cette fois-ci la vraie version : "Hey girl ! Je m'appelle Luke, j'ai 19 ans je travaille ici pour payer mes études. Donne-moi de l'argent. Allez. Je rigole !" Elle explose de rire une seconde fois, elle craque complètement je crois.Je me retrouve pendant mes années fac lorsque Mathiew me matait ostensiblement que je refusais d'admettre, je cherchais un colocataire et il a dû me laisser dix mille mots dans mon casier. J'ai fini par trouver ça mignon, (enfin le Mathias de l'époque qui ne s'assumait pas a qualifié cela d'"intéressant") et je lui ai enfin répondu. En plein cours découvrant mon mot, il m'a lancé un clin d'œil. Tout le monde s'est retourné sur moi, j'ai baissé la tête sur Joy et j'ai attendu la fin des cours pour lui donner un rendez-vous au bar d'à côté. J'allais pas accepter un inconnu aussi facilement chez moi quand même !
Clémentine continue la lecture de son mot : "Voici mon numéro, si tu viens me voir un de ces quatre je t'offre un café gratuit ! Hé oui ! Je travaille au Subway et au Starbucks juste à côté. Kiss ! " Ses joues se rougissent, elle mord sa lèvre. J'enfonce une frite dans ma bouche et lui demande " T'as déjà eu des copains ?" Elle semble se perdre dans ses pensées, manie que j'ai observé chez elle : tout semble s'effacer autour d'elle, elle part ailleurs et ses yeux se teinte d'un léger voile ombré. Elle me fixe à nouveau et après une gorgée de boisson gazeuse, elle me confirme "6 au total dont 3 quand j'avais 6 ans, une vraie tombeuse de l'école " Et en plus elle a beaucoup d'humour. Je sens qu'écrire va être facile ! " Et les trois autres : Un quand j'avais treize ans il était stupide mais canon. L'autre un an plus tard était hyper intelligent mais il s'est enlaidi. Et le dernier, il m'a quitté quand je lui ai annoncé ma leucémie ... il ne comprenait pas, voulait pas comprendre. Il m'a brisé ..." Son regard se couvre d'un duvet humide si je ne réagis pas maintenant elle va pleurer. " Ne te retourne pas ! " , elle me répond par un "Quoi ?!" encore trop peu réactif pour moi, je continue. " Derrière toi, ton Mike.." Raté Mathias, ce n'est pas le bon prénom, elle réplique avec une pointe d'énervement dans la voix. Sexy ! : "Luke !". J'ai enfin toute son attention je vais pouvoir continuer : "Luke se trémousse tout nu..." Bingo ! Elle se retourne et explose de rire en me frappant gentiment contre mon épaule "Putain t'es con ! J'y ai cru en plus... seulement une demi seconde !". Je ris et lui balance " t'as un faible pour lui, c'est trop mignon !" Elle veut le nier mais n'y arrivera c'est trop évident !
Elle prend son courage à deux mains (comme son hamburger, je la copie et croque dedans) et me raconte la suite, en rejetant ses épaules en arrière, elle sait que je veux savoir, elle a beaucoup de courage. J'ai les doigts sales, les yeux fixés sur elle, niveau ridicule il va être compliqué de faire plus. Au moins, on se rapproche de plus en plus et elle ne me regarde plus comme l'auteur inaccessible mais comme un pote. Je ne l'ai jamais avoué d'ailleurs mais je n'ai jamais réussi à regarder Mathiew comme un simple garçon, si je l'évitais à la fac c'est parce que je refusais de me dire qu'il me plaisait.
Clémentine me sort à nouveau de mes pensées : "C'était un connard en fait. J'ai été malade deux ans et trois mois, mon état évoluait en mal puis en bien. Mes parents avaient peur pour moi, j'avais peur aussi. J'ai été seule longtemps dans cet hôpital, les infirmières étaient là mais surchargées, alors elles m'ont offert un cahier pour écrire mais j'ai dessiné. J'ai rempli toutes les pages et je le trouve magnifique. J'ai passé des heures et des heures à dessiner avant d'avoir ce carnet, il m'a juste permis de m'y remettre activement. Des anges, des démons, des paysages, des toi un peu partout, des James aussi grâce à tes descriptions ... Plein de choses. Du coup une fois la maladie derrière moi, et le carnet rempli, je l'ai mis aux enchères pour une association et ils ont gagné 7000 dollars. Ils m'offrent chaque année de nouveaux carnets, je suis trop contente de pouvoir les aider ... Et sur Instagram, j'ai plein de followers maintenant !" J'essuie la larme qui menace de couler sur ma joue et continue de manger ce menu énorme. Comme elle fait face à la rue, je vois toujours Luke, il a toujours un œil sur Clémentine, et parfois elle fait genre de rien et se retourne. Elle est adorable.
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Le Paradoxe des étoiles.
Ficción GeneralDesign by Je suis un Paradoxe Les étoiles dans le ciel noir me font peur, elles semblent vouloir me souffler un message, des noms des gens partis. Les étoiles sont mystérieuses, parfois filantes, parfois éteintes. Tout semble si fragile et si fort...