Trois contre tout ?

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  Azaleh marchait tranquillement, lorsque soudain elle sentit un poids sur son épaule. Elle sursauta et se retourna.
  Alchiba se tenait devant elle, le sac de voyage sur le dos et le sourire aux lèvres.
- Je vous accompagne.
  Le ton était sans appel. Il serait impossible de ne serais-ce que tenter de la faire changer d'avis.
  Visiblement, elle trépignait d'impatience.
  De son côté, c'est en effet ce que ressentait Chiba. Elle n'avait jamais quitté son village pour un temps indéterminé auparavant, et cette chance de partir explorer des terres inconnues était inouïe, il fallait la saisir.
  Azaleh haussa les épaules et Deneb qui était revenu sur ses pas se contenta de lancer :
- Très bien ! J'espère que tu as pris de quoi te nourrir toi-même.
  Elle voulut répliquer mais se tut finalement.
  Sans un mot, sur un signal invisible, ils reprirent simultanément la route.

  Ils bavardèrent gaiement durant les premiers kilomètre, mais l'atmosphère de la forêt se fit de plus en plus épaisse et angoissante. Au fur et à mesure qu'ils avançaient, les bruits qu'ils avaient pris l'habitude d'entendre se muèrent en un silence profond.
  Quelques instants encore de marche, et ils n'entendirent plus rien.
  Cette absence de bruit était incroyablement pesante, si bien qu'eux-même n'osaient y mettre fin.
  Alchiba, qui fermait la marche, était aux aguets, et sursautait au moindre bruit, adoptant une position défensive. Elle avançait pas à pas, lentement et le plus silencieusement possible.
  Azaleh quant à elle avait les doigts crispés sur son sac de voyage, si bien que leurs jointures blanchissaient. Elle avait une folle envie de parler, mais les mots restaient bloqués dans sa gorge ; c'est à peine si elle osait respirer.
  Enfin, Deneb tentait de paraître calme et assuré. Il avait pris la tête du groupe et marchait en comptant ses pas. "Une, deux." Il songeait qu'il serait bientôt temps de trouver un abri pour la nuit. "Trois, quatre." Non, il n'avait aucune envie de dormir dans cette endroit. "Dix, onze." Chiba prétendait ne pas avoir touché leur feu. Mais alors qui ? "Cent deux, cent trois." Quel horrible lieu !
  Ils entendirent alors très nettement un bruissement dans un buisson, à une dizaine de mètres de là où ils se trouvaient. Ils se figèrent tandis qu'Azaleh étouffait un cri de surprise. La tension était à son maximum, tous retenaient leur souffle.
  Une seconde fois, le bruit retentit, rompant de nouveau le silence des lieux. Il résonnait de façon inquiétante sur les troncs des arbres immenses.
  Jaillit alors la Chose. Elle ne pouvait être qualifié que par ce terme, ne ressemblant à aucun autre être vivant connu.
  Sa peau était grisâtre. Au centre de son visage strié de rides brillaient deux minuscules billes noires, voilés, aveugles. La Chose ne possédait aucun poil à l'exeption d'une dizaine de cheveux noirs et épais jaillissant de façon éparse sur son crâne dégarni. Elle ne possédait pas de nez, juste une excroissance déformée pourvue de deux fentes qui se soulevaient à un rythme exagérément rapide.
  Il aurait été possible de s'étendre longuement sur la description de la Chose, et de son écoeurante apparence, malgré le fait qu'elle fut de constitution extrêmement simple. Humanoïde, grossière, laide, effroyable.
  Elle sauta sur Deneb, toutes griffes dehors.
  Ce dernier se débattit tant qu'il le pût, hurlant et suppliant qu'on lui vienne en aide.
  Alchiba accourut, son poignard en main. Elle tenta de dégager la Chose, qui s'agrippait encore aux jambes de leur compagnon. Chose qui commença sans attendre à attaquer son repas. Elle mordit à pleines dents le mollet du jeune homme, et y arracha un lambeau de chair, ce qui décrocha à la malheureuse victime un cri d'agonie.
  Alchiba fut prise d'une colère sans nom. D'un geste sec et précis, elle lança son arme qui se ficha entre les deux yeux de la Chose, cette dernière ne tardant pas à s'écrouler au le sol, morte.
  Azaleh quant à elle n'avait pas bougé, complètement pétrifiée. Elle se sentait tout simplement incapable de porter secours à ses camarades. Figée de terreur, ses yeux ne pouvaient supporter plus d'images horribles. Le sang de Deneb s'écoulant abondamment eut pour effet de la faire trembler.
  Elle se maudissait de sa lâcheté, mais ne pouvait lui venir en aide. C'était trop pour elle. Mais pourquoi donc faisait-elle tout cela ? Dans quoi s'était-elle engagée ?
  Elle prenait pour la première fois conscience qu'ils étaient seuls.
  Trois contre tout.
- Azaleh ! Mais que fais-tu donc bon sang ?! Viens m'aider !
  Les yeux de Chiba s'écarquillèrent. Elle eut l'air encore plus paniquée.
- Son... Son cœur ne bat plus !

HelazaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant