chapitre cinq

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Théo et moi étions partis depuis deux heures en ville, Rose avait insisté pour rester au pensionnat et honnêtement, elle m'avait fait comprendre qu'elle ne voulait plus me voir. Elle avait juste prononcé quelques mots, puis cette question " A quoi ça sert de toute façon?" pour que je comprenne où elle voulait en venir. J'accusais le coup. J'avais connu connu bien pire.
"Tu ne me cacheras pas aussi longtemps que tu crois ton amertume.
-Arrête.
-Tu as moi quand même! Putain les potes avant les putes!"
Je regardais le grand sourire idiot de Théo alors qu'on rentrait dans le cinéma.
"Conjuring 2?
-Conjuring 2 mon pote."
À

Une fois les tickets payés, Théo ne pût s'empêcher d'acheter un cornet de pop-corn. Devant nous, une fois assis, il y avait un groupe de fille. Une fille aux cheveux châtain clairs, attachés sommairement, et aux yeux bleus, si clairs qu'ils se confondaient presque avec les blanc de ses orbites, se retournait souvent dans notre direction. En tout, elles étaient cinq et je la soupçonnais d'être aussi voire plus âgée que moi. Théo mangeait ses pop-corn en commentant le physique de chacune, ce qui me faisait sourire.
"La brune là elle a tête de chaudasse. Viens on va lui parler à la fin?
-Putain mais toi tu iras pas moi qu'est-ce que tu veux que j'en fasse ?
-C'est pas très gentil cette réflexion. La rousse tu veux en faire quelque chose peut-être ?
-Arrête pitié!
-Bon voilà donc ça fait deux pour moi et zéro pour toi. Tu vas te faire chier si elles me font monter chez elles.
-Sérieux?
-Sinon il reste la décolorée, trop artificielle pour moi. J'aime les imperfections.
-Parce que t'en es une putain de grosse surtout.
-Ferme ta grande gueule, Wilson. Alors, laquelle tu prends?
-Aucune.
-Roh, c'est bon, Rose est pas là, on s'en bat les couilles de toute façon. On essaie de les inviter au bar, oui tant mieux, non tant pis. Wellington est plein de jolies filles, on est au mois de juin et même si il fait froid on est sur une île grave cool !
-Pourquoi t'essaies de te convaincre en le disant?
-Arrête arrête arrête. Laisse-moi deviner. La châtain clair là-bas avec les yeux de ouf?
-Quoi?
-Bah c'est elle qui t'attire le plus.
-Qui me repousse le moins, s'il te plaît.
-Roh joues pas avec les mots et avec moi en même temps. Alors? Tu me suis?
-Je te suis."
Le film était le dernier film d'horreur fraîchement sorti dans les salles. Alors que les scènes me faisaient beaucoup plus rire que sursauter, j'étudiais l'assistance qui était parfois vraiment effrayée, mais jamais autant que Théo, qui avait failli s'étouffer avec un pop-corn. Le générique de fin coulait maintenant toujours plus de noms sur l'écran et, en nous dirigeant vers la sortie, nous rejoignîmes lesdites filles. Théo m'expliquait son plan en béton armé selon ses mots, quand j'entendis dans mon dos:
"Bonjour."
Théo leva des yeux écarquillés en haut de ma tête. Je me retournai, souhaitant intimement savoir moi aussi. La grande brune était là, elle faisait ma taille. Et derrière elle, toutes ses potes.
"Vous venez d'où ?"
Théo me faisait rire, il restait planté là, une expression de déception vouée à la non-mise en oeuvre de son plan sans doute.
"On est du Nord de l'Île, improvisai-je, et vous?
-Du Mont Victoria. Vous devez rentrer ce soir du coup..?
-Non, pas spécialement. Enfin, on a champ libre ce week-end.
-Génial ! s'exclama la blonde platine. En gros, j'ai une résidence en hauteur et mes parents sont en week-end alors je fais une soirée. Et du coup, j'aimerais vous inviter parce qu'on est que 20 ou 25 du coup j'ai encore beaucoup de place. Ça vous dit ?"
Un clin d'oeil entre Théo et moi et nous étions concertés.
"Bien sûr."
Il n'était que dix-huit heures passées, alors je proposai tout de même un tour dans une terrasse, dans un bar. Amanda, celle qui faisait sa soirée, nous conduisit jusqu'à celui qui servait les majeurs et les mineurs de la même façon, et en trente seconde, nous étions autour d'une grande table en-dessous d'un parasol vert citron. Tony s'était rapproché de la brune, tandis que moi, j'étais entre Amanda et la fille aux yeux très clairs. Elle s'appelait Emma, et avait 18 ans depuis quelques jours. Elle aussi habitait le mont Victoria, les résidences les plus chères et agréables à vivre de tout Wellington. Elle allait entrer dans une faculté de droit l'an prochain, pour devenir comme son père.
"Et toi, Ian, me demanda-t-elle avec un grand sourire innocent, que font tes parents?
-Mes parents ?
-Ben, oui. Oh, ils sont au chômage? disait-elle comme si c'était le pire qu'il aurait pu leur arriver. Désolée je s...
-Mes parents sont dentistes. Au Nord de l'Île, là où on habite." lui répondit-je avec le plus grand sourire rassurant que je pouvais lui offrir.
Théo me regarda dans le vague, c'était à son tour de parler de ses 'parents'.
"Oh, ma mère est vendeuse dans un magasin de vêtements et mon père en est le responsable."
C'est le mieux qu'il avait pu inventer, ce qui me fit tirer un petit sourire. Les parents de Théo étaient potentiellement toujours en vie, c'était juste qu'il ne les connaissaient pas et ne les connaîtrait pas avant ses 18 ans. Il était né sous X, sa mère devait se promener quelque part avec le souvenir qu'elle avait laissé un enfant derrière elle, et son père avec le souvenir qu'il avait engrossé une femme. Théo avait toujours connu les murs de l'institut, lui avait grandi à la crèche, avait eu sa chambre dans tous les bâtiments et avait vu de nombreux visages passer. Pour une raison étrange du gouvernement, auquel je ne comprenais pas toujours tout, il n'avait jamais été adoptable. Pour ma part, j'étais passé de foyer en foyer entre mes dix et douze ans, mais inéluctablement, je m'échappais toujours de l'emprise de mes tuteurs. Je n'en gardais pourtant pas de si mauvais souvenirs que ça, après tout, c'étaient des personnes normales se démenant pour une cause remarquable, mais je ne voulais pas accepter leur gentillesse, ni leur désir de m'abriter, rien du tout qui venait d'eux en réalité.
Un serveur s'approcha de nous, Amanda lui demanda directement un cendrier. Rares étaient les jeunes qui fumaient, mais elle, elle en faisait partie. Ce n'était pas si étonnant; elle avait beaucoup plus d'argent à disposition que moi qui fumait pourtant déjà. Le serveur fût un peu surpris tout de même, mais nota cette demande sur son calepin avant de nous demander les boissons qu'il devrait nous apporter. Les filles prirent surtout des cocktails, mais Emma demanda plutôt une bière. Je la suivis dans son choix tandis que Théo demandait un mojito.
"Et comment ça se passe dans le Nord de l'Île ?
-Oh, bah, ça se passe... Bien." balbutia Théo.
Décidément, mon meilleur ami compromettait toute notre couverture. A vrai dire, moi non plus je ne savais pas vraiment comme c'était dans le Nord de l'ïle, plutôt, je ne m'en souvenais plus. J'avais dû y aller avec mes parents, qui m'avaient fait beaucoup voyager, mais à quoi bon y penser?
"Et ici? demandai-je tout haut.
-Bah c'est parfait, répondit Amanda en sortant une boîte à cigarettes rose. Tout se passe toujours bien à Wellington. Juste, la tristesse que la mer soit glacée, j'ai vraiment hâte d'être en décembre pour pouvoir nager et bronzer !"
Toutes les filles approuvèrent. Amanda commença à jurer en cherchant désespérément un briquet. Je lui tendis le mien, et elle me regarda avec surprise.
"Tu fumes ?
-Euh, oui, pourquoi?
-C'est surprenant c'est tout. Dans notre groupe, il n'y a que moi qui fume, j'ai l'habitude de ne pas être aidée quand je perds mon feu. Enfin, Emma tire les fins de mes clopes mais bon... T'en veux une peut-être ?
-Je ne refuse rien."
Je pris la cigarette qu'elle me tendait en la remerciant. Elle était toute blanche, d'un bout à l'autre, avec juste le changement de papier utilisé entre le filtre et le tabac. Un point bleu sur le filtre m'avertissait que c'était une convertible au goût menthe, et une logo doré ornait le tout. J'apportais la cigarette à mes lèvres, quand Emma insista pour me l'allumer. Elle me déroba le briquet et l'enclencha, libérant une flamme dorée. Enfin, elle me déposa un bisou inattendu sur ma joue droite. Ses yeux si clairs et si rieurs étaient attachés aux miens.

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