Elle avait l'air de...suffoquer. Elle avait refermé la dernière porte très vite derrière et était essoufflée, se laissant porter par cette dernière...avant de nous brandir un flingue à la gueule, affolée."-Han...han...vous...VOUS ETES QUI?! POURQUOI VOUS M'AVEZ AMENÉ ICI?! QU'EST-CE QUE VOUS AVEZ FOUTU DE MON PORTABLE?! RÉPONDEZ OU JE TIRE, BANDE DE SALAUDS!!!"
C'était une fille plûtot jolie, exotique, la peau mate mais les yeux clairs, et une touffe de cheveux bouclés impressionnante. Son débardeur spaghetti laissait entrevoir des coupures encore saignantes sur son bras droit. Et elle avait un flingue. Un putain de flingue qu'elle pointait sur nous trois tour à tour.
Treik s'était réfugié sous son banc en bois, en position foetale, en geignant quelque chose du genre "la mort, la mort vient me chercher". Quant à moi et Daavis, on la fixait, pétrifiés, les mains en l'air en guise de réflexe. Je n'aurais jamais cru avoir à faire ça un jour.
Daavis tenta de s'approcher d'elle en guise de sympathie:
"-Hey, moi c'est Daavis, on...
-RECULE OU J'TE BUTE ENCULÉ! ESSAYE PAS D'ESQUIVER MES QUESTIONS! QU'EST CE QUE VOUS M'AVEZ FAIT?!"
Il reprit automatiquement sa position de départ. C'était mal barré.
"-...Ok, on se calme! On est tous dans la même merde que toi, on sait pas ce qu'on fout ici, alors sois sympa et baisse ce flingue...s'il-te-plait."
Je croisais les doigts très fort pour qu'elle entende raison avec ma phrase et qu'elle ne décide pas de m'exploser le crâne par pur esprit de contradiction.
Au bout de très, très longues secondes où elle semblait délibérer avec elle-même, elle baissa enfin son arme. Surement était-ce le comportement de Treik, toujours planqué sous son banc à réciter ses dernières prières, qui l'avait convaincue que nous n'étions pas ses geôliers.
"-Putain, dans quel merde je me suis encore foutue...c'est le shit, c'est ça? Pourtant, j'en ai pas fumé tant que ça...j'vais vraiment finir en taule pour ça? C'est ridicule...
-Euh...je crois pas vraiment qu'un commissariat ou une prison ressemble à ça...Treik, tu peux sortir de sous ton banc, elle te fera rien, continuais-je avec prudence.
-Ça, c'est encore à moi d'en décider, fit-elle en rangeant son flingue dans sa ceinture. Putain, mais où est-ce qu'on est?"
Treik ne courut pas le risque. Il resta solidement accroché au sol sous son banc.
"-Déjà qu'on avait eu du mal à le faire parler en étant sympa, alors là, vu comme tu l'as agressé...commenta Daavis.
-J'étais en danger, ok?! D'ailleurs, qu'est-ce qui me dit que vous êtes pas des imposteurs prêts à me planter aux tranquillisants?!
-Peut-être le fait qu'on est pris au piège ici tout comme toi puisqu'il n'y a aucune issue à cette putain de pièce qui ressemble à un sauna? rétorqua t-il derechef."Cela suffit à couper le dialogue.
"-Bon, essayons de mettre les choses à plat et de se calmer, on arrivera à rien en s'énervant, dis-je alors que j'étais moi-même paniquée. Premièrement, comment tu t'appelles?
-...Nona. C'est Nona. Si vous voulez tout savoir, j'ai 17 piges et j'habite à Newtown. Ça vous va?
-Newtown...c'est près de chez nous, fis-je à Daavis. Visiblement, on vient un peu tous du même coin. Et toi, Treik? Tu habites où?"Comme c'était prévisible, il était trop apeuré pour répondre.
"-La peur le fait disjoncter, conclut Daavis.
-Il habite la ville à côté de chez moi, fit Nona. Je l'ai reconnu en arrivant, on était ensemble en primaire. Votre hypothèse se tient.
-Ça nous fait déjà un indice, fit Daavis. Nona, raconte-nous ce qu'il t'est arrivé avant d'atterrir dans cette pièce et ce dont tu te souviens.
-Pas question. C'est trop facile. Je vous livre tout sur moi et en contrepartie, je me fais couiller. Je parlerais pas, posa t-elle catégoriquement. Je sais même pas qui vous êtes."
Ça n'allait pas être simple."-Ok, résumé. Je suis Ashley, et voici Daavis. On est dans la même classe au lycée. Depuis jeudi soir, ni moi, ni lui, ni Treik, n'ont de souvenirs, mais la forte impression d'avoir vécu un lendemain sans se souvenir de rien et de s'être réveillé aujourd'hui dans le noir complet. On s'est ensuite retrouvé chacun dans une pièce différente, où un appareil nous a annoncé un genre de temps imparti et nous a demandé si l'on voulait "sauvegarder notre progression", pour ensuite nous guider hors de la pièce et atterrir ici, chacun par une porte différente. Il n'y a visiblement pas d'issues, pas de quoi joindre l'extérieur, mais Treik a récupéré une sorte d'embout métallique mystérieux dans sa pièce respective. Ah, et on porte tous des traces de baston si j'en juge l'état de ton bras. A toi maintenant."
Elle sembla se satisfaire de mes explications."-...J'ai aucun souvenir non plus après jeudi soir. J'étais dans ma douche.
-Et? interrogea Daavis.
-Et bah je me suis lavée, connard.-Non, je veux dire...tu es allée dormir tout de suite après? fit-il, trop intrigué pour relever la pique.
-Nan. J'allais quand même pas me coucher à 23h. J'avais prévu de me taper un ou deux films, mais je me souviens plus de rien.
-Et après? continuais-je.
-Réveil express il y a quelques minutes. Une sale odeur m'a réveillée, mais j'y voyais rien. J'ai réussi à sortir, et je me suis retrouvée dans une chambre toute grise qui puait le moisi. J'ai essayé de regarder par la fenêtre, mais le verre était flouté et impossible à ouvrir. Y'avait un lit, un bureau, et une espèce de bougie presque terminée. La porte était fermée, j'ai essayé de la défoncer, sans succès. Il y avait aussi un vieux téléphone à touche, du genre portable des années 80. Il m'a donné un temps et m'a demandé si je voulais sauvegarder ma progression. J'ai cru que c'était l'interface d'un vieux jeu pour portable, alors j'ai tapé oui. Et le truc s'est mis à m'écrire qu'il y avait quelque chose derrière le bureau. La clé de la porte et un flingue. J'ai pris les deux, et je me suis tirée dans le couloir en claquant la porte en bois moisi. D'ailleurs, il y a toujours une vieille odeur..."Un vieux jeu pour portable... à bien y réfléchir, cette histoire de progression à sauvegarder, de temps donné, c'est vrai que cela ressemblait à un jeu vidéo. Pourtant, nous étions bien dans la vie réelle. Même si nous aurions tous préféré que cela soit un cauchemar.
"-...C'est vrai que ça pue, maintenant que tu le dis, remarqua Daavis. C'est bizarre, ça fait une heure que je suis ici et je n'ai rien remarqué...En tout cas, nos quatre histoires sont sensiblement les mêmes. Je suppose que c'est...rassurant.
-Je peux voir le truc que Treik a ramassé? questionna Nona.
-Euh, je vais essayer de négocier...Treik? Tu peux nous donner ton indice? tentais-je timidement devant le jeune homme roulé en boule dans son coin. "
Il enleva son embout de sa poche et l'envoya rouler au loin, mais continua à s'apitoyer tristement sur son sort. Nona alla l'attraper et l'observa un moment.
"-...Non, je vois vraiment pas ce que c'est. Désolée. Et vous n'avez rien trouvé d'autre?"Un court silence froid se fit sentir.
"-...Non, rien, fit Daavis. En fait, on pensait que ta venue résoudrait l'énigme, vu qu'on est désormais quatre..."
Nous décidâmes de nous lever pour inspecter les quatre coins de la pièce une nouvelle fois, sans résultats. J'essayai d'ouvrir les portes sans succès, quand quelque chose m'interpella devant celle de Nona. Ça puait de plus en plus,mais pas une odeur de moisi, comme elle l'avait décrite. Ça fumait. Ça crépitait. Et c'était chaud.
"-...Nona, tu as bien dit qu'il y avait une bougie dans la chambre où tu étais?
-Oui, pourquoi?
-...Je...je crois qu'il y a le feu dans ton couloir."L'étonnement général (et les gémissements plus aigus encore de Treik) se fit entendre, et mon hypothèse se concrétisa lorsque le bois de la porte devint roussi puis noir par endroits.
"-Merde, merde, merde! On a intérêt à trouver la sortie et se tailler vite fait!"
On remuait toute la pièce, touchait chaque mur, chaque planche de bois dans l'espoir de déclencher un mécanisme, d'ouvrir une porte, sans résultat. Mais le feu prenait du terrain, et la porte était déjà détruite par les flammes. Du bois, du bois partout. Les flammes prenaient trop vite. On allait y rester."-Y'a aucune issue! fis-je en tentant de ne pas inhaler la fumée noire et nocive.
-Me dites pas qu'on va tous crever cramés dans un sauna! cria Nona dans l'excitation générale.
-Vos gueules, je réfléchis!!! hurla de plus belle Daavis."Le feu avait désormais pris le plancher. Un amer goût de mort atroce flottait dans l'esprit de tous. Treik, devant la catastrophe imminente, avait changé de tactique et se tenait désormais sur son banc, invoquant des gestes religieux et se pinçant en ayant encore l'espoir que tout cela ne fut qu'un rêve. Le pire de tous.
"-...Ok, tout le monde sur son banc! hurla Daavis.
-Quoi?! fit Nona sans comprendre.
-Cherche pas et monte sur ton putain de banc avant de te faire cramer par les pieds!"Nous montâmes tous, chacun collé à un mur différent de la pièce, totalement terrifié par les événements et la mort imminente. La fumée noire de l'incendie était trop épaisse, on y voyait plus rien.
Tellement rien que j'entendis un dernier cri dans la pièce avant de pousser le mien et ne plus rien voir du tout.
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TRAP GAME-Prise au piège
Teen FictionDu noir. Toujours du noir. Une arme. Quatres ados amputés de leurs souvenirs, coincés dans une pièce. Le Trap Game peut commencer. Jetés dans une forêt en pleine nuit, 16 ados s'affrontent sous la menace d'une mystérieuse voix qui dirige desormais...