Je déteste qu'on me dérange tôt le matin. D'où ma réaction, viscérale, irréfléchie, susceptible, si je n'avais eu le réflexe de vite la tempérer, de causer sinon ma perte, du moins celle de quelques parties de mon corps que je chéris plus que tout. Mais je l'avoue, quand la sonnerie logiquement et pléonasmiquement sonna, je jurai, me réveillai (dans cet ordre, le juron étant plus rêvé qu'audible), jetai mon réveil par la fenêtre, m'aperçus que je n'avais jamais eu de réveil et regrettai dans l'instant la perte d'une lampe de chevet que j'avais volée chez ma voisine quelques minutes après l'avoir violée, me grattai le couilles car il y a des traditions qui transcendent l'urgence, me levai avec un empressement tempéré par ma gueule de bois quotidienne, cherchai mon portable dans un bordel que n'aurait pas désavoué Madame Claude, puis tout s'accéléra, je vis sur l'écran qu'un certain Novak avait osé me téléphoner avant 10 heures du matin, appuyai sur la touche verte avec un juron dont j'ai le secret (Connard de mes deux), m'aperçus de mon erreur, toussai maladroitement dans l'espoir que la force de mon jet expectorateur ait eu pour effet d'inverser le sens de rotation de la terre et de me ramener une seconde plus tôt, moment que je choisis pour dire : « Mais, c'est mon cher Novak, que me vaut le plaisir ? ». Il m'aboya de le retrouver dix minutes plus tard à l'autre bout de la ville et si le mot de l'acquiescement ne fait que 3 lettres, il avait déjà raccroché alors que je n'en étais qu'au « o ».
Pourtant, j'aime les réveils acidulés et longs. J'aime l'odeur du café passionnément torréfié, le journal qui se déplie avec ce petit bruit particulier qui annonce des nouvelles fraîches, l'orange pressée, le bol de céréales, le soleil qui s'invite à ma table, les cils qui se décollent lentement et l'impression de nouveauté quand les doigts se frottent les uns aux autres pour la première fois depuis quelques heures. Novak, celui qu'on appelle le Monténegrin coprophage (un jour je devrais vérifier ce que signifie « Monténegrin ») en avait décidé autrement. Je n'aurai même pas le temps d'une douche réparatrice, au diable aujourd'hui l'odeur délicate du savon parfumé à la lavande, Novak me convoque et si je n'obéis pas, mes regrets dureront le temps de l'éternité.
Je m'autorise néanmoins un plaisir : j'ouvre lentement mes rideaux pour laisser les rayons du soleil zébrer délicatement mes tablettes de chocolat. J'imagine un instant être Richard Gere et c'est la chanteuse Blondie et non un Monténégrin coprophage qui vient de m'appeler.
Que voulez-vous, on peut être sociopathe et apprécier les choses simples de la vie.
VOUS LISEZ
Traduit de l'américain
FantasyIl y a ce que l'on voit... Puis, ce que l'on pense... Et enfin ce que l'on sait. "Comme un matin ordinaire, j'effectue les gestes, mécaniques. Je laisse couler un peu d'eau chaude dans l'évier ; je trempe mon blaireau dans le fond d'eau pour l'humec...