Mon costume est blanc, seuls mes chaussures et mon nœud papillon sont noirs. Une légère brise d'été souffle sur mon cou et sur mes cheveux soigneusement coiffés. En face de moi se trouve Mathiew, habillé tout en noir, seuls sa cravate et ses chaussures sont blanches. Il sourit et me regarde avec tendresse et amour. Je pense avoir le même regard et je sais que mes lèvres sont tirées vers le haut. Je suis heureux d'être avec lui. A ma gauche, des chaises en plastiques posées sur l'herbe asséchée mais d'un vert coloré. Mes parents et les siens sont au premier rang et je vois du coin de l'œil ma mère replacer la cravate de mon père. En réalité, je reste accroché à ses si beaux yeux, ceux de mon homme. Les autres s'assoient et font attention à ne pas déchirer le papier blanc et le nœud bleu ciel des chaises. Les retardataires sont enfin là. Quatre jeunes filles en longue robe noire commencent à jouer de leurs violons, auxquels s'ajoute un jeune homme et son piano, mon petit frère. Le maire de New York s'avance sur l'estrade fleurie où nous sommes. Ma mère sort un mouchoir blanc et je vois mon père lui en piquer un. On entend la mer frapper en contrebas de la falaise sur laquelle nous nous sommes posées. Plus loin le bâtiment du restaurant et de l'hôtel où dans quelques heures, mes mains posées sur ses hanches, nous danserons. J'ai une envie terrible de l'embrasser, pour ça je dois lui dire "Oui", à vie.
- Bonjour à tous, bonjour messieurs.
Nous nous tournons vers le maire et lui sourions, il poursuit :
- Si quelqu'un de cette assemblée veut s'opposer à cet union qui le fasse maintenant ou ne se taise à jamais ...
Cette proposition ne doit pas souvent avoir une réponse. Je sais que personne ne s'y opposera. La petite assemblée a été invitée et a fait l'effort de venir, ce n'est pas pour tout gâcher. On patiente quelques secondes et alors que le maire ouvre la bouche pour continuer, je vois le visage de Mathiew se tourner. Il a repéré une cible et ne veut plus la lâcher. Ses yeux se ferment, ses sourcils sont pliés, ses dents serrées. Alors je tourne la tête aussi. Elle porte une robe beige : il n'y a pas de manches, ses épaules sont dénudées. Elle tient grâce à un bustier pailletée et le reste de la robe est plus légère. Elle est perchée sur deux petits talons blancs qui s'enfoncent légèrement dans la terre. Elle a le regard franc, le sourire aux lèvres, elle est magnifique. Ses cheveux sont soigneusement placés dans un chignon recouvert lui-même d'un diadème, celui que je lui ai offert, il y a quelques jours.
Je descends alors de l'estrade, je souris. Mon cœur devient fou, j'ai affreusement chaud. Clémentine est debout, les bras ouverts. J'y glisse les miens, respire son parfum à la rose, et doucement je penche mon visage vers le sien. Mon sexe tire le tissus de mon pantalon, j'ai chaud, affreusement chaud. Je suis à quelques centimètres de ses lèvres que je ne peux pas rater alors je ferme mes paupières. Et je hurle. Je hurle "Nooon !"
***
J'ai chaud, j'ai très mal en bas du dos, une crampe sûrement. Je reprends mon souffle la bouche ouverte, allongé sur mon lit. A mes côtés Mathiew commence à se retourner, réveillé par mes cris. J'avale ma salive puis rouvre ma bouche. Mon cœur se calme doucement. J'attrape mon paquet de mouchoirs sur la table de nuit et essuie mon front. Je me redresse quelques secondes, gémissant de douleur, et retire mon haut. Mathiew arrive, pose ses mains sur mon torse et ses lèvres dans mon cou. Je ne ressens pas de plaisir, ce que je veux là, c'est juste être seul. Je ne peux pas lui dire, pas lui raconter. Alors je m'assois sur le bord du lit sans rien dire. Il se rapproche à nouveau, je sens sa présence derrière mon dos. J'attrape la bouteille d'eau, ma boite d'antidépresseur et en avale deux. La plaquette est bientôt terminée.
***
Je suis dans la salle d'attente du médecin, l'endroit est recouvert d'une tapisserie à l'âge dépassé. Je suis sur une chaise pile en face de la porte. Cette pièce est sûrement celle où notre hypocrisie est à son comble. On lance un "bonjour" aux personnes qui rentrent avant de rebaisser notre nez sur l'écran de notre portable dont on a bien pris soin de couper le son ou sur un des magazines de 2003 où on découvre les frasques de George.W Bush. Grâce à ça j'avance dans mes niveaux de Candy Crush. Mais dès qu'une vieille s'étouffe, je la regarde puis je souris en espérant qu'elle ne va pas me refiler ses microbes. Je veux recouvrir la bouche de cette mère agaçante qui dispute son gamin un peu trop bruyant. Ou de cet adolescent, à l'allure pale qui mâche un chewing-gum bruyamment. J'attends mon tour, silencieusement. Et je prie qu'il arrive encore plus vite quand une autre vieille débarque. Elle se met à discuter de son Jack qui est mort "Oh la vieillesse vous savez, on a plus pour longtemps nous non plus !" et elles étouffent leur peur de mourir dans un rire maladroit. Le médecin ouvre la porte, je me lève et pénètre par une seconde porte traversée dans son cabinet. Je m'assois sur la chaise en bois, ma plus grande peur est de l'entendre craquer un jour. Je lui demande une autre ordonnance d'anxiolytiques qu'il me tend, sans me poser de questions. Sur son grand bureau, l'exemplaire de mon roman. Le marque page arrive à la fin, je souris en remarquant cela. Il se lève, retire le capuchon d'une aiguille et me l'enfonce dans le bras. Je veux hurler mais aucun son ne sort de ma bouche. Le médecin hurle "Crève, crève, crève". Les vieilles dames m'entourent et hurlent "Crève, crève, crève". C'est à mon tour, de hurler : "Non !".
***
Mes yeux sont écarquillés, l'eau froide de la douche continue de recouvrir mon visage. J'ai peur. Mes mains sont trop faibles je n'arrive pas à arrêter le flux d'eau chaude qui me brûle le dos. Mes mains se recouvrent de sang. L'eau à mes pieds se teinte d'un rouge écarlate. Je tremble, je me sens partir. Je tombe, les genoux rencontrent violemment le carrelage. Puis ma tête fait de même. Cette eau brûlante, ce mal de tête puissant. Je tousse. Un goût de sang dans ma bouche. Encore. Je hurle de toutes mes forces, la mâchoire ouverte mais rien n'y fait. Aucun son.
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Et à nouveau je suis dans mon lit. La faible lumière bleue des lampadaires éclaire toujours et encore cette chambre. La boite d'anxiolytiques encore ouverte d'il y a une heure, peut-être deux ou trois. Mathiew s'est rendormi, je me décale de lui. J'essuie à nouveau mon front. Ma main tremble. Les draps sont froissés, mon corps brûlant. J'avale deux autres médicaments, j'ai besoin de me sentir plus calme.
Je me recouche et mon homme se colle à moi. Ma respiration se fait de plus en plus lente. Enfin. Je ne veux plus de ces terreurs nocturnes.
***
Il se réveille, m'embrasse avec tendresse. Il passe sa main sur mon sexe. Je ne comprends pas mais je bande. Je lui dis que "Non je ne veux pas, arrête Mathiew, pas maintenant", mais sa main excite le flux sanguin de tout mon corps. Il agite sa main, il rit, m'embrasse alors que je détourne la tête. Il retire le bas de son pyjama et je ne peux regarder son corps entièrement nu. Mes yeux rejetés en arrière, il me bloque les bras plaqués sur le matelas devenus gelé. Et il se place sur moi, m'embrasse en mordant ma lèvre qui saigne alors. Encore ce goût de sang dans la bouche. Je hurle mais aucun son ne sort. Il va le faire, il va devenir bestial. Il va placer mon sexe à son ouverture. Je hurle mais aucun son ne sort.
***
Et à nouveau je suis dans mon lit. La faible lumière bleue des lampadaires éclaire toujours et encore cette chambre. La boite d'anxiolytiques encore ouverte d'il y a une heure, peut-être deux ou trois, la notion du temps m'échappe. J'ai chaud, affreusement chaud, une douleur au bas du dos et un affreux goût de sang dans la bouche. Mathiew se réveille, attrape la boite de médicaments que je m'apprête à prendre. J'ai peur de lui, je tremble. Cauchemar ? Réalité ? Je ne sais plus où je suis.
Il me sert contre lui et enfin je me sens bien. La chaleur de son corps me colle à nouveau. Je pleure, les larmes coulent sur mes joues brûlantes. Il me dit de me lever, ce que je fais, je titube jusqu'à la salle de bain. Il enfonce son majeur et son index dans ma bouche et je vomis. Plus de médicaments dans mon estomac, les doses deviennent raisonnables. Je m'assois par terre. Le temps semble être arrêté, les heures défilent sans que je ne le remarque.
Il revient avec une tasse de chocolat chaud. Je la bois doucement, chassant ce goût âcre de ma bouche. Enfin. La nuit a été chaotique, je sais que dans quelques heures il voudra en parler, m'interdire de prendre mes médicaments. Mais l'heure n'est pas encore venue. Je me lève avec lui. Il retire mon pyjama, il fait de même avec le sien. Nous filons sous la douche où l'eau tiède caressent nos corps liés. Je suis bien, enfin.
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Le Paradoxe des étoiles.
General FictionDesign by Je suis un Paradoxe Les étoiles dans le ciel noir me font peur, elles semblent vouloir me souffler un message, des noms des gens partis. Les étoiles sont mystérieuses, parfois filantes, parfois éteintes. Tout semble si fragile et si fort...