Chapitre 9 : Les gorges de Mereth

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Les Terres Brunes

Le vent soufflait depuis deux jours, transformant leur voyage en suite interminable de hautes herbes couchées par les bourrasques, d'arbre gémissants et craquants, et de tourbillons de poussière et de feuilles. Le jour, il poursuivait les cavaliers de sa mélopée hurlante. La nuit, il sifflait pour les tenir éveillés.

Ils avaient quittés les Terres Sauvages pour atteindre Mirkwood par l'Anduin, et suivait à présent les Méandres sud du Grand Fleuve. Le bras qu'il remontait coulait tumultueusement au fond des Gorges de Mereth, unissant son rugissement aux jérémiades du vent. Là en-bas, ses remous et ses dépressions écumaient tant contre les rocs éboulés gisant dans son lit que les rafales soulevaient un nuage de bruine.

Eyàn l'avait très sérieusement considéré comme option de fuite, mais -quand-bien même son frère et elle parviendraient à se jeter dans le précipice avant que l'Elfe ne les arrête – c'était s'exposer à de trop grands périls. Ils auraient peu de chance d'en réchapper vivants. Et aucune d'en réchapper indemnes. Sa blessure à l'épaule venait tout juste d'être cicatrisée par la métamorphose, elle ne tenait pas à devoir attendre tout un mois la guérison d'un membre cassé. Aussi se laissait-elle emmener par l'Elfe, son accablement et sa morosité allant croissants à mesure que les jours s'écoulait.

Au soir du troisième jour de lune décroissante, alors que le soleil rosissait l'horizon de son déclin, Arsan se montra soudainement nerveux. Il humait l'air à de nombreuses reprises, pointant les oreilles, le museau tourné dans une direction, puis dans l'autre. Son aînée tenta bien d'utiliser ses propres sens afin de trouver la source de son agitation, mais la rumeur assourdissante de l'eau et du vent noyait tout autre bruit. En désespoir de cause, elle amena sa monture à la hauteur de Legolas. Le manteau de celui-ci avait été rejeté derrière ses épaules par les rafales, et les pans se tordaient et claquaient continuellement dans son sillage.

- Quelque-chose ne va pas, déclara-t-elle, espérant que son acuité elfique soit plus fiable que ses sens à elle.

- Merci, je n'avais pas remarqué, railla-t-il d'un ton cassant en promenant son regard aux alentours.

La jeune Louve lui décocha un regard rébarbatif avant de faire ralentir le pas à son alezan.Maudit soit les Elfes ! Jura-t-elle intérieurement pour la énième fois en tirant vainement sur les cordes qui entravaient ses poignets.

Ils poursuivirent un temps la route sans qu'aucune menace ne se manifeste. Le soleil pourpre ne devint plus qu'une goutte érubescente à l'horizon et le vent fraîchit.

Tout à coup, Legolas et Arsan cessèrent simultanément d'avancer. Tandis que le premier affichait une mine préoccupée, le second se ramassa sur lui-même en grondant. Eyàn se raidit, aux aguets. Puis son cadet rejeta la gueule vers le ciel pour lancer un long hurlement d'avertissement. L'Elfe encocha de suite une flèche, mais ce n'était pas sur le loup noir qu'elle était dardée.

C'était sur la colonne de cavaliers qui venaient de surgir des bois.

En armures niellées d'argent, monté sur de fières destriers caparaçonnés, brandissant lances et bannières bleues frappées d'une giroflée corail, de longues épées au côté et des arbalètes au dos, ce fut tout un escadron d'Hommes qui s'avança au trot vers eux.

Ils se déployèrent à leur approche pour finalement s'arrêter à quelques centaines de pieds d'eux. La jeune femme tiqua. Ils les avaient piégés. Plus aucune voie ne s'ouvrait à eux, si ce n'était celle du vide.

- Abaissez vos armes, les somma Legolas d'une voix forte. Vous n'avez pas d'ennemis ici.

- J'en vois pourtant deux, riposta un homme d'âge mur au menton mangé de barbe poivre et sel.

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