Chapitre 4 - partie 2

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En début d'après-midi, l'expédition prit la route qu'elle arpenterait à pied. Se servir de chevaux l'amènerait plus vite jusqu'au plateau mais si elle devait escalader le relief, les montures resteraient seules à la merci des prédateurs. Les chevaux étaient trop précieux pour prendre un tel risque. Les chasseurs iraient donc à la force de leurs jambes.

Le ciel dégagé laissait le loisir à la température de descendre très bas. Les conditions s'annonçaient difficiles mais il vaudrait mieux pour les chasseurs que la neige ne tombe plus le temps pour eux de dépasser la toile d'Olafdo dont Egvel était proche. Le groupe atteindrait les basses montagnes qui la bordaient le lendemain dans la journée. En attendant, la marche fut organisée de telle sorte qu'Elfi et Signe ouvrent la route et qu'Eivind la ferme. Sighild avait elle-même défini les rôles. Il existait deux raisons à ce choix : si une attaque survenait, il serait très probable qu'elle touche en premier lieu le chef de file ou le dernier homme ; et ainsi, Elfi et Eivind seraient séparés durant de longues heures, contraints d'attendre les quelques pauses sur le trajet pour se retrouver l'un l'autre.

Plus Sighild observait Elfi, plus elle en oubliait la vraie raison de ce voyage. Elle ne la quittait pas des yeux, la détaillait, analysait ses moindres faits et gestes pour comprendre ce qui plaisait tant à ses trois compagnons, en particulier à Eivind. La jeune femme considérait le pisteur comme un homme qui l'avait toujours détestée sans savoir qu'elle était la seule responsable de cet état de fait, car il était en continu l'objet de ses railleries et de ses insultes. Sa présence seule suffisait à focaliser l'attention de Sighild sur lui. Ses yeux couleur émeraude la troublaient. Et elle détestait observer un homme pour qui elle ne savait pas quoi ressentir. Soit ils l'attiraient, soit ils la laissaient de marbre. Avec Eivind, les choses étaient différentes mais elle était bien trop fière pour l'entendre.


La région était en majorité déserte à cette époque de l'année. Habitée par les nomades Entury durant la saison douce, les tribus quittaient le pays dès l'arrivée du froid pour suivre la migration des grands troupeaux vers le sud-ouest. Ces peuplades étaient connus pour leur maîtrise particulière de la magie se rapprochant plus de celle des esprits que de celle des mages humains : divination, manipulations psychiques ou enchantements divers.

À Thorov, personne n'avait jamais possédé de pouvoirs avant les grands-parents d'Alrun. Le fait que la mère de Sighild n'ait hérité d'aucune magie, au contraire de sa fille, était la principale raison à la distance entre la femme d'Halfan et sa fille. Par jalousie, Alrun avait toujours délaissé son enfant jusqu'à l'abandonner totalement lorsqu'elle avait pris la tête des chasseurs. C'était le chef du village qui avait éduqué Sighild, seul, sans femme pour le conseiller ni mère pour l'aider. La demoiselle avait pourtant hérité de tous les mauvais côtés de sa génitrice, de sa jalousie à sa rancune et à son égoïsme, sans oublier sa capacité à détester les gens d'un simple regard. Ainsi, Alrun et Sighild étaient-elles respectées dans le village uniquement parce qu'elles étaient l'épouse d'Halfan pour la première et sa fille pour la seconde.

Cette nuit-là, le groupe trouva une grotte pour les accueillir. Un feu fut allumé afin de les protéger du froid et des éventuelles bêtes sauvages. L'endroit, assez étroit, se réchauffa vite mais pas assez au goût de la fille d'Halfan. Au plus il ferait chaud, au plus Elfi serait incommodée.

Sighild avait proposé de prendre le premier tour de garde. Les hommes avaient accepté, appréciant de pouvoir se reposer un peu après un si long trajet. Chacun se mit à son aise, drapé dans sa cape, et profita de la quiétude ambiante pour s'endormir avec hâte. Après seulement quelques minutes, Thorkil et Vilfrid avaient sombré. Eivind voulut attirer Elfi vers lui mais la jeune femme déclina.

Livre 1 - SighildOù les histoires vivent. Découvrez maintenant