Le néant total. Rien, pas un son, pas une lumière. Mon esprit engourdi divaguait. Quelque chose s'agita devant mes yeux clos. Un rêve? Non, réveille-toi! Pas de rêves, je ne veux plus. L'image apparaissait à mesure que je la chassais, têtue, sournoise. Maman? C'est toi? Non, tu le sais, et tu sais ce qui va se passer après. Ma mère me sourit, de ce sourire flou et appaisant qu'ont les songes qui se muent en cauchemards. Elle avança sa main vers moi, tendre et dévouée, avant de s'effondrer, les yeux révulsés, prise d'une rupture d'anévrisme. Mes oreillent bourdonnèrent et, paniquée, je hurlai.
Mon cri transpersa le vide, mon conscient s'en retrouva renforcé et je passai du coma au someil, sentant des larmes invisibles rouler sur mes joues. J'avais juré de ne plus jamais pleurer depuis ce jour. Ce jour où ma mère... disparut. Je me disais que rien ne devait être pire et que ce serait l'insulter de me mettre à mouiller mes yeux pour des broutilles. J'étais alors devenue trop raisonnable, pratiquement insensible. Jamais amoureuse. Très peu d'amis. Cela ne m'avais pas dérangé plus que ça d'être séparée de mon père à la gare. Je savais que de toutes les manières j'allais le retrouver un jour ou l'autre. Il suffirait d'aller à l'accueil demander à le joindre, le prévenir que tout allait bien et que je l'attendrait à la gare. Mais au fait, pourquoi est-ce que je ne l'avais pas fait?
Je ne me rappelai du contrôleur qu'à ce moment là. Tout me revint progressivement en mémoire, le train, le saut, la fuite, et la chute surtout, qui résonna dans mon crâne comme une alerte. Une alerte qui m'ordonnait de me réveiller afin de découvrir la vérité. Je tentai de soulever les paupières mais un voile noir épais me les clouait irrémédiablement. Je me débattais violemment et fini par ouvrit les yeux, réveillée par mon propre hurlement.
_ Chut, arrête, tout va bien ne 'inquiète pas.. Arrête de crier, c'est fini maintenant.
Cette voix... Mon sang se glaça dans mes veines. Ce n'était vraiment pas le moment. Je me recroquevillai sur moi-même et mon dos rencontra un mur glacial. Je fourai ma tête entre mes bras, je ne voulais pas le voir. Je l'avais tué. En théorie. Le fait qu'il soit vivant n'y changeait rien. Je me rappelais très bien sa chair pénétrant le sol, la roche l'entourant de ses bras gris et robuste, l'avalant tout entier. Impossible. Tout simplement impossible. Et si... Et si tout cela n'était qu'un rêve? Mais, idiote que je suis, j'étais toujours chez moi, dans mon lit, il n'y avait pas d'autre explication.
Je ris, enivrée de ma stupidité. Et je commis l'erreur de lever les yeux.
Julien était là, bien réel, penché sur moi. Malgré cela, je continuai à rire, je ne contrôlais plus rien, mes émotions étaient totalement bousculées, dérangées, pas à leur place. Il me mit debout. Je me laissais faire, comme un pantin saoul. Il avait vraiment l'air inquiet. Mais de quoi? Je ris, il devrait croire que j'allais bien, non? Avait-il peur de moi? Ou plutôt pour moi? Cette dernière pensée agit dans mes veines comme une véritable décharge électrique. Je retombai par terre, inerte, les yeux dans le vague. Il tenta de m'effleurer l'épaule ; je me dégageai brutalement.
_ Mais voyons, tu veux bien arrêter? Tu sais très bien que je ne te ferais pas de mal... Hé, regarde moi.
J'obtempérai. Ses yeux...
_ Tu me reconnais, maintenant? chuchota-t-il.
Bien sûr. Je l'avais reconnu dès le premier regard. Mais le souvenir où il se trouvait semblait cadenacé dans mon esprit. Il fallait que je trouve la clef.
Je retraçai toute ma vie, mais il n'apparaissait nulle part. Ni dans les camarades, ni dans les voisins, ni même dans les baby-sitters. Rien. Je tentais alors de retourner... avant ma naissance. Je ne savais pas pourquoi j'avais eu cette idée, mas je le regrettai aussitôt : un éclair aveuglant transpersa mon esprit, provoquant chez moi une douleur atroce, mais tellement brève que je mis du temps à m'appercevoir de son intensité. En réponse à Julien, je secouai violemment la tête, navrée de ne pouvoir lui dire oui.
Il me sourit, me pris la main, me tira d'un geste brusque mais bienveillant et m'entraîna dehors. Il faisait nuit. Depuis longtemps. Le ciel d'un noir d'encre était criblé d'étoiles. La lune, ronde et pâle, jetait sur les environs sa clareté mélancolique et nous fixait de son regard protecteur. Je me sentais bien. Trop bien. J'avais l'impression d'avoir pris une double dose de morphine...
_ Avoue, lanca Julien au milieu du silence, tu n'as aucune idée de ce que tu fous là.
_ Parce que c'est toi qui m'y as amené?
_ Non. Tu ne sais vraiment pas?
Il y eu un silence agacé de ma part.
_Et toi? Tu sais?
Il rit, encore. Il avait un rire d'enfant, un peu moqueur mais toujours innocent.
_Bien sûr que oui! Mais ce serait moins marrant que si tu devinais.
Je n'avais même plus la force de m'énerver contre lui. Mes membres engourdis ployaient peu a peu sous la fatigue. Je voulu m'asseoir sur une pierre mais je tombais plus bas que prévu. Le rocher qui auait dû me servir de siège semblait avoir disparu tandis qu'une matière lourde et opaque m'enveloppait les jambes, les hanches bientôt, puis les bras. Je me débattis mais rien n'y faisait. Je cédai rapidement à la panique et avant que ma tête ne fusse elle aussi avalée, Julien m'extirpa par le col avec autant d'amusement que s'il venait de sortir un chaton d'un bain d'eau froide.
_ Tu vois ça? C'est pourquoi tu es ici.
Je me retournai : le rocher n'avait pas bougé et rien ne paraissait anormal, mis à part notre discussion. Ma chute n'était probablement qu'une illusion dûe à la fatigue, car aucune trace sur le sol n'indiquait que j'ai pu perdre l'équilibre. Julien me semblait moins sain d'esprits.
_ Nous sommes ce qu'on appelle les Intras, continua-t-il. La vérité est que nous n'avons jamais vraiment eu de nom, mais il fallait bien qu'on puisse se reconnaitre... Tu as lu le Passe Muraille ? C'est un peu le même principe.
Stop. Assez.
_ Bon, heu, c'est pas tout mais je dois y aller, là.
_ Pardon?
_ Oui. Mon père, tu te souviens? Il doit être rentré à cette heure-ci, alors, merci pour m'avoir sorti de l'eau et ciao.
Je n'en revenais pas qu'il ose essayer de me faire croire à des âneries pareilles. C'en était vexant. Alors que je m'éloignais déjà, il me lança :
_ Tu ne me crois pas, hein?
_ Bien sûr que non! T'es cinglé, je suis pas aussi stupide! Un passe-muraille, bien sûr, et moi je suis un vampire à demi loup-garou! Allez, vas te faire soigner et bon courage pour la suite.
Je m'en fichais totalement qu'il se mette en colère. Il aurait été plus prudent de le ménager mais hônnètement je voulais juste rentrer chez moi et il ne me faisait pas peur, bien qu'il fasse au moins deux têtes de plus que moi. Je ne ressentait rien, ne voyais rien, je suivais juste l'objectif que je m'étais fixé. Je ne l'entendis même pas arriver derrière moi. Il m'agrippa le poignet et avant que j'ai eu le temps de hurler, il me propulsa contre un mur de pierre.
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Réciproque
ParanormalAvez-vous déjà entendu parlé des Intras? Non? C'est normal. Ils sont trop discrets. Pas comme ces vampires un peu trop voyants, ou ces loups-garous assez incontrôlables. Vous ne me croyez pas? Demandez à Laura, cette jeune fille de 18 ans au longs c...