Chapitre 4

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Ma mère avait beaucoup pleuré ces derniers jours, mais je la voyais peu. Samedi après-midi, j'ai fait un sac à dos avec une batterie externe pour mon portable, des vêtements de rechange, ma trousse à maquillage et mon porte-feuilles. En descendant dans la cuisine, j'ai trouvé sur la table un billet de vingt euros, et un post-it de ma mère.

"Amuse-toi bien.", accompagné d'une sorte de bonhomme souriant et un peu foireux. Ça avait le mérite d'être gentil. Je sors et je marche jusqu'à l'arrêt de bus. Je monte dans la navette jusqu'à la ville T. Sur le chemin, j'active ma 3G. Math est connecté sur Facebook, mais pas sur Messenger. J'en déduis qu'il est chez lui. Je descends à l'arrêt à la sortie de la ville, et je marche jusqu'à chez Math.

Math n'a jamais eu de père. Quant à sa mère, si la maison est à son nom et qu'elle continue de la payer, elle vit chez son nouveau copain, depuis que la grande sœur de Math est morte. Trop de souvenirs dans cette maison qu'elle disait. Math a tenu à rester. Et comme sa mère est toujours officiellement domiciliée là, il n'a pas d'embrouilles avec les services sociaux. Sa maison est un ancien hôtel, qui compte de nombreuses chambres qui n'ont plus servi depuis des années. La moitié des bâtiments est en ruines. Mais ce qui fonctionne encore, Math l'entretient très bien.

Je frappe à la double-porte qui a perdu de sa splendeur avec les années. Une fenêtre s'ouvre. Math passe sa tête, soupire et referme la fenêtre. Je l'entends descendre les escaliers et enlever toutes les sécurités de la double-porte. Il finit par m'ouvrir. J'ai à peine le temps de le saluer qu'il attrape mon bras, me tire à l'intérieur et referme la double-porte, qui claque dans un bruit sourd. A l'intérieur, tout est gris et sent la cigarette. Le peu de lumière qui passe par les fenêtres du hall trop hautes pour être entretenues ne fait que mettre en évidence toute la poussière des vieux rideaux et tapis qui vole en particules dans l'air.

Math me traîne jusqu'au petit salon trônant au milieu du hall, et me pousse violemment sur un fauteuil. La poussière se soulève sous l'effondrement de mon corps et me fait éternuer. Math s'installe sur la table basse en face de moi. Il attrape un paquet de Marlboro et sort une cigarette. Il la porte à ses lèvres. Sort un Zippo de sa poche. Allume. Tire. Inspire. Expire. La fumée sort rapidement de sa bouche. Il est énervé. Et le grésillement du tabac qui brûle est le seul bruit audible. 

Il finit par briser la glace:

« J'attends des excuses. »

Je manque de m'étouffer. De quoi il parle? Je ne peux plus esquiver...

« Mathieu... Je suis désolée, je ne me souviens plus de rien...

- Forcément, quand on n'a pas le beau rôle dans une histoire, on a plus facile à prétendre avoir oublié que de s'excuser.»

Je pense que recevoir un bloc de béton sur le haut du crâne me ferait plus plaisir que me prendre ce genre de commentaire.

« Ça ne te dit rien, Tim? », ajoute-t-il.

Je fronce les sourcils. Tim est mon ex, avec qui j'étais lorsque je suis tombée amoureuse de Nathan, pendant le camp de vacances.

« Si, je sais qui c'est... mais je ne vois pas le rapport avec toi...?

- Je n'arriverai jamais à comprendre comment tu fais pour oublier si facilement ce qui a fait souffrir d'autres pendant des mois, des années. »

Second bloc de béton. Math tire une longue bouffée sur sa cigarette et reprend:

« J'ai été fou de toi pendant une bonne année, tu ne peux pas l'avoir oublié ça. C'était plus que de l'amour. Tu étais mon tout. La seule personne sur Terre qui en valait la peine à mes yeux. »

Tu m'a(b)imes.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant