Partie 8 - Reprise gérée

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Quand je me réveille, la pénombre a recouvert le ciel. J'attrape mon portable abandonné sur la table de nuit et regarde l'heure : 20 heures. Sur un papier, une écriture féminine : "Je suis passée, j'ai vu Mathiew et on a parlé. Je veux que tu arrêtes ces médocs. Repose toi bien mon écrivain préféré. Clem'." Je le repose et laisse mon dos tourner et s'aplatir sur le matelas. Les doigts mêlés dans mes cheveux, des voix tourmentent mon esprit "Tu n'es qu'un idiot" "Tome 2 raté, le tome 1 était donc bien un coup de chance" "Je te quitte Mat' " ... Mon réflexe veut que je prenne un médicament mais pour la première fois, je vais me forcer à confronter mes propres questions intérieures, à combattre mes démons qui me bouffent. Peut-être que Mathiew a raison au final, il est là pour prendre soin de moi et je me montre faible. Il a été fort, je dois prendre exemple sur lui. Les obstacles que j'ai à surmonter sont beaucoup plus petits que ceux qu'il a rencontrés. Je peux le faire.

Je me lève, enfile des vêtements propres. Il est assis à la même place que je l'ai trouvé en fin de matinée mais les dossiers ont été soigneusement rangé dans sa sacoche en cuir. Il est hyper maniaque sur ce point. Il fait toujours attention à imprimer le moins possible, l'environnement le tient à cœur. Du coup j'ai toujours fait attention aussi, je ne traite pas encore des dossiers longs comme mon bras, épais comme ma... comme ma main. Il est pieds nus, les pieds sur la table basse. Je m'assois à côté de lui et lui pique un bout de tomate de sa salade. Il l'a à peine touchée. Il me la tend en souriant, je la saisis et commence à manger. Il regarde un documentaire sur Barack Obama qui reprend tous ses discours, ses actions. Cet homme est un exemple. Je termine la salade qu'il m'a passée et pose le récipient en verre sur la table basse. J'en profite pour boire une gorgée d'eau et reviens vers lui. Je glisse mon bras derrière son dos et l'accroche à sa hanche opposée. Je pose doucement ma joue sur son épaule et prononce :

- Tu as raison... J'ai abusé de ces médocs. Je mets encore trop la pression et il faut que je combatte mes propres démons. Je sais que tu as traversé des obstacles plus grands et tu m'as prouvé que quand on veut, on peut...

- Je suis content d'entendre ça tu sais. Je n'ai pas appelé ton médecin par plaisir, c'est juste que tu m'as fait peur. Des affaires en tant qu'avocat, un tome 2 en écriture basée sur une fille que tu n'as pas envie de décevoir, je comprends ta pression. Mais ne tombe pas dans les médocs... Je ne veux pas te voir mal.

- Je t'aime, tu sais...

- Je t'aime aussi mon pain au lait.

- Ton quoi ?

- Je voulais être mignon et me la jouer à la française.

- Je suis sûr qu'ils ne disent pas ça...

- Ah

- Mais l'intention était là, mon croissant

Les mots sont doux, sa présence réussit à m'apaiser, me calmer. Je l'embrasse furtivement passant ma langue sur mes lèvres pour garder encore un peu plus longtemps le goût des siennes. Je vais rattraper le retard avec Clémentine et gérer dans quelques jours pour la plaidoirie. Mon client doit sortir de cet enfer. Ça m'a touché de le voir aussi mal, il crie son innocence et personne ne le croit sauf moi. Sa famille est très peu présente, la partie adverse le reconnait comme coupable. Je ne suis même pas sûr que le fait d'entendre qu'il soit reconnu innocent change quelque chose. Mais je vais gérer, leur parler. L'un des défauts des avocats est d'oublier de parler à la partie adverse une fois que l'audience est passée or c'est souvent cela qui fait que tout se passe mieux. 

Ils ont besoin de mettre un nom sur le meurtrier, un visage peut-être même une voix, entendre des regrets, voir des larmes de souffrance, ressentir et combler leur sentiment de vengeance. C'est purement humain que de vouloir tout ça. Mon père n'a fait que rabâcher que j'étais bien trop sensible pour exercer ce métier. Je voulais lui prouver que ce n'était pas une difficulté, bien au contraire. Rendons humain cette justice ! Alors je me suis battu pour mes études, et mes premières affaires confiées se sont bien passées. J'ai vu dans son regard cette lueur de fierté. Il m'a serré dans ses bras, ce qu'il n'avait pas fait depuis longtemps. Alors forcément j'ai pleuré, j'ai respiré son parfum d'homme fort et je lui ai soufflé : "Je t'aime Papa" et comme il ne l'a jamais fait il m'a répondu "Je t'aime aussi Mathias, je suis fier de l'homme que tu es. "

Mais j'ai perdu de vue mon père, on se parle très peu. Je ne sais même pas s'il sait que j'ai sorti un livre. Je ne sais plus comment agir avec lui, quoi dire, j'ai peur de le blesser. Alors je ne dis et ne fais rien, je ne prends pas de risque. Mais le manque est présent, j'y pense souvent. Il habite au Canada maintenant, à Montréal où il a acheté une maison près de l'eau. Si on suit le chemin au fond du jardin on se retrouve perdu entre des grands arbres. Dès qu'un souffle du vent apparaît leur manteau se balance doucement. Leur tronc ne bouge pas mais à chaque fois je me décale par peur de les voir se renverser sur moi. Et j'avance , mes bottines en cuir au pied dans cette herbe toujours humide et m'assois sur cette table en bois oubliée face au lac. Les oiseaux sifflent mélodieusement, mon crayon glisse sur le papier vieillis du carnet de militaire de mon père. J'y ajoute toutes mes affaires à chaque fois que j'y vais. Enfin quand j'y allais encore. Le manque est là, vous savez.

Je dis souvent "mes parents" mais ma mère est devenue une étoile. Mon père s'est remarié avec Sophie, il y a trois ans. Je l'appelle "Mamoune" parce qu'elle tient ce rôle de substitution. Je suis attaché à elle. Mais je vous avouerai que ma mère, la vraie et l'unique, celle que j'appelle " Mon amour céleste" est toujours dans mon cœur, constamment dans mes pensées et même sur ma peau. Mathiew vient de glisser sa main sur ma hanche, s'il remonte sa main sous mon tee-shirt il touchera à nouveau mon tatouage sous ma poitrine gauche. "Mon amour céleste" est écrit uniquement pour elle, pour l'étoile qu'elle est encore pour moi.

Mathiew arrive à me comprendre, il s'allonge sur le canapé et m'invite à me caler entre ses jambes, ma tête sur son torse. Ce que je fais, respirant sa douce odeur. Ses pieds caressent doucement mes mollets et enfin cette douce impression de plénitude me surprend, la même que provoquait les anxiolytiques. Je vais lâcher ces pilules qui bourrent d'illusions et je vais écrire, hurler, chanter, danser : vivre. Mathiew est là et je sais que Clémentine deviendra un pilier dans ma vie. Il faut que je gère et prenne plaisir. Et si ma santé devient un problème alors je le réglerai.

La vie à deux est un besoin pour moi, une nécessité. Je suis un gamin au quotidien. Je suis autonome seulement quand je me sens entouré. Si je crie à l'aide, Mathiew débarque. Au final, je l'aide quand même. Mais je sais que lui retrouve plus facilement les objets qui sont souvent juste sous mon nez. On s'additionne et avec lui tout fonctionne, tout avance bien. Mais j'ai cette peur constante de le perdre, je suis loin d'être un cadeau.

Je m'endors doucement dans ses bras, les médicaments m'ont épuisé. Il me prend par les hanches puis me soulève dans les airs pour nous déposer tous les deux sur notre lit douillet. Je sens ma peau frôlée le drap. La nuit d'été est chaude, il ouvre la fenêtre, je sens presque la lumière des étoiles dorer ma peau. Il retire mon tee-shirt, mon short et je me retrouve en caleçon. Je me retourne et me fond dans ses bras. Il s'appuie sur mon épaule et enfin je sombre dans un sommeil profond.

***

J'avance dans un champ, le ciel est dégagé, d'un bleu magnifique. Des coquelicots entourent ce champ de blés. Les grillons chantent et moi j'avance. Je me retrouve avec une nature réveillée. J'approche à l'entrée de la forêt qui m'offre des paysages éblouissants. Une biche protège son petit, des lapins courent entre les brins d'herbe passant près des sangliers qui s'abreuvent près du petit ruisseau. Je passe ma main sur mes joues, cette beauté surprenante m'émeut. Je continue la traversée de cette forêt, regardant champignons et fleurs rares puis en sors. Une large rivière se présente, le courant n'est pas très fort alors je retire mes vêtements et plonge. L'eau très claire me permet de découvrir des poissons qui nagent doucement, se rencontrent, puis partent. J'en ressors rafraîchi. Une personne m'attend sur la rive, je la rejoins et l'embrasse.

Oui j'embrasse Mathiew et me perds dans ses lèvres.

***

Le Paradoxe des étoiles.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant