Une impression de déjà-vu

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Bip...bip...bip...

Un plafond blanc. Ce fut la première chose que je vis en ouvrant les yeux. Pas un blanc stérile, agressif aux yeux. Un blanc doux, cassé, lumineux. Agréable. Oui, agréable, c'est le mot. Je fixai ce blanc agréable, la torpeur rassurante d'une journée radieuse embrumant mes pensées. Un instant, je savourai le soleil matinal qui caressait ma peau de ses doigts frais, l'oiseau qui chantait au loin, insensible aux cris des enfants. Il y avait aussi, me semblait-il, le bruit étouffé de la circulation.

Je me redressai lentement pour découvrir un bureau couvert de bric à braque juste en face de moi. Un placard vide se dressait humblement à côté d'un miroir à pieds à ma gauche. Quatre murs blancs traçaient les limites de la petite chambre, seulement percés d'une porte et d'une fenêtre ensoleillée. Il y flottait un calme irréel et pourtant, j'avais l'impression d'une explosion. De couleurs, d'odeurs, de sensations.

Où étais-je ?

Cette pièce... Ma chambre ? Non. Je m'en souviendrais. Enfin, je crois, c'est dans la nature humaine de reconnaître les choses. N'est-ce pas ? Allez, fais un effort, souviens-toi... Où es-tu ?... Aucune idée. Rien. Le néant. Je ne connaissais pas cet endroit.

Comment avais-je atterrit ici dans ce cas ?

Perturbée, je me levai avec l'impression tenace et non moins étrange que je marchais, bougeai, pour la première fois. Que je vivais mes premiers instants. Je clignai doucement des yeux, comme pour me réveiller d'un rêve dérangeant. Pourtant, tout ceci semblait... réel. Je caressai distraitement le couvre-lit en laine du bout des doigts. La sensation râpeuse mais néanmoins agréable du tissu me semblait étrangère et familière en même temps.

Je balayai de nouveau l'endroit des yeux, cherchant quelque familiarité, croisai mon regard dans le miroir. Un beau regard je trouve, pénétrant. Bleu ? Gris acier ? Opalescent ? Sans me lâcher des yeux, je m'approchai en comptant mes pas jusqu'à poser mes paumes sur la surface lisse.

Elle me reflétait impitoyablement l'image d'une fille menue si ce n'est maigre à la peau pâle, presque translucide. Ses yeux en amandes étaient plantés au-dessus de ses pommettes bien dessinées cernées de longues boucles noires. Sa tête ébouriffée arrivait à peine à hauteur du miroir.

Je ne reconnaissais pas cette fille, ses cheveux, ses lèvres. Qui étais-ce ? Je reculai une main tremblante comme brûlée. Moi. Un miroir reflétait le spectateur impuissant. Mais... Pourquoi je ne me souvenais pas de moi ?! J'agrippai les montants du miroir comme pour me retenir de défaillir. Un tourbillon insidieux menaçait de m'emporter.

Comment tu t'appelles ? Quel âge as-tu ? Qui es-tu ? chuchotait-il sournoisement.

Je ne sais pas... Pas de réponse. Je n'avais pas de réponse ! Il y avait trop de questions... Pas assez de réponses.

Je reculai précipitamment, trébuchai contre l'armoire, m'étalai par terre, continuai à fuir, à me fuir, jusqu'à me retrouver acculée à un mur. Au littéral comme au figuré. Immobile, j'écoutai les battements affolés de mon cœur. Je semblais avoir oublié qui j'étais, d'où je venais et pourquoi j'étais là.

Respire. Allez, lentement, respire. Inspire... Expire.

Un semblant de calme m'envahit et je pris le risque de parler. Parler... quelle étrange chose, un mélange de grognements et de sons articulés, parfois agréable, ou au contraire déplaisant. Ou encore rassurant... Et, croyez-moi, mes premières paroles ne furent ni rassurantes, ni agréables. C'était une voix rauque et faible qui s'échappa de mes lèvres pour me donner un dérisoire espoir.

Orion - Les Lunes Jumelles |TERMINEE|Où les histoires vivent. Découvrez maintenant