Chapitre 4

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Chapitre 4

AHARON

Un truc que je ne fais jamais, c'est de garder mon portable à portée de main. Mais cette déplorable manie s'est aggravée depuis quelques semaines. 2 semaines précisément. Depuis que j'ai laissé mon fantasme vivant hébété devant sa boisson. J'ai continué ma petite vie pépère, vous savez le métro, boulot, dodo. J'ai fait mes petites sorties nocturnes habituelles, avec les potes, after, restaurant et tutti quanti. Mais, mon appareil n'était jamais loin. Je ne vous dis pas le nombre de bonds que j'ai fait dès que cette invention du diable sonnait.

En ce moment même, je contemple cet outil de communication, désespérément discret. Assis à sur mon siège, avec mes collègues qui me fixent subrepticement, oscillant entre inquiétude et consternation. Et moi, tentant vainement de m'intéresser à la réunion mensuelle. Notre patron égrène de sa voix placide les résultats du mois et pour la première fois de ma vie, je m'en moque. Tout mon corps et mon esprit sont tournés vers une unique obsession. Deux en fait. Mon manuscrit entre les mains de ma nouvelle passion inaccessible.

Je suis en phase d'hypothermie hystérique. Je sais, ça ne veut rien dire...Mais c'est ce que je ressens et de toute façon c'est mon journal et j'écris ce que je veux. Bref, et pourquoi ? Parce qu'il se trouve que je développe une haine grandissante pour les Maisons d'Editions et plus particulièrement l'une d'entre elles. Et surtout son patron qui hante toujours autant mes fantasmes....

Peut-on haïr et apprécier à la fois ? Apparemment oui. La nuit, je rêve, le jour je maudis. Ma patience passablement fragile ces derniers temps, est en train de s'évanouir à une vitesse exponentiellement proportionnelle au temps qui passe.

Ça fait deux foutues semaines que je vais et je viens. Je mange, je bois, je me lave, je dors et je me branle. Oui, pour votre information, cette dernière pratique ô combien relaxante fait partie des besoins basiques et organiques de l'être humain. Mais bon, je ne vais pas ergoter non plus.

Cela dit, il m'avait prévenu. Cela m'empêche-t-il de me ronger les ongles ? Evidemment que non.

En fait, c'est du sadisme pur. L'attente.

Oui c'est ma nouvelle définition. Et elle colle parfaitement à mon état d'esprit et je ne veux rien entendre. Je suis sur la brèche, sur le qui-vive. Mon téléphone miaule de douleur, tellement je le prends et le repose en le claquant sur toutes surfaces qui supportent son petit poids. C'est pour vous dire. Et encore, je me retiens de lui faire rencontrer le mur.

Mes collègues, les pauvres subissent mon humeur sinistrement agréable de ces dernières semaines. Et je ne vous parle pas de mes amis. Je cultive depuis peu, un gout immodéré pour le rembarrage. Mes potes ont bien essayé de comprendre, mais mon regard noir et mes onomatopées les ont calmés assez vite. Depuis, j'ai affiné ma technique. Je ne me reconnais pas dans cette personne mal aimable et acerbe. Mais, je n'arrive pas à m'en empêcher, néanmoins, j'arrive à peu près à rester pro. Une gageure. Tellement que même mes clients les plus fidèles se posent des questions.

Le seul truc positif est que j'ai maigri. Arrêtez de rêver, je n'ai toujours pas une taille de sylphide. Mais j'ai perdu un tour de taille, ce qui n'est pas négligeable, vu mon poids. Donc en clair, cette attente fout le bordel dans mon cerveau mais est une bénédiction pour mon corps. Quelques mois à ce rythme-là, et je pourrais concourir à Monsieur Univers.

Et puis, il y a Lui. Ce fouteur de merde de mon cerveau, qui se pointe à n'importe quelle heure. Nu, habillé. Il est toujours là, pas très loin. Me donnant des sueurs, faisant galoper mon sang dans les veines. Dans mon subconscient, me faisant saliver, me rendant dur. Ce visage, ce corps qui me rend dingue. Il est là. Ne me lâchant pas d'une semelle, un véritable virus. Je ne pense qu'à lui. Cela me rend malade de moi-même. A soupirer après un mec qui visiblement ne supporte même pas le contact d'une personne hors norme. J'essaye vainement de me refréner, m'obligeant à coups de gifles mentales à ne pas penser à lui. Putain....Dieu m'a fait une sale blague, je vous le dit ! Il s'est réveillé un bon matin et a dû se dire « tiens si je foutais la vie d'Aharon en l'air. Il doit s'ennuyer ce petit ! ».

AGAMUSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant