Chapitre 5 - partie 2

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Le louveteau, que Sighild avait simplement nommé « Chance », s'habitua assez bien à sa nouvelle mère. Il se dégourdissait les pattes dans la neige de temps en temps bien que la femme le portait le plus souvent, remplaçant le sac qu'elle avait perdu dans la forêt d'Olafdo.

La fille d'Halfan était attentionnée avec l'animal et chaque fois qu'elle posait son regard sur lui, il était doux et aimant, comme si elle avait trouvé en ce loup le reflet de sa propre vie, de sa propre solitude. Comme si elle était pour lui la chance qu'elle-même n'avait jamais eue d'avoir une personne présente pour lui prendre la main et la faire se relever chaque fois qu'elle était tombée.

Elle aurait aimé avoir un frère aîné mais ça, personne ne le savait. Elle s'était bien gardée de le dire à quiconque car de tels propos auraient pu être interprétés comme un signe de faiblesse de caractère. Défaut inacceptable pour un futur chef.

Le groupe arriva en fin de matinée au pied de la falaise entourant l'est du plateau de Freerik. Comme l'avait annoncé Signe, l'ascension était impossible pour les humains. Les parois étaient bien trop escarpées et les corniches trop étroites, mais les chasseurs comprenaient à présent pourquoi l'irbis appelait l'endroit « le pays où chantent les pierres ». Le vent qui frôlait les rochers et s'insinuait dans les anfractuosités se transformait en une voix sourde qui semblait chanter une mélopée mélancolique.

— C'est étrange que nous n'ayons vu aucun de ces « singes à tête d'os », fit remarquer Thorkil.

— S'il n'y a plus rien à chasser de ce côté-ci, c'est plutôt logique, répondit Vilfrid. Mais s'ils arrivent à atteindre le plateau en étant en plus chargés, c'est qu'ils doivent emprunter un autre chemin.

— Ça paraît logique, intervint Elfi. Peut-être devrions-nous longer la falaise voir si nous ne trouvons pas un passage ?

Sighild se tourna vers Signe :

— Il faudrait que tu grimpes un peu. S'il y a un passage et que personne ne l'a jamais trouvé, c'est qu'il doit être caché, dans un renfoncement peut-être.

L'once approuva d'un signe de tête avant de grimper sur la première corniche. Le groupe suivit sa progression du sol et avança à son rythme.

Une puissante secousse fit soudain trembler la terre. Violente mais brève, elle ne dura pas plus de deux secondes, ce qui suffit à déstabiliser Signe. La panthère, pattes arrière dans le vide, réussit à trouver une prise et à remonter.

— La terre tremble souvent comme ça, ici ? demanda Eivind à Signe.

— Jamais.

Un grognement puissant déchira le silence et glaça le sang des voyageurs. Les yeux remplis de terreur, Elfi leva la tête vers le sommet de la falaise qu'elle ne voyait pas.

— Un Wendigo ! se récria-t-elle.

— J'ai trouvé un passage, annonça Signe. Les singes sont passés par ici il n'y a pas longtemps. Seuls.

— On ne peut pas monter ! protesta l'Onçaine. Si on tombe nez à nez avec le Wendigo, on ne s'en sortira jamais.

— Et que proposes-tu ? demanda Vilfrid.

Elfi ne répondit pas. Elle n'avait pas d'autre idée pour suivre la piste des singes. Monter sur le plateau était leur seule chance de pouvoir les retrouver et découvrir où ils avaient emmené toute la nourriture. Avant qu'elle ait pu lancer une idée, Sighild commença déjà à grimper pour rejoindre l'once.

— Elfi n'a pas tort, lui fit remarquer Thorkil. On ne pourra rien contre le Wendigo.

— Le plateau fait plusieurs dizaines de kilomètres, répondit sa chef en rejoignant Signe. Il sera certainement loin lorsque nous arriverons en haut.

Livre 1 - SighildOù les histoires vivent. Découvrez maintenant