Chapitre 02

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     Il était totalement paralysé. Jack avait le regard fixé sur cet homme, incapable de faire le moindre geste. Il savait qu'il ne devait pas rester là, qu'il devait s'enfuir au plus vite mais ses jambes, elles étaient comme du plomb. Une boule se formait dans sa gorge. Il tendit la main vers le policier mais mit trop de temps à trouver quoi dire : l'autre dégaina fébrilement son arme et le mit en joue en poussant des cris aigus. Ses mains tremblaient et ses yeux roulaient comme si ils allaient sortir de leurs orbites lui donnant des airs de pantin désarticulé et ridicule mais Jack ne voyait que le canon pointé dans sa direction.

     « Ce n'est pas moi. C'est un malentendu. S'il vous plaît, croyez-moi ! »

     C'est ce qu'il aurait aimé dire si sa voix ne restait pas coincée, l'abandonnant à son sort...

Déjà, il entendait d'autres voitures qui arrivaient. Elles seraient là d'un instant à l'autre et il sentait qu'il aurait encore moins de chances de s'en sortir... Alors, il mit en pratique la première chose qui lui vint à l'esprit : la fuite.

Il se jeta sur le policier et le bouscula avant que ce dernier n'ait le temps de réagir. Le coup de feu partit immédiatement et lui vrilla les tympans tandis que la balle allait ricocher contre le mur.

Jack bondit dans la rue. Il voyait les gyrophares qui se rapprochaient et, après un court instant d'égarement, s'élança sur le côté opposé.

Sa veste, grande ouverte, battait contre ses côtes, lui donnant de plus en plus l'impression de le frapper à grands coups de marteau, la fermeture-éclair rebondissait sur ses poignets et lui griffait la peau et son T-shirt, complètement détrempé, ralentissait ses mouvements en restant collé à son corps.

Il ne regardait même pas où il allait, fonçant tête baissée dans chaque nouvelle rue qui se présentait à lui. Ses jambes lui brûlaient, il avait l'impression qu'elles allaient s'arracher de son corps d'un instant à l'autre ce qui ne faisait que le pousser à accélérer. Toujours plus.

Au bout d'un moment, il se rendit compte qu'il ne ressentait plus rien. Il traversait un chantier, désert à cette heure, et avait l'impression de flotter au-dessus du sol.

Plus de point-de-côté qui le faisait suffoquer, plus de froid qui le transperçait avec ses épines gelées.

Il sentait bel et bien la pluie, la fatigue et la peur, surtout elle ; plus grande à chaque foulée, mais toutes ces choses étaient loin. Comme une masse floue et uniforme qui glisserait sans bruit dans son sillage...

Il n'entendait plus la police derrière-lui. Elle semblait avoir lâché l'affaire. Peut-être pour attendre des renforts... Peut-être parce qu'ils avaient fini par le perdre de vue...

Jack n'avait aucune idée de laquelle de ces deux hypothèses était juste. Il se laissa tomber contre une grue pour retrouver son souffle comme il le pouvait.

La terre était totalement détrempée et collait à ses paumes. Elle ne tarderait pas à imprégner ses vêtements et à leur donner une teinte sale. Il savait qu'il ne pouvait pas rester là éternellement... De toute façon, le policier avait tout juste aperçu son visage, au pire, ils feraient circuler des portraits-robots approximatifs mais ils n'avaient aucun moyen de savoir son nom ou son adresse. Ils mettraient une éternité à l'obtenir s'ils le voulaient vraiment et la police de cette ville avait toujours fait honneur à sa réputation de l'effort minimum...

Le jeune homme fit le tour du chantier pour trouver la bonne sortie. Il devait bien avouer qu'il était complètement perdu, il ne savait même pas dans quel coin il s'était retrouvé... S'il tentait de se souvenir des moments où il avait bifurqué et de la direction, il devait se trouver quelque-part dans les quartiers au Nord mais rien de bien précis...

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