Chapitre 3

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C'était comme ça tous les jours depuis que j'étais arrivée ici, à Eichen House. Le même infirmier que la première fois se pointait devant ma cellule, probablement à la même heure à chaque fois. Je tentais de lui poser quelques questions, et toujours les mêmes mots sortaient d'entre ses lèvres « Je ne peux rien faire pour toi. J'ai été envoyé pour te donner des cachets. Alors ferme la et prend les sans faire d'histoire ». Je déteste ces trois phrases. Elles me donnent des haut-le-cœur quand je les entends et plus les jours passent, plus je meurs d'envie de défoncer cette vitre pour lui faire manger ces trois médicaments sans nom. Je deviens folle, je perds pied. C'est affolant. Je ne sais pas depuis combien de temps je suis ici, ni même combien de temps il me reste à patienter.

C'est à peine s'ils pensent à nous nourrir, on ne peut pas sortir, on est coincé là, et la meilleure comparaison est celle du lion en cage. Tourner en rond ici est tout ce qu'on peut faire. Ah non, pardonnez mon égarement. On peut crier, alors on crie. J'ai d'ailleurs été étonnée de voir, enfin plutôt d'entendre, que je n'étais pas la seule dans cette aile « isolement ». Je dirai que nous devons facilement être une vingtaine ici, tous séparés par des murs en béton.

Pendant toute la journée, on en entend certains hurler à la mort, on en entend d'autres prononcer des mots ou des chants dans des langues incompréhensibles, certains ont l'air de souffrir, d'autres ont l'air de s'ennuyer. Il y en a aussi quelque uns qui répète sans cesse les mêmes choses, encore une fois, des mots ou des incantations maléfiques, j'ai arrêté de réfléchir sur la signification de tout ce que je pouvais entendre, alors au contraire des autres, je passe mes journées à dormir, à espérer que quelqu'un me sorte de cet endroit effrayant.

Une fois, alors que j'attendais l'infirmier dans le but d'en savoir plus, un homme, probablement de la cellule d'à côté, m'a parlé. J'ai eu du mal à l'entendre, mais après effort, c'était plutôt clair.

« Il ne te dira rien, en fait, lui-même n'a pas les réponses à tes questions. Il craint de venir ici, il a même essayé de se faire muter ailleurs mais personne ne veut d'un infirmier venant d'Eichen House, c'est trop flippant.

A ces mots, j'avoue avoir pensé rêver. Mais non, il m'a lui-même affirmé que « non, tu ne délires pas ». Je ne savais pas qui il était ou d'où il venait, mais il avait l'air d'en savoir assez et je devais lui demander. Mais avant que j'eu le temps de dire quoi que ce soit, il reprit la parole.

- T'es quoi toi comme bête, comme créature ?

- Pardon ? Je ne suis pas une créature ! Répondais-je, surprise.

- Si tu es là, c'est que tu en es une. L'aile d'isolement est réservée aux créatures surnaturelles potentiellement ou complètement dangereuses. Peut-être que tu ne sais juste pas encore ce que tu es.

Même si je savais que les mots prononcés par cet inconnu étaient réels, j'aurais tout donné à cet instant pour que je sois en plein délire. Cette histoire n'avait aucun sens, j'étais normale, j'allais au lycée comme tout le monde, j'avais des amis comme tout le monde, une famille comme tout le monde, j'étais une madame tout le monde, pourquoi faudrait-il que mon petit équilibre parfait soit gâché si soudainement ?

Probablement parce qu'il entendant bien qu'il n'obtenait aucune réponse de ma part, l'inconnu continua alors de parler, de me questionner.

- Qu'est-ce que tu as fait pour arriver ici ? Tu as tué quelqu'un en le touchant ? Tu as des crocs qui ont poussé d'un coup ? Des griffes de dix mètres pour transpercer des n'importe qui ? Tu as fait disjoncter ton lycée en y pensant simplement ?

Et alors qu'il m'énonçait chacun de ces cas, le moment de mon dérapage me revint à l'esprit. Il a continué encore un peu de parler, d'énoncer d'autres possibilités, mais je ne l'écoutais plus, je me concentrais sur mes souvenirs qui refaisaient surface après ces longs jours ou même semaines, je ne savais toujours pas. A croire que c'était mon truc bien à moi, submergée par la panique, je me laissais tomber contre cette vitre immense et trop épaisse pour être brisée.

Teen Witch Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant