Terres Sauvages
Eyàn ouvrit brusquement les yeux, réveillée par un bref jappement d'avertissement lancé par Arsan. La lumière les lui prit d'assaut et elle referma immédiatement les paupières. A côté d'elle s'élevait un grognement de gorge menaçant. Elle contint un gémissement lorsque son épaule l'élança alors qu'elle roulait sur le flanc. Elle le découvrit campé sur ses pattes, crocs découverts, fourrure hérissés et yeux fauves vrillé sur un point qu'elle ne pouvait discerner. Sans un mot, la jeune femme se redressa, passa la bandoulière en cuir de sa sacoche sur son épaule puis déserta les lieux d'un pas feutrés, mais rapide. Son frère loup attendit qu'elle se fut suffisamment éloignée pour tourner les talons et venir trotter à ses côtés.
Trois jours qu'il agissait ainsi. Trois jours que sans aucune raison apparente il se montrait soudain tendu, alerte, guettant quelque-chose. Mais quoi ? Il ne se calmait que lorsque, perplexe, son aînée reprenait son chemin.
Elle avait comprit la veille la raison de son agitation. On la suivait. Qui ? Allez-savoir. Ses poursuivants -son poursuivant?- la pistaient plus sûrement qu'autre chose. Arsan l'avertissant chaque fois qu'ils étaient trop proches. Et elle déguerpissait. Cependant le rythme imposé par les chasseurs commençait à la fatiguer. Lors de ses haltes, les quelques heures qu'elles s'octroyaient se voyaient à présent impitoyablement raccourcies.
La journée défila, semblable aux précédentes. Le soleil déclina, la forêt s'embrasa d'or, puis d'écarlate. Eyàn gravit une cote jusqu'à se retrouver sur le sommet boisé et hérissé de rochets d'une colline qui louvoyait à travers les bois. Comme le chemin offrait multiples cachettes, elle se décida à l'emprunter, quitte à s'esquinter les bottes sur la roches effilée. Elle avait également conscience qu'ainsi, il serait plus malaisé de la suivre. La nuit tomba, les étoiles montèrent une à une dans l'immensité noire.
Minas Thar, dix jours plus tôt
Eyàn coucha les oreilles en même temps que trois loups se ramassaient sur eux-même, prêts à bondir. La brusque détente des muscles sur un grondement de gorge, le bruit mate de l'impacte des corps, suivit du craquement des os et du gargouillis du sang... tout cela n'arriva jamais. L'homme avait tout à coup levé les bras, ses mains tâchées de son avaient jaillit des profondeurs de ses manches, et la Meute s'était alors trouvée incapable d'esquisser le moindre geste. Tout juste parvenaient-ils à émettre des grognements de protestation.
Surgit de nul part, des hommes en armes se portèrent aux côtés de leur Sorcier.
- Achevez-les. Vite ! Avant que les Orcs n'arrivent jusqu'ici, ordonna-t-il.
Des dizaines de fers de lances et de lames aux reflets de feu se pointèrent sur la Meute.
- Commencez par ceux-là ! Enjoignit le Sorcier à ses soldats.
Un concert de couinements plaintifs et de grondements d'avertissement monta d'entre les loups quand ils comprirent que les premiers à mourir seraient leurs meneurs. Au désespoir, Eyàn et Arsan luttèrent de toutes leurs force contre les entraves invisibles qui les paralysaient, mais leurs pattes demeuraient clouées au sol et leurs corps n'auraient pas plus bougés s'ils avaient été de pierre. Il leur étaient même impossible de reprendre forme humaine. Les crocs ruisselant de bave, ahanant, grondant, ils virent les épées s'abattre sur mâle dominant sans que celui-ci puisse remuer une oreille. Froissement de fourrure et chaires transpercées, mugissement de douleur étouffé, ruissellement pourpre, et tout était terminé. Folle de rage et de peur, la jeune louve avait le sentiment que son propre cœur était poignardé à chaque pulsation. Les yeux pâles de son frère brillaient de larmes. Eyàn se mit à suffoquer alors que les hommes s'approchaient de sa mère.
Terres Sauvages
Agenouillée sur une pierre qui s'avançait dans le ruisseau, Eyàn nettoyait la lame de son poignard. Le sang des animaux dépecés avec émoussait le fil si l'on n'y prenait pas garde. Une fois sa besogne achevée, elle glissa son arme dans son fourreau puis plongea les mains dans l'eau et les en retira en coupe pour s'asperger le visage. Elle humidifia également ses cheveux auburn, maintenus sur sa nuque par une épingle à tête de loup. La jeune femme se redressa enfin pour s'adosser à un tronc d'arbre dont l'écorce pourrie était couverte de lichen. Elle était épuisée. Le paysage autour d'elle était d'un telle quiétude, avec son cour d'eau qui miroitait sous le soleil, ses oiseaux qui folâtraient dans les branches en piaillant et sa végétation comme taillée dans l'émeraude. Elle était soudain lasse de devoir être forte, de devoir avancer, vaille que vaille. Elle aurait aimé pouvoir se laisser aller et pleurer, pleurer tout son saoul, elle aurait aimé hurler, lancer un long appel à la lune et s'entendre répondre. Mais elle ne pouvait pas. Pas encore. Il lui fallait trouver les Istari. Elle devait les libérer, son frère et elle, de leur malédiction. Et elle devait surtout semer ces maudits poursuivants qui ne la lâchaient pas.
Arsan était partit la veille au soir, la laissant seule. Bien qu'elle soit habituée à leurs fréquentes séparations, Eyàn ne pouvait s'empêcher de s'inquiéter. Sans son frère loup, elle n'était plus en mesure de savoir avec exactitude à quelle distance se trouvaient les pisteurs. Cette dernière pensée la poussa à se remettre en route. Jamais elle ne s'était senti aussi éreintée. La plante de ses pieds la torturait, des cloques fleurissaient, éclataient, saignaient chaque jour sur ses talons, elle avait des courbatures acides aux membres et son dos était raide de dormir à même le sol. Sans parler de son visage, qui devait-être épouvantable. A quoi bon se dissimuler ? Plus personne ne serait en mesure de reconnaître Eyàn, fille de Tiarna derrière ses traits creusés, la crasse qui la recouvrait, ses cheveux embroussaillés et ses vêtements usés par le voyage. S'envelopper constamment dans son manteau lui avait néanmoins permit d'épargner un minimum ses effets : un pourpoint de cuir noir sans prétention enfilé par dessus une ample tunique de lin, et des braies résistants serrés à sa taille par une ceinture cloutée.
Un renfoncement dans la pierre lui servit d'abri cette nuit là. Elle avait été agréablement surprise de découvrir que l'abri gagnait en longueur et en largeur lorsque l'on y progressait et formait une cavité suffisamment grande pour qu'elle puisse s'y tenir debout, quoique qu'elle devait courber la tête. Après une vaine quête d'une position confortable pour dormir, Eyàn soupira, résignée, et ferma les yeux. Sans son cadet, elle ne pouvait plus progresser la nuit. Bien qu'elle ait gagnée en assurance lors de ses déplacements nocturne sous forme humaine, le risque de s'égarer, ou de déboucher là où elle ne le voulait pas, demeurait trop grand.
Elle fut tiré du sommeil par la nette sensation que le danger la guettait. Ses sens, affûtés au fil des jours passés sur le qui-vive, livrée à elle-même en pleine nature, lui indiquaient que quelque chose rodait dehors. Elle tendit l'oreille. Qui que ce soit, il semblait seul. C'était lui, comprit-t-elle. Son poursuivant. Celui qui la talonnait depuis des jours. Il avait finit par la rattraper.
Comment était-ce possible ? Qu'était-il arrivé à Arsan ?
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Rogue Wolves
FantasíaAlors que Legolas parcourt le Rhovanion à la recherche du jeune rôdeur après lequel son père l'a envoyé, son chemin croise celui d'Arsan et Eyàn, frère et soeur, et loups-garous anciennement au service du Mordor. Frappés d'une malédiction, ceux-ci s...