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Le sauna avait bien changé. Je compris en voyant la pièce à moitié ravagée par les flammes par où on avait pu y rechapper. Des portes cachées dans le mur derrière chacun des bancs étaient apparentes.
Un claquement derrière moi se fit entendre.
«-Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elle était coriace.»
C'était le garçon. Il avait l'air plutôt...étonnamment serein, un court sourire en coin au visage et les mains sur les hanches en héro.
«-Je l'ai juste assommée, ça va. Et j'ai endormie l'autre, on m'a filé des seringues anésthesiantes en guise d'armes. Tiens, voila ton poignard.»
Il me le lança avec assurance. Je le rattrapais maladroitement.
«-...Merci. Vraiment. Sans toi j'y passais. Tu es...?
-...un limier comme un autre. Mais avec un indice différent. Je ne vais pas prendre le risque de t'arracher ton masque, je n'ai pas de temps à perdre. C'est toi, la petite pute blonde?
-Je.. attend quoi? Pardon?!»

J'hallucinais.
«-Non, parce que l'indice précise que mon binôme est «Ashley Robins, la petite pute blonde au poignard
Je ne vois pas ton visage, mais tu es plutôt petite, blonde et tu as un poignard. Je t'ai donc repéré en explorant les lieux, et je me suis dit qu'il serait idiot de laisser crever ma seule chance de survie dans ce jeu. Dis donc, t'as l'air complètement paumée, t'es sûre que t'as tout compris au jeu?
-...Et toi, tu m'as l'air bien trop assurant et serein en étant en danger de mort potentiel pour ne pas être suspect.»
On montrait les crocs. Une seconde, deux.
Il souffla, semblant laisser retomber toute la pression du monde de ses épaules.
«-Bon ok, je suis terrifié. Je me donne un rôle pour avoir une chance de...m'en sortir peut-être. M'auto-rassurer. C'est bon, ça te va?»
Il semblait vexé. Cela me fit presque rire.
«-C'est bon, je valide. Donc, tu peux m'arracher mon masque. Dépêche, on a peut etre une chance de sortir d'ici indemme et d'être qualifié pour la finale avec les trois autres premiers duos.»
Il ne se fit pas prier. Il se jeta presque sur moi pour m'enlever le masque.
Nos visages étaient à découvert désormais. De près, il etait plutôt beau. Grand, chatain, un peu musclé, des yeux noisettte malicieux.
On attendit.
Et il ne passa rien. Je remis mon masque en place, par precaution.
«-Ok, génial, et maintenant? On a raté une consigne où...? On est sensé être qualifiés, le chrono doit s'arrêter, non?
-Je ne comprend pas, il n'y a encore qu'un seul binôme de validé par les ordinateurs! fit-il en regardant sa montre, sur laquelle j'apercus rapidement la premiere lettre de son nom. Monsieur N. Très bien. Puis je réagis.
-Quoi? Attend, comment tu sais ça?
-Bah, c'est écrit sur ta montre, avec ton chrono, le temps et l'indice des camouflés qui ont attaqué des limiers. Ils l'ont dit au hangar, dans les règles, lorsqu'un camouflé attaque un limier, il est renvoyé au clos et son indice est diffusé à tous. Ainsi il est traqué deux fois plus, et encore. Ce qui est drôle, c'est qu'un limier n'a rien a subir si il attaque un camouflé...il est simplement mis K.O si il lui enlève son masque alors que ce n'est pas son binôme. Les règles sont pleines de failles.»
Oui, c'est aussi ce que disait Daavis. Qu'était-t-il devenu, d'ailleurs, lui et Treik?
Je tiquais, et appuyait sur ma montre pour faire défiler les informations. Comment j'avais pu passer à côté de ça, putain?!
Effectivement, un seul binôme était qualifié.
«Binôme qualifié: Bren Hastings/Mia Polinovska»
La rage montait en moi. Je n'allais pas laisser ces sales traîtres sauver la peau de leur petit cul après ce qu'ils m'avaient fait.
Je défilais les infos. Trois camouflés avaient pris le risque de s'en prendre à des limiers.
«Retrouvez Tony Fudge, le petit geek fouineur au traceur électronique, avant que lui ne vous trouve...»
«Retrouvez Kira Sulfran, la crinière de boucles chiasse au revolver»
Et enfin:
«Retrouvez Daavis Wether, cette saleté d'intello coincé à la pomme de Blanche-Neige»

Genial. Ca n'avait aucun sens. Au moins, je ne figurais pas sur la liste des traqués. Il allait falloir faire gaffe à n'attaquer que des camouflés. N me tirait de ma rêverie.
«-On a dû manquer quelque chose, il y a surement une etape, un truc à activer, à faire pour pouvoir qualifier notre binôme. J'ai commencé à explorer le périmètre. Dans cette partie de la forêt, qui est immense, c'est les clos. C'est le point de départ, je pense pas qu'il ait quoi que ce soit, mais je venais explorer quand même les K.O arrivant, et j'ai bien fait.
Il y a quatres clos en tout. On dirait de vieilles baraques dont la pièce centrale a été retapée à chaque fois. Chacun se réveille dans le noir, puis dans une pièce différente abandonnée, et on nous fait arriver ici à quatre. De mon côté, j'étais avec Mia, et Elen et Julia, deux des filles qui t'ont agressé il y a quelques minutes. Puis plus rien. Ils ont du nous endormir ou nous assommer, nous faire sortir par ces sorties cachées, et on s'est retrouvé dans un hangar attachés.
-La même chose du côté des camouflés, dis-je en ne sachant pas si je devais donner plus de détails sur mes coéquipiers à un mec qui refusait de me donner son nom. Dis, on est binôme, on travaille ensemble, tu connais mon nom, alors je pourrais savoir le tien non?»
Il me jeta un sourire en coin. Et ne répondis pas.
«-Ok, j'ai compris. Ça restera N, alors.»
Il parut surpris que je connaisse son initiale, avant de comprendre qu'il faisait mieux de cacher son poignet.
Je ne fus pas peu contente de mon petit effet.
«- Il y a eu le feu, ici, changea t-il comme si de rien.
-Tu es perspicace, bravo Sherlock, raillais-je.
-Chez nous, c'était une fuite de gaz. On dirait qu'il veulent nous tester par la peur.»

Ce n'était pas idiot. Tout ceci n'était qu'un gitantesque test? Mais qui mettrait en place des moyens aussi colossaux pour de simples test de réactions? Non, ça ne tenait pas debout...
«-Toi non plus, tu n'as plus tes derniers souvenirs? questionna t-il
-Non. Rien. Et je compte bien les retrouver. Après avoir réglé mes comptes. »
Il ne posa pas de questions sur les motivations qui m'enrageaient ainsi. Après tout, j'étais une tarée au pays des tarée. Tout était parfaitement normal.

«-Viens, il faut se tirer d'ici. Cet endroit est trop fréquenté, trop dangereux. On a du chemin a faire si on veut trouver l'indice qui nous sauvera la peau.»
Je le suivais. Il semblait savoir où aller et quoi éviter. Il avait eu le temps d'analyser le terrain.
On marchait. Dans la nuit. Silencieux, l'air froid nous faisait trembler.
«-...Qu'est ce qu'il se passera si on est pas qualifié, à ton avis?
-...le chrono continue, fit-il sombre. Jusqu'à nos 12H. Et à 12H, on se fait buter. Si c'est pas déjà le cas.»

Je frissonais. J'essayais de ne pas y penser, mais mon regard se dirigeait vers mon poignet trop souvent.
5h12m54s. 5h23m22s. 5h37m45s.
J'avais des sueurs froides.

Au bout d'un long moment, N s'arrêta soudainement. Je crus qu'il allait parler, mais il restait immobile, silencieux, figé.
«-Ne bouge...surtout pas...» fit-il dans un souffle.
Puis, d'un coup, il se retourna, plongea ses yeux affolés dans les miens, et cria
«-Maintenant, cours!»
Je le suivis en courant, instinctivement, et compris. Des bruits de dents acérées suivirent, et des jappements furieux. Des chiens. Des putain de rottweiler furieux, enragés, aussi noir que la nuit, à notre poursuite. Il devait y en avoir 3. Je courrais vite, mais pas assez. Ils allaient se jeter sur moi et me déchiqueter. N le remarqua et ralentit volontairement la cadence.
«-Continue, ne t'arrêtes pas!» me fit-il.
Cela tournait bien, je n'en avais aucune intention.
Puis il s'arrêta. D'un coup, pour les retenir loin de moi.
«- Putain, mais t'es malade!»
Mon coeur battait à 100 à l'heure. Que faire, continuer et sauver ma peau, seule et sans mon binôme? Ou aller le sauver et surement y rester bêtement? Raaah, je destestais avoir a prendre des choix cruciaux de dernière seconde!
Et puis merde.
Je courrais vers lui, sortir mon poignard, et foutu un grand coup dans le chien qui lui mordait la jambe à terre. Un de moins. Le deuxieme tenta de me neutraliser, mais j'esquivais d'un coup de pied, l'envoya bouler. Le dernier me mordit la jambe et me fit tomber à terre, au dessus de moi la gueule ouverte, prêt à m'arracher la peau du visage.
C'était vraiment la journée...où plutôt nuit des morts ridicules.
Feinte. Cri. Coup de couteau dans l'oeil. Sang. C'était degueulasse. Une fois sûre d'avoir neutralisé les chiens, je m'eloignais vomir. N etait à terre, rt serrait les dents. Sa jambe et sa main gauche étaient dans un sale état.
«-Merde...
-On est quittes, je t'ai sauvé la vie, t'as sauvé la mienne, ai-je fait. Allez viens, la petite pute blonde vas te porter. Il faut continuer.»
Cela fut difficile, il etait bien plus grand que moi et boitait sérieusement en gemissant de douleur.
Mais on n'eut pas très longtemps à tenir ainsi.
Devant nous, se tenait un repère, une grosse cabane en bois.
Occupée. Par Mia et Bren.

TRAP GAME-Prise au piègeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant