"Très bien, Ian. J'imagine que tu sais pourquoi nous sommes là."
Je regardai le visage gras du directeur de l'Institut, Dan Arcker. Tout sur lui était de trop : son nez, son ventre énorme, son postérieur dégoulinant. Il avait la fâcheuse habitude de sourire à tort et à travers, pour annoncer le meilleur comme le pire, transformant chaque parole en jeu malsain.
"Oui, oui. Parler de la lettre et de ce qu'il se passera dans six mois et...
- À vrai dire, mieux que ça. Je peux te proposer un emploi.
-Vous ? Un travail pour moi ?
-Oui. Ici même. Logement, restauration compris...
-Quoi ?"
Rester un prisonnier encore un peu plus ici ? C'était hors de question. Tout sauf ca.
"C'est un sujet délicat Ian. Pour s'intégrer dans la ville, il fait soit avoir bâti un empire, soit en faire partie -en faire vraiment partie je veux dire. C'est très difficile, pour des jeunes comme toi, de trouver quelque chose, de s'inscrire à la faculté et de demander un logement...
-Je préfère subir les pires hontes et la profonde misère plutôt que rester ici. J'ai fait mon temps et je pense que chaque jour était de trop. Si vous ne comprenez pas, alors je ne peux rien faire pour vous. Si vous avez de vrais conseils à me donner et si vous pouvez me dire les seuls pauvres petits droits auxquels je peux prétendre pour m'installer quelque part alors je consens à vous écouter."
Arcker baissa la tête et soupira. Il avait su que ca se finirait comme ça, il l'avait toujours su. Je n'avais rien à ajouter et j'avais été assez clair pour lui. Quand il releva ses petits yeux idiots vers moi, c'était pour me donner un formulaire fraîchement imprimé comprenant des propositions de logement peu chères, quelque fois délabrées, en me confortant si l'idée des diverses aides que je pouvais demander et signer les papiers concernant mon héritage.Quand je revins dans la salle de jeux, je m'assis à une table. J'avais une tonne de paperasse entre les mains, et plusieurs objectifs à atteindre : choisir les logements que je voulais bien visiter, passer un appel aux agences correspondances, et lire les modalités de l'héritage. Et ces dernières étaient hallucinantes. Je savais que mes parents avaient de bons revenus et malgré n'avoir aucun lien familial au delà d'eux, ils avaient eux mêmes été bénéficiaires d'héritages colossaux. Au total, j'avais bien de quoi acheter un petit appartement comme je le voulais... Et Dieu savait ce que je ferai du reste. Je voulais le léguer à l'Institut depuis toujours, afin d'aider les petits que je connaissais, qui s'y trouvaient et s'y trouveraient pendant quelques temps. C'était vraiment ce que je voulais. Et la somme était plutôt belle. Si je ne le donnais pas, je pourrais vivre aisément sans travailler pendant quelques années et sans me priver. Mais ca n'avait pas de sens, ca n'était pas pour moi. Je ne voulais pas vivre privé, mais je ne voulais pas connaître l'opulence. Ça n'était pas fait pour moi. Devenir ce que je détestais le plus au monde ?
Je voulais répondre à cette question avec défi, mais c'était au-dessus de mes forces. J'étais déjà ce que je détestais le plus au monde.J'avais appelé pour trois logements. Mon choix se portait résolument sur des appartements entre vingt et trente mètre carrés déjà meublés, a l'air à peu près correct. Au moins, décent. Le grand luxe de la vie en solitaire sûrement. Tout cela allait radicalement trancher avec ce que je connaissais. J'avais des rendez vous pour l'après midi meme. Autour de moi, quelque gars jouaient au baby foot tandis que d'autres regardaient un film avec quelque filles. Il n'y avait pas trop de monde, beaucoup étaient allés au lycée pour les révisions facultatives du jour. J'avais encore un appartement à demander, aussi saisis-je le combiné à ma gauche.
"Allo?
-Oui bonjour, Ian Wilson à l'appareil. C'est pour votre appartement en résidence rue St...
-Wilson? Ian?
-Euh, oui, comme je viens de vous le dire. J'ai besoin de l'épeler peut être pour que vous me rappeliez ?
-Non ! Non ! Excusez moi, d'où appelez vous ?
-Euh..."
Je n'allais pas dire là où j'étais, question de fierté. Et mon interlocutrice était beaucoup trop étrange.
"Le Starbucks central à Wellington, bien sûr. Pourquoi ?
- Ian Wilson, le fils de Henry Wilson Et Katie Harley Wilson ? "
Mes oreilles se mirent à bourdonner. Cela faisait tellement d'années que je n'avais pas entendu ces noms à haute voix, les noms de mes parents.
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self-abandoned
General FictionIan, un passé, des cicatrices. Que feriez-vous si vous aviez toujours grandi en sachant que le destin vous échapperait toujours, en sachant que vous ne contrôlez jamais rien ?