Trahison (Partie 2)

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***

De nouveau attablés à un café, serrés les uns contre les autres autour de la petite table en formica bleue dans un pub parisien.

Dehors, c'est le déluge, rien que faire trois mètres suffit pour être trempé jusqu'à la moelle. Nul passant dans la petite rue de traverse, une seule voiture, à peine visible à travers l'eau.

- On a qu'à garder cette bagnole, hasarda Sim, on n'a pas eu de problèmes jusqu'ici.

J'acquiesçai, Ezra aussi. J'avais compté sur ce fait, trop de pluie, pas de voiture, personne à voler, trop loin du Sacré Cœur pour y aller à pied et ce n'était pas la peine de prendre les transports en commun quand votre portrait est placardé sur chaque écran du pays.

Bien sûr, j'avais veillé à me faire flasher à trois reprises lors de la dernière centaine de kilomètres, histoire de bien se faire repérer. La dernière fois, c'était à une dizaines de kilomètres vers le sud.

J'avalai ma dernière gorgée de café et remontai les lunettes sur mon nez.

- Je propose de nous séparer. Vous deux, vous gardez le 4x4 et moi je prends la bagnole grise là-bas. On aura qu'à se suivre.

- Bonne idée, affirma Ezra en se levant.

Sim alla payer pendant que je sortais ouvrir ma nouvelle voiture. Un modèle récent à en croire la serrure vocale. J'enroulai un pan de mon manteau autour de mes doigts et donnai un coup dans la vitre de devant qui se craquela à l'impact. Je dû recommencer deux fois ce manège pour venir à bout du verre. Après quoi, je passai mon bras à l'intérieur de l'habitacle et actionnai la poignée.

Ceci fait, je courus au 4x4 prendre mon propre sac et celui des armes et fis demi-tour sans que Sim s'aperçoive de la disparition de son précieux butin.

- Shad' ! On y va, tu nous suis ?

- Ouais, criai-je.

Je m'assis et démarrai, sans aucune intention de suivre les deux garçons. Quand ils me dépassèrent, je les suivis pendant quelques kilomètres jusque dans le centre où des embouteillages ralentissaient considérablement la circulation. Je profitai des voitures qui s'étaient faufilées entre nous pour tourner à droite et semer Sim et Ezra sans qu'ils s'en aperçoivent.

Une éclaircie se profila bientôt. Je m'arrêtai sur un parking étroit et fouillai méthodiquement dans mon sac. J'en sortis le smartphone et les deux talkiewalkies que j'ouvris, à la recherche des mouchards. Là, dans la batterie des talkies, un petit rond de ferraille, minuscule. Je les retirai méticuleusement et les jetai dans le caniveau avant de m'attaquer au portable. Aucune trace de ce foutu traceur...

Bon. Aucune autre possibilité.

A contrecœur, je jetai le téléphone dans une poubelle et sans me laisser le temps de regretter, je repartis. Droit vers le Sacré-Cœur.

***

Je me garai, soulagée d'avoir pu m'échapper enfin des bouchons, en face de l'immense dôme immaculé de la basilique.

Son immensité me laissa pantoise, elle dominait la ville de toute sa hauteur, de ses arcades, de ses trois coupoles, de sa pierre pure... Dire qu'elle avait survécu au grand nettoyage des années 2020, au su de son entourage. Des buildings de verre et d'acier, plus hauts mais si faibles.

On ne voyait que lui, le Sacré-Cœur, bordé de son épaisse pelouse perlée de pluie. Il rayonnait élégamment de l'aura rosée du couchant, puissance silencieuse. Il était presque huit heures.

Orion - Les Lunes Jumelles |TERMINEE|Où les histoires vivent. Découvrez maintenant