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Ok. Je ne comprenais plus rien. Le monde tournait autour de moi. C'en etait trop, je disjonctais. Je voulais m'enfuir, m'enfuir de cet affreux cauchemar. Mes jambes fléchirent, je me sentis tomber.
Et tout disparut.

Ouch, le réveil était difficile. Et le sol un peu trop dur à mon goût.
J'étais de retour dans le vieil entrepôt poussiéreux du départ. De retour au clos. La vieille télé était toujours là.
Je me risquais à appuyer.
«Ashley Robins: 4h37m17s.
Premier K.O. Progression automatiquement sauvegardée ici.»

Je n'avais plus goût à cette plaisanterie. On jouait avec moi, avec nous. Qui tirait les ficelles de tout ça?
Devais-je y retourner? Je n'en avais plus la force. Plus la force de lutter.
Ma montre, qui affichait également l'heure, indiquait 23:46.
Je n'avais pas la moindre envie d'aller me battre à mort avec d'autres ados déchaînés dans une forêt à bientôt minuit. Je pouvais rester là, à dormir dans mon hangar, en sécurité, à attendre que la police me délivre de ce jeu malsain.
Le problème, c'est que je n'avais aucune envie de dormir de un, de deux les heures passaient et la police ne se montrait pas, de trois la menace sous-jacente de la «fin tragique» annoncée dans les règles me faisait trop frémir d'angoisse pour ne pas essayer au moins de trouver mon limier, de quatre je devais aller essayer ce foutu poignard que je venais de retrouver dans ma poche sur Bren et Mia, les deux ex-personne que j'ex-aimais je plus au monde, et la raison numéro cinq se tenait devant moi.
Je n'étais pas en sécurité ici.

Devant moi se tenait ma copine rousse qui avait tenté de me voler mon couteau devant le grillage de délimitation, le même masque de renard blanc que moi au visage, son éternel briquet à la main.
Elle retira son masque, une expression de stress sur le visage comme si elle avait peur de nouvelles représailles, puis afficha un grand sourire terrifiant.
Ce jeu faisant perdre la tête de tout le monde.
«-Tiens, mais qui est-ce que je retrouve...la pouffiasse au poignard. Et cette fois t'as personne pour te défendre, alors tu vas me le filer gentiment, hein, sale pute?!»

Je pensais que ça ne pouvait pas être pire. J'aurais du me taire.
De l'ombre du couloir qui menait à la pièce de bois central incendiée, surgirent trois autres filles. Grandes. Musclées. Le visage découvert. Des limiers.
Elles n'étaient pas visiblement armés, contrairement à moi. Mais j'étais encerclée. Prise au piège.


Soudain, je fus frappée d'une évidence. Moi, Daavis, Nona, Treik, Bren, et les trois autres mecs...ça faisait déjà 8 camouflés. Dont 2 filles et 6 garçons. Il y avait 8 limiers. Etait-ce le cas inverse? 6 filles 2 garçons?
J'étais prête à parier que cette fille là n'était pas une camouflée mais avait volé son masque à quelqu'un. À Nona, par exemple, qui se faisait passer pour un limier auprès de mes deux traîtres...
«-Ne lui arrachez pas son masque, fit-elle à ses alliées. Où c'est retour à la case départ avec deux heures de plus.»
Ça confirmait les dires. Si un limier m'arrachait mon masque alors que je n'étais pas son binôme, il retournait au clos. J'en déduis donc que aucune de ces filles n'avaient une fille comme binôme, ou du moins qu'elles savaient que ce n'était pas moi.

Comme si je n'avais pas déjà assez mal a la tête comme ça, il fallait qu'ils en rajoutent avec leurs casse-tête.

Je n'eus pas vraiment le temps de me perdre en considérations philosophiques.
On m'attaquait. À mains nues. Corps à corps. Je ne m'étais jamais battue, et rien que l'idée de devoir donner des coups de poignards me répulsait.
Mais c'était ma vie ou la leur. Et elles avaient l'air sincèrement décidées à me briser les os un par un.
Je brandis mon couteau, tremblante.
Elles rirent. Et se jetèrent sur moi. Toutes les quatres. Je me défendais tant bien que mal, mais je me faisais noyer sous les assauts. Elles frappaient fort et bien, je n'osais pas faire gicler le sang. J'avais peur, trop peur. Avec une force impressionnante, l'une de filles retourna mon coup contre moi et me fit une entaille importante à la joue. Genial, si je sortais indemme de ce jeu de tarés, je finirais le restant de mes jours sous le physique d'un pirate.
J'enquillais les hématomes. J'allais lâcher, une fois encore, quand dans un dernier espoir, je fis preuve de hargne et de rage qu'on s'acharne sur moi ainsi, et donna un violent coup dans le ventre à l'une des quatres. Le sang maculait son tee-shirt blanc. J'avais envie de gerber. La rousse, devant l'incident, prit peur et s'enfuit. La moins virulente des quatres essaya timidement d'aider la blessée à terre, plus du tout concentrée sur moi, mais la dernière, si elle avait été distraite par mon coup, etait aussi la plus violente, et décida de m'achever avant que je ne lui fasse subir le même sort. La lueur de peur, de vengeance et de folie dans son regard était...tetanisante. Elle n'eut aucun mal à m'arracher le poignard de mes mains poisseuses de sang, et le lever vers moi, prête à porter son coup d'un air gourmand.

Par instinct, je fermais les yeux. Trouilllarde, je sais. Je n'avais pas envie d'affronter la mort en face, surtout quand la mort ressemblait à la boulimique roumaine de votre bahut, qui récupère les yaourts à la fraise à la cantine en espèrant grandir encore un peu plus que ses 1m94 actuels.
Finir ma vie sur cette phrase était pathétique. En fait, ma vie était pathétique. Mon petit ami et ma meilleure amie m'avaient trahis, j'avais failli finir cramée à plusieurs reprises, je m'étais fait agressée, et je n'avais aucun souvenir, prête à mourir sans famille ni amis à qui livrer ses dernières volontés.

...

Putain, elle en mettait du temps, à me tuer, la roumaine! Où était-ce la mort qui était indolore?
Je me risquais à ouvrir un oeil.
Je ne fus pas déçue.

Elle était par terre, sous un homme.
Plaquée au sol.
Mon poignard sous la gorge. Peu agréable.

L'homme, qui devait avoir bien 19 ou 20 ans, planta ses yeux dans les miens.
«-Je pense que elle a compris ce qu'était une clef de bras solide, fit-il en désignant mon agresseur féminin. Dépêche-toi de sortir, je te rejoins.»

Sortir, sortir...il en a des bonnes, lui.
Sans me poser de questions, encore retournée, je courrais hors de la pièce. La fille la plus timide semblait pleurer le sort de celle qui agonisait de mon coup dans le ventre. Par ma faute.
J'avais tué des gens.
Tué. Enlevé la vie. Fait souffrir.
Moi, Ashley, 16 ans, lycéenne exemplaire et bonne élève. Sage fille. N'a jamais fumé une clope ou bu une bierre.
A tué.
Qu'est-ce qui se passait avec moi, putain?

TRAP GAME-Prise au piègeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant