Chapitre Un.

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La couverture de la nuit venait tout juste de s'installer dans le ciel au-dessus d'Agoura Hills, de profondes nuances de violet et de rouge fusionnant avec celles d'un riche bleu tandis que les mains des horloges atteignaient huit heures et demie. L'odeur du beurre fondu déversé plus que généreusement sur le pop-corn bon marché emplit l'air dès l'instant où Carissa approcha le cinéma. Elle grimaça, portant son bras à son nez pour masquer l'épouvantable odeur, dans l'espoir que le puissant parfum de lessive imprégné dans son cardigan serait capable de dominer celui, beaucoup persistant, de la graisse – en vain. Elle ne l'admettrait probablement pas mais elle était plutôt du genre à glisser en douce sa propre nourriture dans les salles de cinéma. Il n'y avait pas moyen qu'elle soit vue en train d'enfourner ces friandises de cinéma à bas prix au fond de sa gorge.

Elle faisait la queue depuis près de quatre heures pour s'acheter un ticket de From Famished to Fame, un roman à grand succès qu'elle avait lu dix fois en tout avant d'entendre parler de son interprétation filmique qui était parvenue à gagner les ovations des critiques les plus rudes. C'était un vendredi, soirée de la première du film, et elle était déterminée à le regarder d'une manière ou d'une autre.

L'attente n'était pas si mauvaise que cela, contrairement à ce qu'elle avait pensé, malgré le grand gentleman muni d'un sourire en coin à tomber qui se tenait juste devant elle depuis le début. Initialement, il s'était insinué dans la queue, derrière un ami, ce qui la rendait furieuse au plus haut point, mais elle laissa tomber son agacement une fois qu'elle vit la malice danser dans le vert lumineux de ses yeux. Elle l'observa discrètement: la façon dont il faisait courir ses longs doigts minces à travers les boucles couleur chocolat de sa tête, la façon dont il attirait sa lèvre inférieure entre ses dents quand il pensait à quelque chose, et la façon dont le parfum de son eau de Cologne la faisait occasionnellement dériver vers un monde meilleur quand les portes du cinéma, adjacentes à la queue, étaient poussées ou tirées, permettant aux rafales de vent de transporter son odeur masculine et ainsi, l'envelopper dans un cocon confortable où des frissons délectables picotaient sa colonne vertébrale. Des tourbillons d'encre taquinaient ses yeux, à moitié cachés sous son tee-shirt blanc. Elle discerna une étendue particulièrement grande d'encre sur son abdomen, bien qu'elle n'était pas sûre de ce que cela représentait. Ses larges épaules et son long et mince corps étaient le parfait tableau, pouvant laisser libre cours à n'importe lequel de ses fantasmes. Il la surplombait, se tenait au moins – si ce n'est plus – à un mètre quatre-vingt-dix du sol.

Un sentiment de culpabilité et de honte se précipita de tous les côtés pour l'habiter lorsqu'elle réalisa qu'elle s'était prise elle-même en train de le fixer pour la troisième fois cette heure-ci, et pour ce qui semblait être la millième fois depuis qu'elle avait posé les yeux sur lui cette nuit-là. Stupide Carissa, songea-t-elle, un homme comme ça? Célibataire? Tu es bien trop naïve.

Mais ces voix désespérées furent tues par la vue de la pulpe de ses doigts courant sur la courbe de ses lèvres quand il s'amusa de quelque chose que venait de lui dire son ami. Elle ne put s'empêcher de se demander quelle serait la sensation de ces doigts fermes sur sa peau; la caresseraient-ils comme aucun autre homme ne l'avait fait auparavant? Trouveraient-ils leur chemin dans les petites crevasses de son corps dont même elle n'avait pas la moindre idée? Glisseraient-ils le long de ses hanches pour faire leur chemin vers le bas de son ventre jusqu'à trouver son sexe en feu, faisant dresser ses poils à n'en plus finir? Étaient-ils brutales ou doux? La taquineraient-ils? La satisferaient-ils? Ils avaient l'air d'être experts; dotés de multiples talents; comme s'ils appartenaient à un ventriloque - nul doute, il pouvait faire fonctionner n'importe quelle femme de la même façon.

Un scénario effrayant naquit dans ses pensées :

L'un d'eux assis à côté de l'autre dans la salle de cinéma, regardant agréablement le film. Soudain, dans un élan de tension sexuelle audacieuse, sa main glissa sur la peau couleur olive de sa cuisse. Sa large paume reposait juste au-dessus de son genou, sous l'ourlet de sa jupe, dessinant de petits cercles sur sa chair. C'était une dangereuse prouesse - quelqu'un pouvait les surprendre! Quelqu'un les hélerait suite à un comportement aussi immoral! Elle voulait hurler : « Arrêtez! Pervers! Ôtez vos sales pattes de moi! » mais personne ne semblait remarquer ses singeries et elle ne pouvait nier le fait que c'était nauséabonde, révoltant; absolument... divin?

Psycho (Version Française)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant