Chapitre 5 - partie 1

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Plus de dix jours passèrent avant que le groupe ne voie la fin de cette maudite forêt

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Plus de dix jours passèrent avant que le groupe ne voie la fin de cette maudite forêt. Bien que redoutée, la traversée avait été tranquille même si l'avancée avait été lente. Passer par le flanc des montagnes s'était révélé être le meilleur choix, surtout avec cette neige tombée sans trêve durant quatre jours entiers. Les chasseurs avaient régulièrement assisté à la chute des troncs de cristal et frissonné en s'imaginant dessous. C'était un miracle que la vie se développe même ici.

À présent au pied des montagnes, le groupe pouvait apercevoir la silhouette tourmentée du plateau de Freerik qui s'élevait vers le ciel et disparaissait dans un épais brouillard.

- C'est là-bas que j'ai perdu la trace des singes à tête d'os, rappela Signe. Je sais qu'ils sont au sommet mais je ne sais pas comment ils y accèdent. Grimper est impossible, même pour moi.

- Nous verrons une fois sur place, lui dit Sighild. Profitons des dernières lueurs du jour pour trouver un endroit où passer la nuit.

- De l'autre côté de la rivière se trouve l'ancien repère d'un ours dahard, renseigna l'irbis. Nous y serons à l'abri.

Les compagnons reprirent la route et atteignirent bien vite la petite rivière où une eau d'un beau bleu clair ruisselait sur une glace de plus en plus épaisse. Bientôt, elle gèlerait en totalité. Ils traversèrent par le biais de l'un des nombreux petits ponts qui l'enjambaient et trouvèrent, cachée derrière de gros rochers, la grande entrée de la tanière. Elfi s'avança pour aller l'explorer lorsque le bras solide de Sighild lui barra le passage.

- Reste ici, ordonna cette dernière. C'est moi qui y vais.

- Sans lumière ? s'étonna l'Onçaine. Comme il te plaira. Va donc te faire tuer si cela te chante.

- Je ne te ferai jamais un si beau cadeau, répliqua Sighild. Reste ici à roucouler et laisse faire ceux qui savent.

La chasseuse demanda à Signe de l'accompagner. Bien qu'épuisée, l'once l'accompagna, trop heureuse de pouvoir enfin se mettre à l'abri.

Elles entrèrent toutes deux dans la tanière, un grand boyau qui s'enfonçait en pente douce dans la terre. Sighild, épée à la main, activa le collier magique cerclant le cou de Signe, ce qui prodigua une douce lumière bleutée éclairant à quelques mètres devant elle. Après une centaine de pas, elles arrivèrent au bout du terrier et aperçurent un loup couché sur le sol, visiblement endormi. Sighild s'avança avec prudence, lame en avant. Lorsqu'elle fut à proximité, elle nota le torse immobile de l'animal. La femme posa une main sur le loup : il était mort depuis un moment déjà, certainement de faim à en juger par ses os saillants. Sighild l'attrapa par la nuque et le tira pour l'évacuer. Une odeur de début de décomposition se fit alors sentir. Ce n'était pas la peine de songer à en faire le repas du soir.

- Qu'est-ce que c'est ? demanda Signe.

Sighild se pencha par-dessus le cadavre et remarqua une petite boule de poils. Elle bougea un peu mais ne se leva pas.

- C'est un louveteau. Trois mois, peut-être un peu moins.

Elle s'approcha et l'allongea sur le dos. Il n'avait même pas la force d'ouvrir les yeux. La chasseuse regarda autour d'elle. Il n'y avait pas d'autres petits et aucune trace du père non plus. Il avait dû mourir à la chasse ou devenir le repas d'un plus gros que lui.

- Retournons voir les autres.

Sighild attrapa la louve morte par les pattes arrière et la tira jusqu'à l'extérieur. Elfi sursauta dès qu'elle vit le loup, elle qui en avait peur depuis toujours. Sighild se moqua d'elle en lui disant que l'animal était mort.

- Vilfrid, l'interpella Sighild. Conduis les autres à l'intérieur, allumez un feu et occupez-vous du louveteau. Je vais essayer de trouver quelque chose à manger.

- Un louveteau ? répéta Elfi. Vivant ?

- Pour l'instant.

Traînant l'animal mort derrière elle, elle s'éloigna. La nuit tomberait bientôt, elle devait se dépêcher d'abandonner le corps quelque part et de trouver de la nourriture.


La nuit était tombée depuis quelques dizaines de minutes lorsque Sighild revint enfin, la mine fatiguée. Mais sa patience avait payé ce soir-là car elle rapporta avec elle un renard et un couple de perdrix. Elle donna le goupil à Signe, allongée sur le flanc, et laissa le soin à Vilfrid de préparer les volailles.

- Où est le louveteau ? demanda la fille d'Halfan.

- Ici, répondit Signe, la gueule déjà tachée par le sang de son repas.

La chasseuse s'avança et vit la petite boule de poils accrochée à l'une des mamelles de l'once, en train de se délecter d'un bon lait chaud.

- Tu peux allaiter ? s'étonna Sighild.

- J'ai perdu mon dernier petit le jour où je vous ai rencontrés.

- Je suis désolée pour toi. Mais c'est une chance pour lui.

La femme esquissa un sourire en regardant le petit loup chercher une autre mamelle. Il avait l'âge de manger de la viande mais il n'en avait pas la force. Le lait la lui rendrait bientôt ; Sighild s'occuperait alors de le nourrir.

Elle s'assit à côté de la panthère et caressa le bébé.

- Tu aurais dû le tuer, lui reprocha Elfi. Une fois que nous serons partis, il mourra de faim.

- Cela n'arrivera pas. Nous allons le prendre.

- Hors de question ! se récria l'Onçaine. Je suis désolée pour lui mais il mange de la viande et elle se fait rare. Si nous le prenons, ça en fera moins pour nous. Et au vu du chemin qu'il nous reste à parcourir, ce n'est pas une bonne idée de nous priver.

- J'ai l'impression de m'entendre parler, murmura Sighild.

- Et quel effet cela fait ? demanda l'once sur le même ton.

- C'est énervant. (Elle haussa de nouveau la voix). Je serai la seule à me priver. Maintenant que tu n'as plus rien à redire à ma décision, fais-moi le plaisir de te taire et de manger. On appréciera la paix.

Les oreilles de l'Onçaine se plaquèrent en arrière et ses sourcils se froncèrent.

- Il fait trop chaud pour moi, dit-elle à Eivind. Je vais dormir dehors. Je vous préviendrai si un animal tente de rentrer.

Le pisteur approuva d'un signe de tête, l'embrassa et la laissa partir. Elle passa près de Sighild, la tête haute, mais la chasseuse de Thorov l'ignora avec majesté.

Dès que la viande fut cuite, Thorkil en apporta une part à Sighild contre qui le louveteau s'était endormi. Elle n'avait pas le cœur à l'abandonner à une mort certaine. Elle le prendrait avec elle même si cela signifiait partager. Il avait le droit de vivre tout autant qu'elle.

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L'illustration est la propriété de Myriam Morand et n'est pas libre de droits.


Livre 1 - SighildOù les histoires vivent. Découvrez maintenant