Bonheur trompeur

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Ce one-shot est comme toujours dramatique mais traitera d'amour aussi, bonne lecture !


Une goutte tomba au sol, puis une deuxième, une troisième, et cela continua jusqu'à ce que le ciel noir crache toute l'eau dont il était gorgé. Sous cette pluie battante, les passants se pressaient, se hâtaient, slalomant entre les flaques d'eau formant rapidement des tâches d'eau sombres sur le sol bosselé et craquelé de la rue. Parmi tout ce monde, une seule personne ne semblait pas s'inquiéter du mauvais temps. Il laissait l'eau imbiber ses cheveux et ruisseler sur son visage, tremper ses vêtements et engourdir ses membres de par sa froideur. Il n'en avait que faire de ses tremblements, de ses chaussures devenues subitement des éponges. Il patientait, calmement, tranquillement, assit sur les barrières de sécurité qui longeaient la route se trouvant dos à lui. Ce n'était pas la première fois que cette situation arrivait. Qu'il pleuve, qu'il vente ou qu'il neige, il attendait devant ce petit café, du coin de la rue, l'heure de fermeture, dans le vain espoir de le voir lui. Lui, ce garçon dont il était tombé amoureux il y a cinq ans de ça.


C'était une journée ensoleillée et comme chaque matin, il se trouvait être en retard pour aller à la FAC, et ce malgré le fait que cette dernière ne se trouvait qu'à une dizaine de minutes de son petit appartement. C'était la même chose chaque jour. Il se réveillait pourtant à l'heure, mais flemmardait tellement qu'il se retrouvait être pris de court par le temps. Et c'est durant sa course effrénée pour tenter de se rattraper, qu'il se jurait que le lendemain il serait en avance... Mais ce matin-là fut très légèrement différent des autres. Tellement absorbé par son portable dans sa course, il avait fini par bousculer assez violemment quelqu'un, le faisant tomber au sol dans un bruit sourd. Pestant contre lui-même et s'excusant une bonne centaine de fois à la seconde, il aida le garçon au sol à se relever, devant le regard ignorant et agacé des passants. Mine de rien, ils prenaient de la place sur le trottoir ! Lorsque les deux jeunes hommes furent de nouveau bien stables sur leurs guiboles, le plus petit des deux épousseta son jean et s'excusa à son tour de sa maladresse, tant dit que l'autre admirait la belle créature qui venait de croiser son chemin.

Quoi de plus cliché, niais et ringard que de tomber amoureux de cette façon, d'un simple regard ?

C'est à peine si un filet de bave ne s'écoulait pas de sa bouche légèrement entrouverte. Le plus jeune le regarda d'un œil à la fois septique et amusé, un brin de malice brillant au fond de ses yeux clairs. Après quelques mots et de nouvelles excuses échangées, il finit par lui fausser compagnie, laissant l'autre dans une sorte de transe, proche de la léthargie... Léthargie dont il sortit grâce à la sonnerie de son téléphone. Tout en brayant une nouvelle fois contre son retard, il repartit au pas de course vers son lieu d'apprentissage. Sa journée n'en fut pas moins mouvementée, après avoir reçu ses notes quelque peu désastreuses, il fallut en plus qu'il se fasse réprimander par la majorité de ses professeurs pour son incompétence. Non pas qu'il soit idiot, ni même en difficulté, seulement tout semblait l'ennuyer, alors pourquoi prendre la peine de réviser ? Il se demandait même s'il ne devrait pas abandonner les cours... Mais la vie active ne lui faisait pas de l'œil non plus, alors autant rester à l'école. Ce n'est qu'à la fin de la journée qu'il s'autorisa à sourire pleinement. Il entama le chemin du retour en vissant ses écouteurs dans ses oreilles, laissant la mélodie d'une chanson métaleuse lui trouer les tympans. Il finit par faire un détour, voulant profiter du soleil qui se faisait rare en cette saison. Après avoir tourné maintes et maintes fois dans maintes et maintes rues, il arriva à l'embouchure d'une rue commerçante faisant face à une route peu utilisée. Il dévisagea chaque boutique, chaque vitrine pour finalement se stopper face à un café à la façade d'un vert canard pour le moins déstabilisant. Il parcourut vaguement l'intérieur du regard, l'ambiance paraissait plaisante, alors sans attendre, il passa le pas de la porte, un sourire aux lèvres. Il était venu pour un simple café, et il ne pensait pas retrouver son partenaire de collision dans cet endroit. Il s'avérait que ce dernier y travaillait en tant que serveur.

Coïncidence ou cliché prévisible ?

S'en était suivit des semaines entières de pause-café après les cours, ainsi que de drague peu discrète... Arriva ce qu'il devait arriver, les deux garçons finirent par plier sans rechigner sous les coups de Cupidon, dévorés par un amour si grand que rien n'aurait pu les séparer. C'est ce qu'ils pensaient. A croire que le bonheur apporte la naïveté. Tout est éphémère mais ils semblèrent l'avoir oublié... Ce n'est que quatre ans après leur mise en couple que tout arriva. Une soirée entre amis, un peu trop d'alcool et des clés de voiture ne font jamais bon ménage. Ajoutez à ça une pluie torrentielle et vous obtenez un cocktail explosif. Mais ce n'est pas grave après tout ! Quatre verres ce n'est pas grand-chose, et puis ça arrive aux autres mais pas à nous ! Alors ils ont pris la voiture, profitant des derniers effets de la boisson, partant dans un grand éclat de rire. Ils n'avaient pas vu le camion arriver. Le choc fut dur. Les hurlements résonnèrent dans la nuit mais furent étouffés par le bruit de la pluie. Les pleurs retentirent aussi, mais se tarirent rapidement, la douleur les effaçant. Cela avait coûté la vie à l'un, les éclats du pare-brise s'enfonçant trop profondément dans sa peau. Cela avait coûté un bras ainsi que sa mémoire à l'autre.


La pluie battante continuait de s'abattre sur la rue, comme des larmes trop longtemps refoulées, mais il s'en fichait, il oubliait. Son cerveau était le seul encore cruel, il ne laissait pas l'image de son amour mort disparaître. Il l'obligeait à revivre encore et encore son bonheur et la chute brutale de ce dernier. Mais il ne l'acceptait pas, il ne voulait pas. Alors le temps d'une journée, le temps d'une soirée, le temps d'une vie, il attendait. Il attendait devant ce café à la devanture colorée.



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Je ne sais pas si je serais capable de vous pondre un truc plus ou moins joyeux un jour... En espérant que vous avez quand même apprécié.

~ Nessyaa

Recueil d'histoiresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant