Les cris se projetaient contre les murs à des vitesses fulgurantes. Je restai abasourdie par ce quartier où il y avait plus de bruits que dans la ville où j'étais. L'état du quartier aussi était spectaculaire.
Les pavés sur lesquels je tentais de marcher sans tomber étaient délabrés. Les pierres n'étaient pas alignées et formaient à certains endroits des crevasses. Mes pieds avaient du mal à tenir le choc contre ce chemin chaotique. Les chausses ressemblant à des ballerines n'étant pas assez solides et confortables pour empêcher ces désagréments.
Je continuai de marcher au milieu des mendiants affamés écroulés sur eux-mêmes. Des femmes, certaines bien vêtues et d'autres débraillées faisaient presque du porte-à-porte pour trouver des hommes. Ceux-ci étaient plutôt rapides à se jeter sur elle entre les ruelles.
Je ne savais toujours pas quelle idée m'avait traversée pour commencer mes recherches par ce quartier. Peut-être parce qu'il semblait inquiétant. Mais, en réalité, il regorgeait surtout de problèmes. Et les problèmes étaient ce que je voulais résoudre.
Il y a quelques jours, j'avais reçu une lettre d'une amie que j'avais aidée ; elle souhaitait que je la rejoigne dans cette ville. D'abord inquiète par ce que les femmes dans mon entourage colportaient, je m'étais tournée vers les hommes pour comprendre que la ville était séparée en deux quartiers bien distincts.
L'Ouest était peuplé de personnes de bonne famille tandis que l'Est restait dans la pauvreté. Entre les deux se trouvaient des usines ouvrières marchant à chaque heure de la journée et de la nuit. L'habitation de mon amie Lauren se trouvait à l'ouest, j'étais nourrie et logée là. En venant la voir, elle me mit rapidement en garde contre le quartier Est. Maintenant, je compris pourquoi l'endroit n'était pas fréquentable pour les personnes de la bourgeoisie.
Tandis que l'on se tournait vers moi à mon passage, je restai la tête haute et droite, alerte à tous les mouvements. Avec ma robe aux couleurs pastel, je déteignais sur le paysage sombre. Au moins, je ne m'étais pas parée d'un chapeau extravagant comme il était exigé quand les femmes sortaient.
Cela faisait quatre années que j'avais atterri dans ce nouveau monde aux apparences victoriennes. C'était ainsi que nos voyages fonctionnaient. Nous nous réveillions dans un nouveau corps aux différentes caractéristiques physiques et dans un Nouveau Monde dont on ne connaissait rien.
J'avais pris la possession d'une fille bourgeoise qui avait malencontreusement perdu ses parents dans le même accident de voiture que leur fille. Les Moires m'avaient donc envoyée dans son corps pour continuer de vivre sa vie tout en changeant le Destin des autres.
Je me débrouillai assez bien concernant cette mission, mais je n'avais toujours pas trouvé mon frère, voyageur entre les mondes, comme moi. Je soupirai en pensant aux quatre années sans aucune de ses nouvelles. Les vieilles femmes semblaient s'amuser de ma solitude, parce que même mon âme-sœur ne s'était pas présenté à moi.
Aider le "héros" de l'histoire, changer son destin, et retrouver son amant, c'était notre mission à chacun des voyageurs. J'espérai réussir ces exploits par n'importe quel moyen.
Pour l'instant, je continuai de marcher sans écouter les sifflements des hommes. Les femmes non plus n'étaient pas tendres en me lançant des piques sûrement dus à la jalousie. Malgré les personnes non amicales autour des habitations que je pouvais trouver ici, je repérai quelques brasseries et autres commerces de proximité.
Ce quartier semblait aussi en plein essor ouvrier. Les ferrailleurs étaient un peu partout dans la rue principale dans laquelle je marchais. Je préférai rester en pleine vue que dans les ruelles sombres entre les bâtisses étroites. Rien de bon ne devait s'y passer dans ces recoins.
La montre à mon poignet indiquait onze heures. Le soleil brillait haut dans le ciel dégagé alors que la terre crasseuse recouvrait le sol. La douce chaleur faisait remonter les relents putrides des déchets qui se trouvaient dans la place. J'avais cru passer plus de temps à découvrir ce quartier, mais si je ne sortais pas d'ici j'allais simplement vomir à cause des odeurs infectes.
J'entendis le claquement de sabots derrière moi, donc je me décalai un peu plus vers la gauche. Avec surprise, la carriole s'arrêta à mes côtés.
« Que faîtes-vous ici ? » demanda une voix qui ne m'était pas familière.
Je me retournai vers celle-ci avec étonnement. Un cheval avec des œillères me fit face. Je levai la tête pour voir le cavalier qui était un policier. Son uniforme de couleur bleu marine révélait qu'il était l'assistant du commissaire.
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Les Changeurs de Destins - Grimvice
FantasíaDes êtres traversent le temps et l'espace pour changer le Destin de certaines personnes. Aider le "héros", changer son destin, et retrouver leur moitié, c'était leur mission. Ambre prend la possession d'une professeure de sciences dans l'époque vict...