J'aime tuer. J'ai toujours aimé tuer.
Petit enfant, quand mes «amis» regardaient avec curiosité les fourmis défiler dans le jardin, je les écrasais avec passion, méticulosité et extrême violence. Les «mystères de la création» ne suscitaient chez moi aucun intérêt, au contraire des joies infinies de la destruction.
Ecolier, rien ne m'amusait davantage que d'asséner des coups violents sur les nez enlunettés, encouragé par le décret professoral selon lequel « la cour de récréation doit préparer à la jungle de la vie adulte » et que, dès lors, « un peu de sang apprendra aux harcelés de ce monde à survivre !». J'ignore s'il est politiquement correct de l'avouer, mais j'estime que c'est la mansuétude de mademoiselle Nathalie qui fit de moi le psychopathe que je suis aujourd'hui. Vingt ans plus tard, la croisant dans une des rues du village que nous n'avions ni elle ni moi encore quitté, je l'en remerciais à ma façon : en prenant un pied immense à le lui balancer dans sa gueule flétrie de vieille bigote ! Les vengeances les plus tardives sont d'autant plus jouissives quand elles n'ont aucun lieu d'être.
Adolescent, je fis profession du racket, passion du tabassage et hobby des tournantes. J'étais celui que le bourgeois qualifiait, avec une pointe de jalousie, une petite frappe. J'avais, des cheveux gras jusqu'aux pieds santiagués, la gueule parfaite de l'emploi, me préparant pourtant à une vie entière de chômage, allez comprendre.
Au fait, je ne me suis pas encore présenté et ne le ferai qu'en présence de mon avocat (n'ayant pas apprécié le coup de boule que je lui ai porté la semaine dernière, celui-ci refuse dorénavant de me représenter, rappelez-moi de lui fracturer les rotules à l'occasion). Mon nom restera un secret inviolable, contrairement aux nombreuses filles qui ont croisé mon regard. Faute de nom, je vous ai, pour la peine, défini mon caractère : je suis ce que d'aucuns nomment une crapule intégrale, un saligaud, un sale type, ne jetez plus de fleurs, je conchie leur odeur !
Poursuivons la qualification du héros que je ne prétends pas être : adulte, j'acquis mes premières lettres de noblesse, dans la congrégation des raclures, en faisant spécialité de l'énucléation des chats (avec une prédilection à l'ablation de l'oeil des chats domestiques, la jouissance venant tant de l'acte lui-même que de l'idée d'une petite fille qui sanglote jusqu'au sommeil). J'arrivais à commettre mon méfait en trois secondes, sans qu'ils n'aient le temps de me griffer et avec, pour seul arme, un couteau à huitres dont ma mère ne comprit jamais pourquoi je le lui avais demandé en cadeau de mes seize ans. Pourtant, je savais déjà qu'un destin plus glorieux m'attendait. Je n'allais pas me contenter toute de ma vie d'assassinats autant banals que félins.
A l'âge de 24 ans, j'embrasai la carrière d'assassin, avec un enthousiasme qu'aurait apprécié Rocky Marolles si je n'avais, quelques secondes auparavant, fracassé son crâne contre la cuvette de ses toilettes, exposant à l'air un substance gélatineuse que j'identifiai vite comme son cerveau, preuve qu'il en avait un. Il ne m'aurait plus resté qu'à trouver son âme, pareille quête m'eût-elle intéressé.
Admettons-le, ce premier meurtre fut d'une sauvagerie et d'une impropreté qu'aujourd'hui je regrette. L'indélicatesse dont j'avais fait preuve me fallut une peine de 10 ans d'emprisonnement (ramenés à 7 ans pour bonne conduite) que je mis à profit pour parfaire l'art du meurtre.
Durant mes années d'incarcération (les plus belles de ma vie), mon mentor, mon maître, ma balise, fut Didje le Barbare, un homme - un vrai - un tatoué, osés-je le cliché. Notre relation partit pourtant sur un mauvais pied. A mon arrivée dans la cellule que j'allais partager 7 ans avec lui, il me cassa trois doigts, deux dents et un bras. Il appelait cette forme de bienvenue sa « trilogie introductive ». Il me fallut quelques semaines pour saisir toute la finesse de son humour. A ma décharge, avouons que l'application répétée de violents coups de poing en plein visage n'aide pas à la réflexion. Cependant, nous parvînmes à dépasser ce mauvais départ pour développer une amitié virile, mais sincère. Il m'appris tout de l'art du meurtre et en réponse, je lui donnai un droit de visite hebdomadaire de certaines de mes cavités corporelles que la pudeur, s'il m'en restait, m'empêcherait d'évoquer. Je le dis donc : il m'encula souvent et profondément.
A ma sortie de prison, j'avais perdu le peu d'innocence que la vie m'avait donné, mais gagné en certitude d'avoir trouvé une profession d'avenir, de celle qui donne à un père le sentiment que «tu seras un homme, mon fils».
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Traduit de l'américain
FantasyIl y a ce que l'on voit... Puis, ce que l'on pense... Et enfin ce que l'on sait. "Comme un matin ordinaire, j'effectue les gestes, mécaniques. Je laisse couler un peu d'eau chaude dans l'évier ; je trempe mon blaireau dans le fond d'eau pour l'humec...