Chapitre 4 - partie 4

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Les troncs transparents des arbres brillaient même sous un ciel couvert et bien que la neige commence à les recouvrir. Le groupe entendait les arbres craquer sous son poids, comme s'ils s'apprêtaient à rompre. Le regard levé vers l'immense toile, chacun guettait le moindre signe de fissure.

Avant de pouvoir atteindre les parois, les voyageurs devaient faire un bout de chemin dans la Toile. Pas longtemps, juste quelques minutes qui s'éternisèrent avec cette épée de Damoclès suspendue sur leur tête.

À leur droite, une branche fragile céda dans un bruit sourd faisant sursauter tout le monde. Telle une lame brillante, le morceau d'arbre se ficha dans la terre à la verticale, empalant au passage une grosse araignée noire au dos vert.

— Nous allons grimper ici, annonça Signe. Les araignées Saamo attaquent facilement tout ce qui n'a pas de poils.

Discrètement, Sighild se cacha un peu plus sous sa tête de loup. Elle avait horreur des araignées, surtout des grosses et encore plus des grosses et venimeuses.

Suivant le guide, la femme escalada les premiers rochers... glissants. Elle rata sa première prise et s'entailla légèrement la main malgré la protection de son gant. Eivind la lui attrapa pour l'examiner mais Sighild la ramena vers elle d'un geste vif. Elle le foudroya du regard sans pour autant faire la moindre remarque.

— Assurez bien vos prises, conseilla-t-elle simplement.

Elle se retourna vers la paroi, crocheta ses doigts à des anfractuosités et tira sur ses bras. À chaque mouvement, elle vérifiait sa bonne adhérence et veillait à ce que ni ses pieds ni ses mains ne dérapent. À force de prudence, elle parvint à se hisser au sentier étroit qui longeait le flanc des montagnes à plus de vingt mètres du sol.

Le chemin escarpé ne laissait de place que pour une personne de front. Sighild suivait Signe de près. Derrière elle, Eivind ouvrait le passage à Elfi. Vilfrid fermait la marche derrière Thorkil qui peinait à avancer, tout comme les deux autres guerriers. Leur carrure les handicapait dans leur progression là où Sighild et Elfi passaient bien mais non sans mal. Les sacs qu'ils portaient tous sur le dos étaient également gênants, s'accrochant aux rochers ou frôlant les branches basses. Souvent, les humains devaient avancer à quatre pattes pour passer sous des troncs poussant au-dessus du chemin.

La paroi qu'ils longeaient était irrégulière et les obligeait à se contorsionner, parfois, pour passer. L'équilibre était dur à garder pour eux qui n'avaient aucun appendice stabilisant. Elfi, tout comme Signe, n'avait pas ce souci. Leur longue queue contrebalançait leur poids lorsqu'il le fallait et leur évitait une chute fatale, ce qui n'était pas le cas de Sighild. En voulant éviter un rocher à hauteur de tête, elle se décala légèrement. Le bord du sentier sur lequel elle posa son pied céda soudain et la précipita dans le vide.

Tout se passa vite.

La main d'Eivind attrapa la sienne. Dans son élan, Sighild percuta la paroi de plein fouet et s'entailla le visage au niveau de l'arcade droite et de la lèvre inférieure.

Dans le rang, la panique gagna.

Le pisteur tenait fermement Sighild que le coup avait à moitié assommée. Le poids quasiment mort de la chasseuse entraînait doucement Eivind dans le précipice. Elfi se jeta alors à ses pieds pour le retenir et lui éviter la chute. Thorkil s'avança pour la remplacer, permettant à l'Onçaine de passer par-dessus son amant pour l'aider à remonter la femme. Lorsqu'elle se pencha dans le vide, Elfi surprit le regard que Sighild lançait à Eivind. La colère monta en elle et lui fit froncer les sourcils car les yeux de la chasseuse de Thorov n'étaient pas comme d'habitude remplis de haine mais de douceur, de peur et de trouble. Le genre de regard auquel un homme avait du mal à résister.

Livre 1 - SighildOù les histoires vivent. Découvrez maintenant