Chapitre 6 : Loin du chaos droit vers l'enfer

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Terres Sauvages


Eyàn revint à elle sur les grondements sourds et continus d'Arsan. Son dos curieusement léger reposait contre le tronc d'un frêne qui abaissait ses branchages résineux jusqu'à frôler le sol. On l'avait encore délesté de Dergamsa. Des élancements parcouraient sa nuque. En s'avisant que ses mains étaient liées dans son dos, ce ne fut pas l'envie qui lui manqua de mêler son grognement à celui de son frère. Elle préféra cracher à l'adresse de l'Elfe posé sur une souche, occupé à aiguiser son glaive à poignée d'ivoire :


- Je commence sérieusement à douter qu'il y ai une once d'intelligence entre ces oreilles pointues.


La pierre ponce s'immobilisa sur le fil de la lame et Legolas leva un sourcil aussi hautain qu'interrogateur. En dépit de ses entraves, la jeune femme se leva pour l'incendier du regard.


- C'est contre les Orcs qu'Arsan et moi avons combattu tout à l'heure, pas contre toi ! Si nous étions des leurs, ils nous auraient suffit de les rallier pour t'abattre.


L'Elfe émit un rire nasal. Il glissa son arme dans son fourreau puis se mit à son tour sur ses pieds, les commissures des lèvres étirées en un sourire d'amusement et de mépris.


- Soit. Ton frère et toi ne servez plus l'Ennemi. Est-ce cependant parce que vous êtes des renégats, ou parce que vous n'avez plus votre place dans ses rangs ?


Le cœur d'Eyàn se mit à pulser plus fort. Elle crispa les poings dans son dos.


- Que veux-tu dire ? S'enquit-elle prudemment.


Legolas se rapprocha, le regard rivé au sien.


- Le Mordor ne s'embarrasse ni des faibles, ni des incapables. Ton frère et toi n'avez pas changé de peau depuis des jours alors que cela vous aurait permis d'être loin à présent.


Muselé et attaché à un arbre, Arsan intensifia ses grognements, ses pupilles noyées par la rage dans l'océan pâle de ses prunelles. Sans lui prêter la moindre attention, l'Elfe leva présomptueusement le menton, attendant une réaction de la part de la Louve. Comme celle-ci se bornait à le dévisager, frémissante de colère, il reprit :


- Vous n'avez plus de meute, plus de maître, et vous êtes sous l'emprise d'un sortilège puissant. Rien de plus que deux pitoyables exilés. Deux chiens errants.


Les inflexions mélodieuses de sa voix et son timbre sourd, n'atténuait en rien le fiel dont elle débordait. Elle perça Eyàn comme une lame acérée. Une bise hurlante se leva sur son cœur. Elle siffla, sa riposte saccadée par la colère :


- Je te le répète : nous n'obéissons plus à l'Unique. Quelle qu'en soit la raison. Tu n'as nul besoin de nous traiter en ennemis.- Je devrais donc laisser deux Loups-Garou vagabonder à leur guise sur les Terres Solitaires ? Combien de temps avant que les Elfes ne vous trouvent à rôder autour de nos bois, dans ce cas ?- Nous ne vagabondons pas.- Ah non ?

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