Le fils de Giotto [Terminée]

4. La bête de métal

                  

Eléonore soupira. Même si elle aimait bien son grand-frère, Dino était un peu trop protecteur à son goût. Ne pas la laisser sortir du manoir lors d'une bataille était franchement excessif. Elle savait manipuler les flammes du ciel et très bien se battre avec son poignard. Et puis qui franchement s'attaquerait à la sœur de Dino Calvone, la famille la plus proche des Vongola ? Surtout que ces derniers participaient aussi à la bataille. Non, Eléonore ne comprenait vraiment pas pourquoi elle était en danger si elle sortait.

            Elle s'accouda à la fenêtre de sa chambre, d'où elle pouvait observer le champ de bataille. Avec envi, elle se mordilla la lèvre. Elle aussi avait subi l'entraînement de Reborn, pourquoi ne pouvait-elle pas le mettre en pratique ? D'une main, elle attrapa machinalement l'anneau suspendu à son coup. Fort simple, c'était un cadeau de sa mère. D'après ce que son grand-père lui avait raconté, la bague était transmise de mère en fille depuis près de 400 ans. C'était un anneau de promesse. Eléonore n'y croyait pas vraiment, mais c'était le seul souvenir qu'elle avait de sa mère, morte en couche.

            Soudain, la jeune femme remarqua un mouvement derrière les ennemis. Elle vit une silhouette s'approcher. Lorsqu'un éclat de soleil le toucha, il se réfracta dans toutes les directions. Pour avoir croisé de nombreuses lames au cours de sa vie, elle comprit tout de suite que l'étrange apparition était un homme dans une armure. Et si les ennemis l'envoyaient maintenant, c'est que cela devait être leur botte secrète et donc difficile à vaincre, surtout que les meilleurs combattants étaient déjà débordés.

            Le sang de l'adolescente ne fit qu'un tour lorsqu'elle vit l'homme de métal tuer avec facilité toutes les personnes sur son chemin. Elle était peut-être une mafieuse, mais elle n'appréciait pas de tuer pour autant. D'un mouvement souple, elle enjamba la rambarde et sauta dans le vide. Eléonore atterrit avec souplesse et se redressa après une roulade. Sans se faire remarquer par les combattants, elle se dirigea à vive allure vers sa cible.

            Arrivée près du monstre de métal, la jeune femme s'agenouilla près de cadavres. Elle observa son adversaire pour y trouver une faille. Pourtant, son armure ne comportait pas de défauts. Aucune soudure apparente, aucun morceau de chair visible, aucune fente pour y glisser une dague. Niet. Les balles et les lames ricochaient dessus sans y faire une égratignure. Eléonore se décida d'agir lorsque le monstre écrasa une nouvelle personne. Elle se redressa lentement et dégaina ses deux poignards. Elle alluma ses flammes qui recouvrirent ses mains et ses lames. Ses cheveux blonds vénitiens se parèrent aussi d'une couronne de feu. D'un pas félin, elle s'approcha du destructeur.

            L'homme de métal se retourna vers elle, comme s'il avait ressenti la puissance de son nouvel adversaire, ou simplement car tous les autres étaient morts. Pendant un instant, les deux se firent face, sans bouger un muscle. Autour d'eux, le silence était d'or, ou alors, ils n'entendaient plus les cris de douleur et d'agonie. Soudain, le monstre se jeta sur elle, un poing en avant, elle l'esquiva souplement, mais ne vit pas le crochet. Le second poing la percuta en dessous de la poitrine et l'envoya valser quelques mètres plus loin. En grognant, elle se redressa. Cette fois-ci, se fut-elle qui mena la charge.

            Elle courut vers son ennemi, toutes lames dehors. Elle tenta tout d'abord de l'atteindre directement, mais l'étrange être dévia tous ses coups avec facilités. Il ne se rendit cependant pas compte que la jeune femme cherchait simplement une ouverture. D'un geste, elle tendit son bras en direction du bas-ventre de sa cible. Ce dernier, dans un mouvement naturel, baissa son bras. Eléonore en profita pour y prendre appui et d'un salto se retrouva sur les épaules de l'homme de métal. Elle entoura le cou de sa victime de ses jambes et essaya de percer l'armure. En vain. Le cyborg réussit à l'attraper par le cou et à l'envoyer valser une seconde fois. Avec sa force, il brisa la chaine qui retenait l'anneau. Ce dernier tomba au sol derrière la créature. La jeune femme gémit et se redressa avec douleur. Elle commençait à avoir peur, peur pour sa vie. De plus, la fatigue commençait à la submerger, n'ayant pas l'habitude d'utiliser ses flammes aussi longtemps et aussi durement.

            La bête chargea dans sa direction. Eléonore ne trouva pas d'autres issus possibles que de passer entre ses jambes. Malheureusement, elle glissa sur une flaque de sang et ne put se relever avant que l'homme ne lui attrape le mollet. Il l'a souleva du sol pour rapprocher son visage du sien. Le monstre serra si fort que la jeune femme entendit et sentit le craquement de sa jambe. De douleur, elle envoya une énorme quantité de flamme sur ses poignards pour frapper le destructeur. Là où les lames touchaient, le métal rougeoyait. Le monstre fini par l'envoyer valser une nouvelle fois pour échapper à la douleur.

Eléonore s'effondra au sol, la jambe brisée. Elle avait du mal à respirer et quelque chose lui rentrait dans le dos. La jeune femme s'assit tant bien que mal et chercha des doigts ce qui la gênait. Ils se refermèrent sur son anneau. Sa présence la rassura fortement, elle croyait l'avoir perdu. La blonde vénitienne le passa à son index gauche et sans s'en rendre compte, l'enflamma avec ses flammes. Elle essaya de se relever quand la bête de métal s'approcha une nouvelle fois d'elle. Mais la douleur qui la traversait l'en empêcha. La jeune femme chercha du regard son frère, son bras droits, les Vongola, les soldats, n'importe qui qui aurait pu l'aider. Mais ils étaient tous trop loin d'elle, jamais ils ne seraient là à temps. Eléonore pensa à son frère, elle lui avait désobéi et elle allait en mourir. Cette pensée fut un déclic. La jeune femme, hargneuse de vivre, déploya ses flammes comme un bouclier autour d'elle, elle ne voulait pas mourir et c'est ce qu'elle cria à la bête de métal :

-Je ne veux pas mourir !

            La fin du verbe prononcé, le ciel se couvrit. La terre trembla légèrement et une pluie de cendre tomba sur eux. Au loin, un geyser de feu montait jusqu'au ciel, traversant les nuages jusqu'au domaine des dieux. Mais cela ne sembla pas déranger le monstre, qui continua de marcher vers Eléonore. La jeune femme tomba sur ses coudes et essaya de reculer, la sphère de protection ayant disparu. Mais le monstre s'approchait trop vite. Elle le vit lever son bras comme une massue, pour l'écraser. Son oreille entendit un hurlement, celui de son frère qui l'avait vu et reconnu. Pourtant, la jeune femme ne dévia pas le regard de l'emplacement où devrait être ceux de la bête de métal. Elle regarderait la mort en face, fier comme elle était. Elle vit toutefois le bras descendre vers sa tête comme au ralenti. Soudain, à la vitesse de la lumière, une comète frappa la bête de métal.