Le lendemain lorsqu'il arriva au travail, il était épuisé. Il ne se rappelait plus trop ses songes mais c'étaient des cauchemars qui avaient perturbé son sommeil. Il se rappelait juste des bribes à son réveil. La femme du rêve du déviant si étrange de la veille. Il n'avait pas agit avec intelligence. Maintenant, il s'en voulait. Si ses supérieurs venaient à découvrir son choix si peu judicieux.
À peine eut-il formulé cette pensée qu'il sentit une sueur froide lui descendre dans le dos. C'était un imbécile, bien sûr qu'ils le sauraient. C'était leur métier et ils le faisaient aussi bien que lui jusque là. Il avait l'impression que cela se voyait sur son visage de manière évidente. Il regarda à droite puis à gauche. Ses collègues étaient visibles sur des dizaines de mètres, affairés déjà sur les premiers rêves de la journée. Personne ne faisait comme lui, regarder les autres. Il frissonna et se retourna vite, commandant son premier rêve.
Il eût du mal au début, puis petit à petit, il retrouva la simplicité de son travail et, passé cette première heure laborieuse, il enchaîna les contrôles. Enfin la cloche donnant la pause sonna. Il se mit en file pour sortir de la pièce quand son nom résonna soudain dans le haut parleur. Le superviseur Friedrich voulait le voir dans son bureau. Il faillit défaillir mais se rendit prestement à la loge.
Il entra, espérant pas sa rapidité masquer la peur qui coulait dans ses veine. Le superviseur l'attendait à son bureau stoïque. Un petit homme blond au regard suspicieux.
- Bonjour superviseur, lui dit Charles espérant être suffisamment ferme malgré la terreur qui le prenait aux entrailles.
Le superviseur ne répondit pas et tapa quelque chose sur son clavier. Puis il regarda sa feuille.
- Vous semblez malade ce matin Charles. Il fit une pause. Vos statistiques montrent une baisse de productivité notable.
Charles ne bougea pas, ni ne s'autorisa à respirer. Il pensa que l'homme savait. C'était évident.
- Saviez-vous que les rêves qualifiés déviants passaient systématiquement devant un autre contrôleur ?
Charles blêmit un peu plus. il l'ignorait. Il secoua doucement la tête de gauche à droite. En son for intérieur, il luttait difficilement contre la panique. C'était le rêve de la veille, quelqu'un avait donc vu avant lui ce rêve. Il avait été dénoncé.
- Vous savez, Charles, vous faites partie de nos meilleurs éléments. Très forte productivité, classement et comptes rendus de grande qualité. Alors quand ce matin, je vois une baisse de presque 10% d'efficacité et un rêve potentiellement déviant classé dans "fantasme" je me suis inquiété naturellement. C'est mon travail. Vous êtes malade ?
- J'ai en effet très mal dormis superviseur, sans que j'en connaisse la cause, bafouilla Charles. La grippe peut-être, mentit-il. Tout en disant cela, il chercha dans ses souvenirs du matin quel rêve avait-il classé "fantasme"... Plusieurs lui semblait-il.
- Oui, c'est vrai qu'il y a une méchante épidémie en ce moment, répondit le superviseur. Rentrez chez vous vous reposer, ce serait mieux.
- Si je puis me permettre monsieur, mon travail est important et je préfère le faire malgré mon état. J'essayerai de ne pas recommettre mon erreur de ce matin...
- Vous n'en avez pas commis Charles. J'ai contrôlé moi-même le rêve. Vous aviez raison, c'était un faux positif.
***
Revenu à son poste après avoir contemplé son assiette sans manger, Charles sentit enfin la pression retomber... Il s'était fait des aigreurs pour rien. Il souffla profondément et regarda autour de lui. Les autres avaient repris le travail simplement.
Il était sur le point d'appeler un nouveau tube, lorsqu'une pensée le saisie. Le rêveur de la veille, il devait vérifier... Mais s'il éveillait des soupçons... Il secoua la tête. C'était son métier. Il rappela les rêves du déviant, son code étant resté imprimé dans sa mémoire. Un tube simple arriva immédiatement. Il l'insèra dans le lecteur et posa l'oeil sur la lunette.
C'était le même rêve que la veille. Charles ne comprit pas. C'était anormal que le rêveur fasse un rêve qu'il avait effacé lui-même... Le rêve continua, puis il perçu une nuance. Cette fois, le rêveur ne perdit pas de vue sa famille... Charles comprit. C'était un souvenir... Il décolla son oeil et essuya la sueur de son front. Puis il retourna à sa lecture.
L'enfant prit une balle et le rêveur hurla. Le corps du petit tomba au sol où le rêveur se précipita pour le saisir pleurant pour un miracle. Un miracle qui ne vint pas.
Charles avait le doigt sur la touche de signalement. Mais il n'arrivait pas à appuyer. Des larmes coulèrent le long de ses joues. Il n'arrivait pas à le faire. Il savait que c'était mal... Luttant de toutes ses forces, presque en hurlant, il appuya sur cette touche maudite.
Clic.
Lentement, le souffle court, il se leva. Il savait que tous les regards étaient sur lui. Il inspira profondément, se leva et partit. Il devait rentrer chez lui, le poids de ce qu'il savait être une erreur sur ses épaules.
***
Cette nuit là il se réveilla en sueur. En hurlant. Pendant une seconde il se rappela son rêve. La femme. L'enfant.
Il entendit les pas précipités dans les escaliers. Le bruits des bottes frappant le béton. C'était la police des libertés.
Il comprit alors qu'ils venaient pour lui. C'était lui le rêveur, lui le déviant. Sa femme. Son fils. Il avait été reconditionné dans un camp sut-il dans l'instant. Ce souvenir effacé mais présent... Ils avaient échoué.
Il s'était dénoncé lui-même...
La république lui avait prit même cela.
Il eut peur de demain.
Il eut peur.
Peur de lui.
Le leader.
[1969 mots]
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Le Rêveur De Rêves
Cerita PendekUn homme, fidèle au Leader de son pays, ausculte jour après jour les rêves des gens, les classe et les détruit. Jusqu'au jour où l'un d'eux va l'obliger à faire un choix.