Chapitre I

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Septembre 201X

Aujourd'hui, j'ai demandé à Alex si je pouvais traîner avec son groupe de potes. Pas que je n'ai pas d'amis ou quoi, juste que c'est pour moi la seule solution pour me rapprocher de Nathan. J'ai expliqué à Alex qu'ils étaient un groupe de gens auquel je m'identifiais bien, et que j'aimerais beaucoup apprendre à les connaître. Alex m'a adressé un grand sourire.

Un mètre soixante-quinze, les cheveux raides et noir corbeau, des origines japonaises, Alex est un peu un cliché. Enfant unique et surtout enfant prodige, possédant une maison énorme, inscrit dès son plus jeune âge à une école de musique où il apprit le piano et le violon, il est néanmoins passionné par le dessin manga, les animes et les jeux vidéos. Je pense qu'il est la seule personne à des kilomètres à la ronde à posséder tous les tomes de One Piece en version papier. Il est plutôt maigre. Il dort très peu, reste devant son ordinateur jusqu'à quarante-huit heures d'affilé s'il n'a pas cours. Sa mère lui dépose des plateaux repas derrière sa porte chaque soir, mais elle le récupère quasi systématiquement aussi rempli que quand elle l'a déposé. 

Pourtant, Alex fait une consommation exceptionnelle de chips. Sans prendre un gramme. La vie est injuste. Il est cet ami détestable qui mange n'importe quoi en restant fin comme un doigts quand les gens normaux prennent trois couches de graisse directement. Il est aussi très humble, ce qui fait qu'il ne traîne pas avec des gens populaires, mais juste des gens avec qui il s'entend bien.

Alex m'a donné un point de rendez-vous, dans la cour, à dix heures. La pause de dix heures est courte mais elle suffira pour faire les présentations. Il avait conclu la conversation par un de ces sourires rassurants que certains possèdent. Un sourire qui exprimait toute la compassion possible pour une personne avec peu de vie sociale qui demandait explicitement à être intégrée dans un groupe de potes.

***

« Voici Morgane, présente Alex. C'est une jeune enfant innocente que nous prendrons sous notre aile cette année. »

Je lui adresse un regard noir et un rire jaune.

« Morgane, voici Thibault. Il a sauté une année, c'est une tête. C'est un rat de bibliothèque pour faire simple. »

Un mètre soixante-dix, de grands yeux clairs et des cheveux châtains, Thibault m'adresse un signe de la main.

« Lui, c'est Math. Il a raté une année par contre... Donc voilà, on sait pas grand chose de lui, mais on sait déjà qu'il est cool! »

Math m'adresse un faux sourire glacial. Nous nous connaissons déjà. Nous étions amis et très proches il y a plusieurs années de cela. Je ne le savais pas arrivé dans mon école. Je ne l'avais plus vu depuis des années. Un mètre quatre-vingts, les yeux bruns, des cheveux noirs, plus courts sur les côtés et relevés sur le devant. Il n'avait pas vraiment changé. Je crus néanmoins apercevoir un tatouage coloré sur son cou, avant qu'il ne rajuste son écharpe d'un air exaspéré quand il remarqua que je l'observais. Il a dix-sept ans, un an de plus que moi. Je laisse échapper un sourire gêné à son égard. Je ne pense pas qu'on avait perdu contact en mauvais termes?

« Le gars qui dit rien et qui s'appuie si fort contre le mur en espérant un jour se fondre dedans, c'est Nath. Nathan, en fait.»  

Il parut sortir subitement de sa rêverie, et se contente de me jeter un regard sans expression. Je me sens transpercée de part en part par ce regard. J'ai un coup de chaud à l'intérieur. Je lui adresse un petit sourire poli pendant qu'Alex commence à me le présenter - comme si je ne le "stalkais" pas depuis des années sur tous les réseaux sociaux possibles et inimaginables en plus de quasi le pister en vrai et l'observer dès que possible... haha...

Un mètre soixante-dix-sept, les yeux verts très clairs, des cheveux bruns volumineux et en bataille. La peau blanche que quelques plaies de boutons ne peuvent gâcher. Des traits fins, bien dessinés Et Dieu, que le mot "bien" est faible dans ce cas-ci. On dirait une oeuvre grecque sculptée des semaines durant. Un David de Michel-Ange.  Un charme incroyable que j'espère être la seule à voir.

« C'était mon meilleur ami en primaire, il a changé d'école un moment, mais maintenant il est de retour. Il ne parle pas beaucoup mais il est très chouette lui aussi. Franchement, on n'est pas les meilleurs en communication et en socialisation, mais on est cool, vraiment, je te le dis en toute objectivité, dans le sens où on se prend pas trop la tête. On a plus facile à parler derrière nos ordis je t'avoue, mais on fera un effort pour toi. »

Il sourit, et son visage prend une expression qui le fait ressembler à une grenouille.

« Merci », dis-je simplement, reconnaissante, jetant un coup d'œil à Nathan au passage. Il fixait encore le sol. C'est quand même frustrant de se sentir ignorée par quelqu'un à qui on vient d'être présentée.

Tout le monde regardait le sol, après vérification. C'est très gênant, je me sens horriblement de trop. Vos chaussures sont plus intéressantes qu'une discussion? Je crois que je commence à comprendre ce qu'Alex voulait dire quand il disait qu'ils avaient plus facile à parler derrière des ordis. Je me demande sincèrement si quand je ne suis pas là, ils parlent, ou si ma présence les gêne, et uniquement ma présence. Après une courte réflexion, je me rends compte qu'en plus de ça, je suis aussi la seule fille du groupe. J'aime pas partir dans les clichés, mais peut-être qu'ils sont de vrais otakus qui n'ont jamais eu de copine ou même d'amie. J'aimerais disparaître, là tout de suite.

Heureusement, la sonnerie retentit.

Alex est le seul à me faire un signe de la main.

« On se retrouve ici à midi! »

Je n'ai tellement pas envie d'y être. On va encore se retrouver dans cette conversation inexistante avec des pieds incroyablement dignes d'intérêts. Faites que quelqu'un se brise un os de la jambe d'ici là qu'on ait un sujet de discussion par pitié.  

Cependant, en cours, je me surprends à rêvasser. Je vais me rapprocher de Nathan, petit à petit... Je gagnerai sa confiance, je serai son amie, puis sa meilleure amie... Je vais me rendre indispensable à sa vie, et quand il verra qu'il ne peut plus se passer de moi, il aura du mal à comprendre cet émotion mais en moins de deux, il se dira amoureux et je vais enfin concrétiser mes rêves... Déjà deux ans que je les ai. Mais aujourd'hui, plus de remords parce que plus de copain. Plus de barrières. Un terrain entièrement libre. Je refuse de m'arrêter, cette année, il est mon plus beau défi.

Tu m'a(b)imes.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant