Les flammes rongeaient les murs. Partout où mon regard se jetait, des étincelles s'élevaient dans les airs, flamboyantes et destructrices. Tout ce que je voulais, c'était trouver mes parents, et que nous nous en allions loin de cette abomination, la seule chose que j'ignorais, c'était qu'il était déjà trop tard.
Fils unique de deux océanologues, j'ai grandi dans une maison au bord de la mer les dix premières années de ma vie. Je me souviens du calme de notre résidence, de mes deux parents qui semblaient s'aimer, et d'être allé à l'école assidûment durant cette période de ma vie. Je n'avais pas vraiment de famille à part mes parents, du moins, je n'avais connaissance d'aucun oncle, d'aucune tante, d'aucuns grands-parents, mais cela me suffisait : j'avais tout ce dont j'avais besoin. Je crois que je rendais fière ma seule famille, que nous étions heureux ensemble, et je me rappelle avoir souvent pris la mer, quasiment chaque week-end, habitude que j'avais aujourd'hui totalement perdue. Je me souviens aussi qu'à chaque fin de voyage en mer, mes parents m'autorisaient à aller voir mon meilleur ami de l'école primaire, dont j'avais complètement oublié le nom : Mike, Mickaël, Mikey, quelque chose comme ça. En général, je restais manger et jouer chez lui le soir, et je ne rentrais qu'à 23h, il habitait quasiment dans la même rue que moi.
C'était en revenant d'une bonne soirée comme celle-là que j'avais assisté au drame. Je ne savais pas si c'était un mot juste, drame, pour qualifier l'accident. Mais, même si je ne savais pas le qualifier, je connaissais les images par coeur. Elles défilaient sans cesse dans ma tête, elles hantaient mes rêves, elles polluaient mes plus agréables pensées. Il devait être 23h20, j'étais parti en retard de chez Mikey et je savais pertinemment que j'allais me faire crier dessus en rentrant, aussi avais-je osé prier que quelque chose se passe pour éviter les reproches. Aussitôt avais-je tourné à l'angle de ma rue, que je fus frappé par l'odeur âpre qui emplissaient mes narines. Je ne savais pas comment je n'avais pu la sentir dès le début, trop préoccupé par mes pensées, je revenais brusquement à la réalité et levai la tête. Ce que je vis me fit me précipiter vers la source de mon asphyxie : ma maison, ma maison était ravagée par les flammes. Mes jambes se dérobaient sous mon corps, pourtant, je réussis à franchir mon portail et j'eus la vision la plus claire de l'incendie, qui n'épargnait aucun pan de mur, aucune fenête, aucune issue. Je ne savais pas où étaient mes parents, mais je voulais juste les voir sortir, ou arriver, mais indemnes. Les sentir me rassurer. Les sentir me prendre dans leurs bras, ne plus jamais me laisser partir loin d'eux. Ce moment n'arriva jamais. Alors que des sirènes de pompiers retentissaient quand même au loin, le jeune garçon de dix ans que j'étais se précipita vers l'arrière de la maison, où mon pressentiment qu'il y aurait moins de dégâts là-bas se vérifia. Je me souviens de ma gorge désespérément sèche tandis que je hurlais à pleins poumons mes parents. Je me souviens avoir entendu une réponse, un cri, faible, mais à la fenêtre gauche du premier: leur chambre. Je me souviens d'avoir pris une échelle qui traînait dans mon jardin et de m'être hissé jusqu'à là où je croyais avoir entendu répondre. Je me souviens des flammes m'entourant de plus en plus près. Je me souviens de mon tee-shirt Spider-Man en flammes et de ma solitude dans l'océan de feu indolore.
VOUS LISEZ
self-abandoned
General FictionIan, un passé, des cicatrices. Que feriez-vous si vous aviez toujours grandi en sachant que le destin vous échapperait toujours, en sachant que vous ne contrôlez jamais rien ?